NOUVEAUX CONFLITS : GÉOSTRATÉGIE ARCTIQUE

Les incidences stratégiques du réchauffement climatique
Auteur: 
Hubert Fabre, Directeur de recherche associé à l'IERI - Docteur en Droit
Date de publication: 
30/9/2013

SOMMAIRE

1. L’EXPLOITATION DES RESSOURCES NATURELLES
La ressource halieutique
Les ressources minières
La fièvre des hydrocarbures
Mieux vaut tard que jamais
Le tourisme arctique
2. LES PROBLEMES DE DELIMITATION TERRITORIALE
La dorsale de Lomonossov
Les routes du Nord
3. LA COOPERATION CIRCUMPOLAIRE
L’avenir des populations autochtones
Les institutions de la coopération circumpolaire

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La fonte de la banquise arctique offre de nouvelles perspectives en matière d’exploitation des ressources naturelles du cercle polaire : les réserves de minerais et d’hydrocarbures y seraient gigantesques et les « passages » du Nord-Est et du Nord-Ouest réduisent de plusieurs milliers de kilomètres les distances des routes maritimes parmi les plus fréquentées.

Cependant, les eaux arctiques ne sont guère hospitalières. Le climat y est extrême durant un long hiver : le thermomètre peut tomber à -50°C, les tempêtes sévissent tandis que les congères encroûtent tout. Certes, le réchauffement climatique a allongé la période d’été, mais la pleine saison de navigation maritime sur les routes du Nord demeure courte : elle ne dépasse pas trois mois. Et la fonte des glaces rend la navigation plus périlleuse à cause des icebergs. A terme, les investissements étant colossaux, les chantiers titanesques, les activités en Arctique devront être très rentables ce qui, concernant les matières premières, supposera des cours mondiaux élevés.

Malgré les obstacles techniques et un milieu hostile, l’intérêt grandissant pour cette région met aux prises de grandes puissances, parfois Etats riverains, tels que les Etats-Unis et la Russie, d’autrefois puissances commerciales, telles que la Chine (RPC) et l’Union européenne (UE). Ainsi, l’eldorado arctique constitue une zone de tensions stratégiques – et de revendications – réveillées et accentuées par le réchauffement climatique.

Aussi l’exploitation des ressources de l’Arctique dépendent de la capacité à explorer et à rentabiliser ces richesses comme de la résolution de litiges internationaux persistants en matière de délimitation territoriale. Cela signifie notamment que les puissances circumpolaires devront disposer de capacités d’administration adéquates de ces territoires y compris maritimes. En pratique, une « puissance arctique » devra être dotée de moyens de contrôle, d’assistance et d’intervention efficaces, incluant des moyens coercitifs. Enfin, s’il existe plusieurs forums de discussions et de rencontres, le cadre institutionnel régissant la coopération arctique paraît insuffisant, à court terme, pour relever les défis et en particulier les risques d’une exploitation de l’Arctique à plein rendement.

 

1. L’exploitation « commerciale » des ressources naturelles

L’Arctique dispose de ressources naturelles dont l’exploitation, si elle n’a pas déjà commencé, est envisagée à brève échéance. Les hydrocarbures et les minerais sont souvent cités en référence. Pourtant, la zone arctique recèle d’immenses territoires de pêche, a priori le seul secteur dont la mobilité permet d’entrevoir un développement durable.

La ressource halieutique

Les campagnes de pêche, déjà très lucratives en mer de Barents par exemple, pourraient remonter plus au nord. Comparé aux financements nécessaires aux industries de l’extraction minière ou du forage pétrolier, le faible coût d’investissements d’une flottille rend l’expansion de cette activité plausible.

Cependant, la pêche pourrait se révéler moins miraculeuse qu’escomptée : en effet, le droit international de la mer prévoit que la gestion de la ressource halieutique des poissons dits « chevauchants » – qui se trouvent dans les zones économiques exclusives (ZEE) et dans les secteurs adjacents – et des « grands migrateurs », dépend d’accords conclus entre les Etats concernés, soit directement soit par l’intermédiaire d’une organisation régionalei.

Or, les rapports interétatiques relatifs à la pêche en Arctique demeurent délicats alors qu’une gestion cohérente de la ressource paraît urgente face aux risques d’extinction de plusieurs espèces endémiques. Le Conseil de l’Arctique, où se retrouvent les délégations des pays circumpolaires, est encore balbutiant sur le sujet. Il pourrait s’inspirer de textes internationaux existants comme l’Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons de 2001 et ses directives, ou la Convention pour la protection du milieu marin de l’Atlantique du Nord-Est de 1992ii. Cependant, la pêche demeure un sujet sensible car elle représente une source non négligeable de revenus – jusqu’à 90% des exportations du Groenland.

Avant d’envoyer leurs pêcheurs envahir l’Arctique, les Etats riverains devront régler des différends territoriaux qui seront envisagés ultérieurement. Dans un environnement aussi hostile que celui de l’Arctique, ces revendications de souveraineté tiennent à la présence, avérée ou supposée, de ressources fossiles, notamment de minerais.

Les ressources minières

Avec l’allongement de la période d’été, la fonte des glaces a libéré de vastes étendues de terres arctiques. Les territoires du grand Nord canadien, de la Sibérie ou du Groenland deviennent accessibles plus longtemps qu’auparavant. Les études géologiques font miroiter des trésors vierges d’exploitation : gisements de zinc, de fer, de plomb, d’étain, de platine, d’uranium, de diamants, probablement d’oriii. Et l’intérêt est vif pour s’accaparer ces richesses.

Au Canada, les sables bitumineux de l’Alberta ont attiré les pétroliers malgré un coût de traitement élevé, couvert par l’envolée des prix du baril. Plus au nord, les compagnies minières, parmi lesquelles BHP Billiton, Xstrata, Areva, Newmont, ont envahi la province du Nunavut : elles défrichent, explorent, quadrillent des parcelles de prospection grands comme un petit pays d’Europe.

Le géant indien, MittalSteel, a récemment annoncé un projet de mine à ciel ouvert dans cette même province du Nunavut. Il concerne le gisement de Mary River, près des îles de Baffin, dont les réserves sont estimées à 365 millions de tonnes de minerai de fer (l’équivalent, selon Lakshmi Mittal, de 17 milliards d’euros)iv.

La Chine, qui a étranglé le marché des terres rares jusqu’à en obtenir le quasi-monopole, développe des alliances minières stratégiques en Arctique. Aussi, le Groenland ayant obtenu, en 2009, les attributs d’Etat souverain sur ses ressources naturelles, il peut à présent traiter directement avec les investisseurs étrangers. Cela n’a pas échappé à Pékin : en novembre 2011, le ministre groenlandais de l’industrie et des ressources minérales a été reçu par Li Keqiang (n°7 dans la hiérarchie communiste), un honneur rarement réservé à un représentant de rang ministériel d’une île de 56.000 habitantsv.

Le Groenland est devenu un nouvel eldorado minier : il faut dire que le recul de la banquise (la perte annuelle a quadruplé ces dix dernières années par rapport à la décennie précédente) y a été le plus important (perte moyenne de 152 gigatonnes de glace par an)vi. Dans ces conditions, le gouvernement groenlandais a d’ores et déjà concédé des centaines de permis de prospection à des compagnies minières de diverses origines.

La découverte d’uranium au Groenland intéresse la Chine. Cependant, Nuuk (la capitale du Groenland) doit recevoir l’aval de Copenhague s’agissant de minerais sensibles dont l’exportation est soumise à des contraintes et restrictions internationales. Mais le Dane-mark ne devrait pas s’opposer à une activité participant au développement de la grande île. En fait, la principale préoccupation des Groenlandais concerne la venue de 3.000 à 5.000 travailleurs chinois qui devraient être confinés dans des bases de vie à l’écart des Inuitsvii. La méthode peut paraître contestable, d’autant que la soudaine richesse du Groenland mènera nécessairement les populations autochtones à adopter les codes et les mœurs des sociétés modernes.

En Europe aussi le réchauffement climatique a relancé une production minière longtemps dévastée. Dans le grand Nord scandinave, l’exploitation du fer, du cuivre, du zinc, a connu une croissance phénoménale ces dernières années. Plusieurs milliards d’euros d’investissements miniers sont programmés en Suède, en Finlande, en Norvègeviii. Dans ces trois pays, l’opportunité en termes d’emploi se chiffre par dizaines de milliers. La plus grande mine de fer souterraine, exploitée par LKAB (compagnie publique suédoise), se trouve à Kiruna, dans la toundra. Suivant une décision adoptée en 2004, la ville de 20.000 habitants doit être déplacée afin d’étendre l’exploitation de la mine.

A terme, l’exploitation des dépôts de minerais sous-marins comme la récolte des hydrates de gaz, dont les technologies n’ont pas encore atteint une viabilité technique et économique, pourrait accentuer la course au grand Nord jusqu’au Haut-Arctique.

 

La fièvre des hydrocarbures

La région arctique disposerait, suivant les prévisions, de 22% des réserves en pétrole et en gaz non prouvées de la planète. Cependant, ces estimations sont entourées de flou : elles proviennent de l’Institut géologique américain et se composent de 13% du pétrole non découvert (90 milliards de barils), 30% du gaz naturel et 20% du gaz naturel liquide (au total 22% des réserves mondiales non prouvées en hydrocarbures)ix.

A ce stade, la fièvre de l’Arctique s’est emparée des compagnies pétrolières qui financent à grands frais la surveillance des mouvements de la banquise par satellite et des programmes d’exploration sous-marine. Les investissements sont astronomiques. Le géant de l’assurance, Lloyd’s of London, estime que le montant des investissements en Arctique devrait avoisiner les 100 milliards de dollars dans les dix ans à venir. Mais Richard Ward, directeur de la Lloyd’s, a demandé à ses clients de « ne pas se précipiter, de réfléchir attentivement aux conséquences de leurs actions »x.

Ne pouvant s’affranchir de coûts élevés d’extraction et d’acheminent (le gaz est plus coûteux à transporter que le pétrole), la rentabilité du pétrole arctique dépend en priorité du cours du baril. Autour de 110-120 dollars les investissements semblent viables. Selon les modèles d’analyse éprouvés par le brut de la mer du Nord, il ne faudrait toutefois pas que le baril plonge sous la barre des 75 dollars.

La Russie est le premier producteur arctique de pétrole et de gaz (respectivement 75% des réserves connues de pétrole et 90% des réserves connues de gaz). En Amérique, la région du versant Nord de l’Alaska produit environ 15% du pétrole domestique des Etats-Unis, expédié par pipeline de Prudhoe Bay jusqu’à Valdez dans le sud de l’Etat où il est alors chargé sur des tankers. Quant à la société Statoil, elle exploite des champs gaziers dans la mer de Barents et poursuit la prospection au large du Groenland, des îles Féroé et en mer de Norvège.

Les « majors » du pétrole sont toutes présentes en Arctique : elles partagent les investissements, espérant en retirer de substantiels bénéfices. Les exemples sont nombreux, partout autour du Haut-Arctique. En juillet 2007, Imperial Oil et ExxonMobil Canada ont entamé une campagne de prospection dans la mer de Beaufort. En juin 2008, six entreprises supplémentaires ont demandé l’autorisation de prospecter dans les eaux de la mer de Beaufort et dans le delta du Mackenzie, dont BP qui a engagé 1,18 milliard de dollars dans la prospection. Le projet gazier Mackenzie emmené par l’Imperial Oil, et son pipeline rejoignant l’Alberta, sont estimés à 16 milliards de dollars d’investissements. Et dans une volonté de réduction de leur dépendance énergétique, les Etats-Unis ont annoncé accorder de nouveaux permis de forage au nord de l’Alaska, en mer de Beaufort et dans la mer des Tchouktches.

De son côté le Groenland a autorisé l’écossaise Cairn Energy à forer dans la baie de Disko, dont une plate-forme d’exploration a été prise d’assaut par des militants de Greenpeace entre la côte ouest du Groenland et le Canada, à l’été 2011xi. L’association écologiste a récidivé cette année en escaladant cette fois une plate-forme de Gazprom dans la mer de Petchoraxii.

En Europe, la Norvège qui se proclame leader de l’environnement mène en tête la course à l’exploitation des hydrocarbures de l’Arctique. A cet égard, sa politique énergétique devint agressive à mesure que la production norvégienne commença à décliner à partir de 2004. En janvier 2012, Oslo a accordé 26 permis de forer en mer de Barents et en mer de Norvège, puis a lancé un appel à candidatures, en décembre 2012, concernant les concessions de 72 et 14 « blocs » dans ces mêmes zones.

En Russie, Rosneft a conclu des accords avec ExxonMobil et l’ENI pour explorer la mer de Kara. Le géant tentaculaire Gazprom avait fait de même avec le norvégien Statoil et le français Total pour l’énorme champ gazier de Chtokman, à l’est de la mer de Barents. De son côté, le britannique BP a misé 10 milliards de dollars dans les gisements de la région autonome de Yamal-Nenets, au nord de la Sibérie.

Aussi l’intérêt de la Chine est grandissant pour la région : en 2004, Pékin a inauguré une base permanente en Norvège (baptisée Huanghe ou fleuve jaune), dans l’archipel des Svalbard. Celle-ci accueille un brise-glace utilisé auparavant en Antarctique, projetant d’en acquérir un second. Grâce à cette implantation permanente dans les eaux arctiques, la RPC marque sa ferme intention d’accéder au statut d’observateur permanent au Conseil de l’Arctique finalement acquis en 2013 (en 2009, une première demande chinoise avait été rejetée)xiii.

La base Huanghe des Svalbard et son brise-glace sont autrement stratégiques vus de Pékin : en effet, le passage du Nord-Est permettra, à terme, d’importer plus rapidement le pétrole russe de la mer de Barentzxiv.

Et la Chine continue à tisser sa toile arctique : en avril 2013, elle a signé avec l’Islande un accord de libre-échange ainsi qu’un accord de coopération dans l’Arctique. Un signal supplémentaire de l’intérêt particulier que porte Pékin sur l’étude du réchauffement climatique et sur les ressources énergétiques et minières de la région.

 

Mieux vaut tard que jamais

L’exploitation offshore des ressources arctiques en hydrocarbures n’a pas encore prouvé sa pleine viabilité. A l’heure actuelle, le seul site de production offshore d’importance, Snovit, est exploité depuis 2007 par Statoil, en mer de Barents.

Non seulement la période estivale ne dépasse pas trois mois mais surtout l’hostilité du milieu implique des risques difficiles à évaluer et à circonscrire en cas d’incidents sérieux. Le pétrolier français Total a préféré se désengager des projets de forage offshore considérant les risques liés à l’environnement trop élevésxv. Pourtant, l’ex-Total-Fina-Elf s’était engagé dans un programme conjoint (partenariat entre neuf pétroliers) pour mettre au point des dispositifs et procédés opérationnels anti-marée noire.

Comme il n’existe aucun système international de responsabilité et/ou de compensation en cas de dommages graves à l’environnement, et échaudées par l’exemples de la catastrophe de BP dans le Golfe du Mexique (plate-forme Deep Water Horizon), les compagnies pétrolières préfèrent s’entourer de précautions de manière à contenir les risques. C’est pourquoi la plupart de ces compagnies ont révisé leurs projections : la fièvre n’est pas retombée mais, comme cela a été évoqué, la Lloyd’s a tiré la sonnette d’alarme sur cette région à haut risquexvi.

Les raisons d’une soudaine pondération, quoique relative, sont variées : elles tiennent parfois à la prudence, d’autrefois à des campagnes d’exploration décevante. En juillet 2012, BP a renoncé à un projet offshore en Alaska (chiffré à 1,5 milliard de dollars) pour des considérations techniques et budgétaires. En fait, dix-huit mois d’étude ont révélé que les 100 millions de barils du gisement Liberty, en mer de Beaufort, ne permettraient pas d’atteindre le seuil de rentabilité.

Même la toute-puissante Gazprom, associée à Total et à Statoil, a du reporter la mise en exploitation du projet Chtokman, initialement prévue en 2016. A la fin du mois d’août 2012 le projet Chtokman a été gelé sine diexvii. Ce fabuleux gisement de la mer de Barents contiendrait 4.000 milliards de mètres cubes de gaz. Mais très difficile d’accès, il a été victime, d’une part, de l’explosion des coûts d’exploration et d’exploitation offshore dans les conditions arctiques, et d’autre part, de la crise l’économique en Europe. Le pétrolier Total s’est désengagé et le Norvégien Statoil a annoncé remettre l’exploration arctique à 2015. Néanmoins, Gazprom reste engagé dans d’autres projets d’envergure en Arctique, dont les 25 gisements d’hydrocarbures de la péninsule de Yamalxviii.

Le calendrier arctique du pétrolier Shell a aussi été bouleversé par des évènements imprévus. Ses équipes ont mené une saison d’exploration intense au large de l’Alaska et en mer des Tchouktches, qui s’est achevée le 24 septembre 2012. Le pétrolier a dépensé 4,5 milliards de dollars dans ses projets arctiques. Suite à un incident sérieux advenu à la mi-septembre sur un dôme d’endiguement, il a promis de revoir et de renforcer son système de confinement des polluants avant de lancer une campagne de forage à grande échelle, initialement prévue en juillet 2013. Toutefois, la production commerciale de pétrole et de gaz arctiques de Shell ne devrait pas démarrer avant 2017xix.

Ces difficultés techniques et financières retardent une exploitation pourtant inéluctable des richesses de l’Arctique. A côté de la pêche, des minerais, des hydrocarbures, le cercle polaire avec son océan glacial et ses aurores boréales, fascine l’imaginaire du grand public. C’est la richesse touristique de l’Arctique, conférant aux croisières sur les routes maritimes du Nord un côté « aventurier », sur les traces des expéditions polaires.

 

Le tourisme arctique

A première vue, le tourisme apparaît comme un secteur marginal de la « commercialisation » des routes maritimes de l’Arctique – le statut des « passages » est traité plus loin dans le raisonnement. Pourtant, depuis le 1er transit par la route du Nord-Ouest, en 1906, la plupart des navires civils ont emprunté ce passage à des fins touristiques. Une vingtaine de croisières par an s’effectuent à bord de navires à coque renforcée ou de brise-glaces russes loués à cet effetxx. Le potentiel touristique de ces « routes des icebergs » dépend de la capacité commerciale des paquebots affrétés sur ces lignes et de la demande. En-dehors des problèmes liés à la pollution de l’environnement, néanmoins maîtrisables, ce sont des considérations de sécurité qui pourraient limiter, à terme, l’expansion touristique.

Dans l’hypothèse d’un accroissement du trafic maritime (marchandises et passagers), la sécurité de la navigation devra nécessairement être renforcée aux niveaux technique et réglementaire. De la même manière, les moyens d’intervention devront atteindre un niveau suffisant pour contrôler la navigation, assurer des sauvetages, le confinement des risques et, le cas échéant, le renflouement d’épaves.

Les routes maritimes, faute d’être une ressource naturelle à proprement dite, constituent une richesse mais aussi un point de controverse en ce qu’elles dépendent de la délimitation et du statut des passages Nord-Ouest et Nord-Est.

 

2. Les problèmes de délimitation territoriale

Le 2 août 2007 une équipe scientifique russe plantait le drapeau de la Fédération au pôle Nord, sous la banquise, par 4261 mètres de fond. Cette revendication territoriale toute symbolique rappelle que l’Arctique n’est pas doté d’un statut international comme celui de l’Antarctique ou de « la Lune et des autres corps célestes ».

S’agissant des routes maritimes libérées par la fonte des glaces, le Canada et la Russie voudraient s’approprier les passages dont ils sont riverains. Leurs voisins contestent cette interprétation, préférant considérer que ce sont des eaux internationales leur permettant de naviguer librement, au moins de transiter de manière pacifique.

Les litiges portent encore sur la délimitation des plateaux continentaux, notamment à propos de la dorsale de Lomonosov, ou sur la délimitation des frontières maritimes entre la Norvège et la Russie (îles du Spitzberg), entre les Etats-Unis et le Canada (mer de Beaufort), ou encore entre le Canada et le Danemark (île de Hans). La situation n’est donc pas figée (la délimitation du Haut-Arctique reste en suspens, l’adoption d’un statut international ad hoc demeure improbable), ce qui rend la région arctique d’autant plus intéressante du point de vue stratégique.

 

La dorsale de Lomonossov

Les revendications d’extension du plateau continental de chacun des Etats riverains de l’Arctique illustrent les enjeux stratégiques comme les desseins qui se jouent dans la région. Au centre de la querelle se trouve la dorsale de Lomonossov, chaîne sous-marine traversant l’Océan glacial sur environ 1800 kilomètres. Le Canada, le Danemark et la Russie, qui lui sont riverains, veulent l’utiliser pour étendre leur plateau continental.

Pour rappel, le plateau continental d’un Etat concerne les fonds marins et leur sous-sol dans le prolongement naturel du territoire terrestre qui s’étend jusqu’au rebord externe de la marge continentale. L’Etat y exerce des droits souverains sur les ressources naturelles, sauf halieutiquesxxi. Quand le rebord se situe au-delà de 100 milles marins (environ 370 kilomètres), l’Etat dispose de la faculté de fixer la limite de son plateau continental dans la limite de 350 milles marins (environ 650 kilomètres). Dans le cas de la dorsale de Lomonossov, l’intérêt d’étendre sa souveraineté sur les fonds et le sous-sol marins se comprend aisément de la part des Etats riverains (ceux-ci devaient déposer leurs revendications devant la Commission des limites du plateau continental (CLPC) avant le 13 mai 2009)xxii.

La CLPC est compétente pour statuer sur la recevabilité des demandes conformément à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. La Russie fut la première à déposer sa requête en 2001. Les prétentions de Moscou, estimant que les dorsales de Lomonossov et de Mendeleïev prolongeaient le plateau sibérien jusqu’au pôle Nord, s’arrogeaient une portion colossale de la région arctique : elles furent rejetées, le Kremlin prié de revoir sa copiexxiii. Ensuite la Norvège, en 2006, puis le Canada et le Danemark ont envoyé leurs demandesxxiv. C’est alors qu’en mai 2008, les ministres des Affaires étrangères des Etats riverains de l’Arctique ont reconnu l’applicabilité du droit international de la mer dans une déclaration sur la gestion future des eaux polaires (il faut rappeler que les Etats-Unis n’ont pas ratifié la Convention de Montego Bay de 1982, mais ont adhéré à l’Accord sur « les stocks de poissons chevauchants » et « les stocks des grands migrateurs » en 1996)xxv. En attendant que toutes ces questions trouvent une réponse, la délimitation territoriale de l’Arctique reste incertaine.

Pourtant, la Convention sur le droit de la mer ne constitue pas un cadre juridique opérationnel en matière de coopération arctique. Son article 234, introduit par le Canada, fut détourné par Ottawa et Moscou pour faire de l’Arctique une zone spéciale pour la navigation et pour la préservation de l’Océan. Dans leur zone respective, Canadiens et Russes considèrent pouvoir entraver la circulation des navires étrangers sous l’empire de leurs propres réglementations – chacun ayant la siennexxvi. En matière de navigation et de sécurité maritimes, toujours à l’initiative du Canada, l’Organisation maritime internationale (OMI) publia, en 2002, le « Code polaire » (Directives sur le fonctionnement des navires dans les eaux arctiques recouvertes par les glaces) sur la navigation maritime dans ce milieu hostile. Toutefois, ces recommandations sont dépourvues de force obligatoirexxvii.

Ensuite, le Parlement européen orienta le débat vers un traité international pour la protection de l’Arctique qui s’inspirerait du traité sur l’Antarctique et du Protocole de Madridxxviii. Sans entrer dans le détail du régime applicable à l’Antarctique, il paraît inopérant de vouloir créer une zone de paix, protégée et démilitarisée, dans une région où frayent les sous-marins nucléaires, où sont implantées des composantes stratégiques du bouclier anti-missile américain, où les ressources stratégiques aiguisent l’intérêt économique et les ambitions de puissancexxix.

Quelle que soit l’idée, quelle que soit la source d’inspiration, rien ne se fera sans volonté politique. Or, la déclaration du 28 mai 2008 a surtout permis aux Etats riverains de se réfugier à l’abri du droit international de la mer : dès lors, quel besoin auraient-ils d’élaborer un régime juridique spécifique, complet et ouvert à l’adhésion d’Etats non côtiers ?

Les routes maritimes arctiques peuvent également être l’objet de litiges interétatiques concernant leur statut juridique. C’est le cas du Passage du Nord-Ouest en particulier, qui n’est pourtant pas officiellement ouvert à la navigation internationale. Cependant, il présente un intérêt stratégique de premier ordre pour les Etats-Unis, assurant le transit transocéanique des navires militaires, notamment des sous-marins. Le désaccord est poli entre Ottawa et Washington, l’entente fonctionnelle.

Les routes du Nord

En été, l’ouverture des routes commerciales arctiques permet de réduire les trajets du trafic maritime, de s’affranchir du canal de Suez et de celui de Panama, d’éviter les détroits rendus dangereux à la navigation par la piraterie. Un cargo partant du Japon parcourt plus de 23.000 kilomètres avant de traverser le « Channel » et d’entrer dans la manche en empruntant le canal de Panama, plus de 21.000 kilomètres en passant par le canal de Suez, et moins de 16.000 km par le Passage du Nord-Ouest longeant le Grand Nord canadien. Ainsi, la géopolitique de l’Arctique ne se limite pas aux riverains de l’Arctique mais aussi aux pays désireux d’y faire transiter leurs navires.

Il convient de préciser quelques caractéristiques du transport maritime auxquelles ne peut échapper la navigation arctique. Le trafic des conteneurs se fonde sur la régularité. En été, les glaces dérivantes risquent de ralentir le transit, les retards impliquant des pénalités financières dans un secteur très concurrentiel. Surtout, la voie maritime arctique restant sous l’emprise des glaces pendant un long hiver, cela nécessiterait de modifier les itinéraires logistiques deux fois par an. Par contre, les pondéreux, c’est-à-dire le transport de céréales ou de minerais, ne réclament pas la même ponctualitéxxx.

 

Le Passage du Nord-Est – La route maritime longeant le nord de la Sibérie est d’une distance comparable à celle du Passage du Nord-Ouest. Cependant, elle bénéficie de trois avantages non négligeables pour le commerce maritime : la fonte des glaces estivales y est plus importante que dans l’Arctique canadien, elle dispose de ports en eau profonde et de puissants brise-glaces nucléaires hérités de l’époque soviétique.

La voie du Nord-Est a été ouverte dès 1930. Elle permet aujourd’hui de réduire sensiblement le temps de transport par rapport au passage par la mer Rouge et le canal de Suez : de la mer du Nord (Rotterdam, Anvers) à la mer du Japon puis à la mer de Chine, le gain de temps avoisine vingt jours. La période de navigation s’étendait de la fin juin à la mi-novembre en 2012. Le trafic sur la route Nord-Est est passé de deux navires en 2009, à quarante-six en 2012. C’est en 2011, que l’augmentation a été la plus franche avec trente-quatre navires pour seulement quatre l’année précédente. La plupart des autorisations ont été accordées à des bâtiments russes, et soixante-dix demandes ont été refusées (dont celle de l’Arctic-Sunrise, le brise-glace de Greenpeace)xxxi.

Les Russes disposent d’une flotte de quatre brise-glaces nucléaires sans équivalent dans le monde (initialement la flotte comptait sept unités dont trois ne sont plus en service). Celle-ci appartient à une compagnie publique, Rosatomflot, qui opère depuis Mourmansk. A partir de 2011, face à l’accélération du transit, les tarifs de location ont été abaissés à 5 dollars par tonne transportéexxxii. Pendant l’été 2012, un concurrent s’est fait jour : le brise-glace chinois (acheté à l’Ukraine en 1993) baptisé Dragon des neiges (Xue Long), devenu depuis le Chinare. Il fit d’abord le trajet par le passage du Nord-Est dans le sillage d’un brise-glace de Rosatomflot, puis seul, plus au nord dans les eaux internationales. Auparavant, il avait participé à plusieurs expéditions polaires. Pékin estime que faire passer ne serait-ce que 10% du commerce chinois par la route du Nord-Est permettrait une économie de près de 700 milliards de dollars d’ici à 2020xxxiii.

Le premier navire commercial chinois, le Yong-Sheng a emprunté la route du Nord-Est fin août 2013 (du détroit de Béring à la mer de Kara), convoyé par le brise-glace atomique russe ib-50-Let-Podeby. Or, le Yong-Sheng, propriété de Cosco Shipping, fabriqué au Pays-Bas, fait partie de la classe polaire Arc4 (classification russe) qui permet de naviguer sur la route du Nord sans l’assistance d’un brise-glace (actuellement les assureurs refusent cette option).

Cependant, la route du Nord demeure dangereuse, même pendant l’été : à vouloir remonter trop au nord, cette navigation augmentera les risques d’accidents. Mais le Russe Rosatomflot, pariant sur une augmentation du trafic qui ne pourra se passer de sa flotte et de son expérience, a commandé un super brise-glace conçu pour naviguer haut sur l’Océan arctique.

La face cachée de l’épopée arctique russe a été dévoilée sans ambages en 2010, par Vladimir Poutine, alors redevenu Premier ministre. En annonçant une politique très volontariste envers l’Arctique, il évoqua « un nettoyage général » de ces territoires, n’hésitant pas à parler « de supprimer les décharges qui se sont accumulées pendant des décennies […] »xxxiv. Les décharges terrestres ne sont que la partie émergée de l’iceberg radioactif russe. Au bas mot une cinquantaine de sites seraient concernés, dont la péninsule de Kola et l’archipel de la Nouvelle-Zemble, véritables cimetières de déchets radioactifs, notamment d’épaves de sous-marins. L’ancien et actuel président de la Fédération de Russie, le même Vladimir Poutine, avait brossé sa doctrine arctique en 2008. Il lui a donné un « coup de knout » en avril 2012 : son gouvernement a présenté un plan d’investissements de 35 milliards d’euros étalé jusqu’en 2020, visant à moderniser les voies d’accès fluviales, routières, ferroviaires et aériennes, ainsi que les télécommunications dans le Nordxxxv. Et la Russie bombe le torse, s’il en était besoin, accélérant le renouvellement de sa flotte de sous-marins nucléairesxxxvi.

 

Passage du Nord-Ouest – Les Etats-Unis et le Canada connaissent un désaccord persistant à propos du statut juridique de passage du Nord-Ouest. Cette route maritime longe les territoires du grand Nord canadien, en partie frontaliers de l’Alaska, en reliant le détroit de Davis et la baie de Baffin à l’est, au détroit de Béring, à l’ouestxxxvii. Elle n’est pas, actuellement, ouverte à la navigation internationale.

Le Canada estime que le passage se situe dans ses eaux intérieures. Cette qualification permet à Ottawa de revendiquer la pleine souveraineté sur cette portion de territoire, d’y appliquer ses lois et de réglementer la navigation comme toutes les activités qui s’y déroulentxxxviii. Et le Canada privilégie, pour la délimitation de ses eaux intérieures, la méthode des lignes de base droites. La position canadienne se fonde sur des arguments dont la doctrine autorisée a critiqué la faiblesse, notamment D. Pharand, reconnu comme l’un des auteurs canadiens les plus avertis sur la questionxxxix.

D’abord, Ottawa considère détenir un titre historique reconnaissant sa souveraineté sur ces eaux, puisque le traité de 1825 entre la Russie et la Grande-Bretagne, trace la limite entre l’Alaska et le Yukon, dont la frontière, le long du 141e méridien, se prolonge jusqu’à la « mer glaciale »xl. Mais les Américains doutent que le traité ait entendu délimiter une frontière autre que terrestre. En outre, l’argument du titre historique a été utilisé pour la première fois en 1973 et aussitôt contesté par d’autres Etats.

Ensuite, le Canada soutient que les eaux du passage font partie de ses eaux intérieures parce qu’elles se situent entre le littoral et les lignes de base droites tracées autour de l’archipel arctique en 1985xli. Si cette méthode est fondée en droit international, les Etats-Unis comme l’UE lui opposent soit un droit de passage inoffensif soit un droit de passage en transitxlii. En d’autres termes, ils estiment que d’autres Etats exercent dans le passage des droits de navigation.

Pourtant, quand le Canada a choisi d’utiliser la méthode des lignes de base droites en 1985, il n’était pas signataire de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Or, ladite Convention prévoit que lorsqu’un nouveau tracé de lignes de base droites étend les eaux intérieures, cette délimitation implique un droit de passage inoffensif au bénéfice des autres Etatsxliii. Comme il s’agit ici d’une nouvelle règle de nature strictement conventionnelle – dépourvue de tout caractère coutumier – elle ne peut être invoquée par des Etats tiers. Ainsi, les détracteurs de la position canadienne privilégient d’autres méthodes de délimitation. En définitive, la seule solution permettant d’instituer un droit de passage inoffensif consisterait à accorder au passage le statut d’eaux territoriales en faveur des Etats côtiers – ici, le Canada.

Les Etats-Unis défendent une position aussi contestable sur le plan juridique, en considérant que le passage du Nord-Ouest répond au double critère, géographique et fonctionnel, d’un détroit international. D’une part, il doit s’agir d’un couloir – voie d’eau – reliant deux plans de haute mer, et d’autre part, il doit être utilisé par le trafic maritime international. Dès lors, il existerait un droit de transit.

Cette position relève d’une appréciation stratégique. Pendant la guerre froide, les Etats-Unis ne pouvaient se priver de la route sous-marine du Nord-Ouest, d’autant plus que les satellites d’observation ne peuvent détecter et suivre leurs cibles sous une épaisse couche de glace. A cet effet, les avantages du statut de détroit international et du droit de transit correspondant (transit continu, rapide et pacifique) permet aux navires commerciaux et militaires étrangers de franchir le passage sans déclaration préalable ni autorisation à solliciter auprès des Etats riverains – ce qui concerne aussi les sous-marins qui n’ont pas à faire surface.

Sept routes maritimes – dont deux réellement utilisées – traversent le passage de Nord-Ouest. L’étendue marine sur laquelle elles se situent participe à diluer le critère géographique nécessaire à la qualification du passage en détroit. Pour autant, l’emprise persistante de la calotte polaire dans le Haut-Arctique peut justifier le point de vue américain.

Toutefois, Washington insiste surtout sur le critère fonctionnel de la définition du détroit international : certes, le trafic international est peu développé dans le passage, mais invoquant le jugement de la CIJ dans la célèbre affaire du Détroit de Corfou, la position américaine rappelle que le volume du trafic ne peut pas être retenu, en l’espèce, comme facteur déterminantxliv. A ce titre, le Secrétariat d’Etat privilégie l’utilisation potentielle du passagexlv. Autrement dit, s’il n’est pas activement utilisé, il peut être utile, à terme, au trafic maritime international.

Ensuite, le Canada doit être capable d’occuper et d’administrer son territoire, y compris ses eaux intérieures (compétence exclusive de l’Etat). Or, les Etats-Unis contestent également ce point : en 1969 et 1970, le pétrolier américain S.S. Manhattan, puis en 1985, le brise-glace CGS Polar Sea, ont emprunté le passage sans demander la permission du Canada – qui émit tout de même de vives protestationsxlvi. La majorité des commentateurs conviennent de la faiblesse des moyens des gardes-côtes canadiens qui ne disposent que d’une flotte très réduite de brise-glacesxlvii. Néanmoins, pour palier cette lacune, le Canada a décidé de s’équiper de vedettes rapides à coque renforcée, plus adaptées à la surveillance et au contrôle des voies de circulation maritimexlviii.

Auparavant, en 1988, un accord américano-canadien était intervenu sur la coopération dans l’Arctique. Il prévoyait des mouvements de brise-glaces américains dans le passage avec le consentement du Canadaxlix. Cependant, cela n’a pas modifié la position de l’un ou de l’autre gouvernement sur le statut du passage. Néanmoins, les attentats du 11 septembre 2001 ont changé la donne : les Etats-Unis sont à présent plus préoccupés par la lutte anti-terroriste et le transfert en Amérique du Nord d’explosifs, de bombes sales. Dès lors, il paraîtrait préférable d’octroyer à l’Etat riverain les pleins pouvoirs sur les navires empruntant le passagel.

Reste que les Etats-Unis et le Canada ne s’entendent pas davantage sur la délimitation de leur frontière maritime commune dans la mer de Beaufort. Comme cela a été évoqué précédemment, le Canada brandit le traité de 1825 et se cantonne aux lignes de base droites tracées en 1985 – le long du 141e méridien. Mais comme cela a également été mentionné, les Américains contestent que le traité ait voulu autre chose que délimiter une frontière terrestre. A cet égard, D. Pharand doute que les parties aient seulement envisagé de délimiter l’étendue du plateau continental alors que la consécration de ce concept en droit international est postérieure à la conclusion du traitéli. De leur côté, les Etats-Unis privilégient le recours au principe de l’équidistance (ligne tracée à égale distance du plus proche point terrestre de chaque Etat qui épouse le littoral). Ils seraient également favorables à l’utilisation d’une ligne perpendiculaire à la côte, à partir du point où la frontière terrestre rencontre la mer. Tout l’intérêt dans le choix du mode de délimitation réside dans les prolongements des frontières, l’extension du plateau continental et la démarcation des ZEE dans une région riche en ressources naturelleslii.

Le Canada dispute également l’île de Hans au Danemark. Cet îlot inhabité d’une superficie de 1,3 kilomètre carré est situé dans le canal Kennedy qui sépare le territoire canadien du Nunavut (île de Ellesmere) et les côtes du Groenland. Malgré l’accord sur la délimitation du plateau continental entre Ottawa et Copenhague (1973), l’affrontement diplomatique perdure et chacun organise des démonstrations de souverainetéliii. En 2002 et 2003, deux missions de la marine hissèrent le drapeau danois sur l’île, avant que le ministre de la défense du Canada ne débarque à son tour sur le caillou, en 2005, pour y planter le drapeau de son paysliv.

Afin de rejoindre la route maritime du Nord-Est, le passage Kennedy devrait permettre d’éviter de contourner le Groenland par le Sud. Or, en s’alignant sur un argument invoqué par les Américains, le Danemark alimente les doutes sur la capacité canadienne à exercer sa souveraineté sur le territoire arctique.

Les Etats du cercle polaire arctique se disputent sur des questions de souveraineté, ce qui ne favorise pas la coopération régionale. Certes, ces mêmes Etats sont engagés dans un processus visant à accroître la concertation à l’échelle de l’Arctique sur des sujets globaux, mais la volonté manque à la tâche, ce qui témoigne une fois encore de la dimension stratégique des ressources naturelles et des routes maritimes arctiques.

 

3. La coopération circumpolaire

La coopération régionale en Arctique souffre du caractère hautement stratégique de la région, amplifié par le réchauffement climatique et ses effets sur les glaces polaires. Elle met aux prises les superpuissances de la guerre froide, Etats-Unis et Russie, et ne pourra longtemps tenir à l’écart une Chine qui entend affirmer sa présence dans toutes les zones stratégiques du XXIe siècle.

Les peuples autochtones ne pourront résister à l’exploitation accrue des ressources naturelles stratégiques de l’Arctique. S’ils n’ont pas déjà plié à l’appel des sirènes de la société de consommation, ils ne sont pas préparés à affronter des industries avides de matières premières, proches des puissances circumpolaires quand elles ne se confondent avec le pouvoir. Malgré les efforts, ces populations de faible densité, éloignées et éparpillées, peinent à constituer une force politique et à faire entendre leurs revendications ?

 

L’avenir des populations autochtones

L’« industrialisation » des territoires arctiques peut-elle bénéficier aux populations locales ? En-dehors des risques environnementaux réels, ce sont leurs modes de vie traditionnels qui se trouvent menacés par l’implantation de sites industriels et de mœurs consuméristes. Du point de vue politique et fonctionnel, la situation est contrastée, la mosaïque des peuples vivant en Arctique excluant une unité identitaire polaire.

Au Canada, les Inuits ont préféré rentrer dans le système de « développement », être des acteurs plutôt que se voir relégués à la margelv. Leurs représentants acceptent, réclament, grattent des compensations. Toutefois, cela ne garantie nullement la préservation de leurs modes de vie, et l’assimilation des populations Inuits, Inuvialuits ou Inupiats, à la société de consommation fait des ravages notamment parmi la jeunesse (chômage, alcool, suicides). Dans le nord de la Scandinavie, les populations sami se sont déjà opposées à des projets d’infrastructures minières qui risquaient d’entraver la transhumance de leurs rennes. En 2005, le Finmark Act a été signé par la Norvège accordant aux Sami la cogestion de leur région.

Ainsi, les Inuits ont inauguré en 1977, le Conseil circumpolaire inuit représentant les populations d’Alaska, du Canada, de Russie (Chukotka) et du Groenland. Les Sami disposent depuis 1956 du Conseil sami (avec des représentants venant de Russie, de Finlande, de Norvège, de Suède) qui exprime des avis et formule des propositions sur les droits, la langue et la culture. Les autres peuples autochtones sont représentés au niveau national, par exemple par l’Inuit Tapiriit Kanatami (1971) au Canadalvi.

La Russie compte 41 peuples arctiques (Nenets, Enets, Dolganes, Evènes, Youkaguirs, Tchouktches, etc.) réunis dans l’association Raipon, très critique à l’égard de Moscou. Mais il n’y a aucun espoir que cette association puisse défier et déjouer la planification du Kremlin : en effet, en novembre 2012, le ministère de la justice russe a enjoint l’association de cesser ses activitéslvii : on ne pêche ni ne chasse impunément sur les terres de Gazprom. Ces peuples de l’Arctique n’auront pas d’autres alternatives que celles endurées par les Inuits : la dévotion ou la marginalisation (sans doute les deux).

Certes, les organisations représentatives des populations autochtones ont été intégrées aux organisations et aux forums de coopération régionale arctique. Toutefois, leur qualité d’observateurs ne leur donne pas droit au chapitre. Au mieux, ils ont obtenu une capacité à retarder l’inéluctable industrialisation de leur environnement.

 

Les institutions de la coopération circumpolaire

Le Conseil de l’Arctique réunit les 8 pays du cercle polaire : le Canada, le Danemark (Groenland et îles Féroé), la Finlande, l’Islande, la Norvège, la Russie, la Suède et les Etats-Unis. Il trouve ses origines dans la Stratégie de protection de l’environnement arctique issue de la Déclaration de Rovaniemi, signée en 1991 par les huit Etats du cercle polaire. Dans son sillage, le Conseil de l’Arctique a été créé par la Déclaration d’Ottawa, en 1996, afin de coordonner la mise en place de plusieurs programmes esquissés en 1991 : programme de surveillance et d’évaluation, programme de protection de l’environnement marin, programme de prévention et d’intervention en cas de situations d’urgence, programme de conservation de la faune et de la flore, auxquels se sont ajoutés le développement durable et la surveillance des contaminants en 1996. Au sein du Conseil, ces programmes sont devenus des « groupes de travail »lviii.

Le Conseil se définit comme une tribune internationale de haut niveau destinée à encourager et à développer la coopération entre les Etats riverains. Tous les deux ans se tient son assemblée ministérielle : le pays hôte qui préside l’assemblée et les réunions semestrielles des Hauts représentants de l’Arctique, établit les priorités et les objectifs du Conseil. En fait, les membres du Conseil de l’Arctique s’engagent sur des objectifs communs mais avec de faibles enjeux, alors qu’ils privilégient l’adoption de solutions nationales, au cas par caslix. Le Conseil de l’Arctique n’émet que des recommandations, actes concertés non conventionnels a priori non contraignants. Mais au final, ses décisions révèlent surtout un manque d’ambition.

Au sein de ses organes consultatifs, le Conseil intègre des organisations de communautés autochtones et d’autres observateurs (Etats non arctiques, organisations internationales, ONG)lx, sans jamais leur octroyer de droit de vote en matière décisionnelle. Seuls les peuples indigènes ont obtenu un droit de veto suspensif au sein du Conseil et un quota obligatoire de représentants au sein des groupes de travaillxi. Cependant, il faut un vote à la majorité des deux tiers des organisations représentatives et le veto n’est que suspensif, c’est-à-dire temporaire, avant l’adoption d’une nouvelle décision.

Le Conseil de l’Arctique est encore balbutiant, ses initiatives dispersées, sa coordination et son budget insuffisants, mais il reflète les rapports des puissances circumpolaires entre elles et de ces mêmes puissances avec le reste du monde.

 

D’autres formes d’organisations régionales alimentent les débats sur les questions arctiques et tentent d’encourager la coopération :

- La Conférence des parlementaires de la région arctique (1993) rassemble les délégations désignées par les parlements nationaux des huit membres du Conseil de l’Arctique, ainsi que des représentants des peuples autochtones et des observateurs. Elle se réunit tous les deux ans pour débattre de questions intéressant le Conseil de l’Arctique (la Conférence des parlementaires a le statut d’observateur au sein du Conseil de l’Arctique). Dans l’intervalle, la coopération parlementaire est assurée par un Comité permanent des parlementaires de la région.

- Le Forum nordique (1991) regroupe dix-sept membres représentant les régions du cercle polaire à haut niveau politique (gouverneurs, présidents, etc.). L’objectif du forum consiste à améliorer la qualité de vie des habitants des régions du Nord ainsi que les processus décisionnels locaux.

Au niveau régional, il convient encore de mentionner le Conseil euro-arctique de la mer de Barents (1993) réunissant les Etats riverains (Finlande, Norvège, Suède, Russie) ; le Conseil des Etats de la mer Baltique (1992), tribune intergouvernementale des dix Etats de la région et de la Commission européenne ; le Conseil nordique des ministres (1971) où se retrouvent les ministres de la coopération nordique du Danemark, de l’Islande, de la Suède, de la Norvège, de la Finlande, auxquels s’ajoutent l’Aland, le Groenland et les îles Féroé.

La coopération européenne paraît naturelle puisque trois Etats-membres de l’UE sont membres du Conseil de l’Arctique (Danemark, Finlande, Suède). En outre, l’UE maintient des liens étroits avec l’Islande et la Norvège. Pourtant, elle se heurte parfois aux réticences ou aux tensions avec certains membres du Conseil de l’Arctique. A la fin des années 1990, l’UE a établi « la dimension septentrionale de la politique européenne » devenue un partenariat multilatéral comptant avec l’UE, l’Islande, la Norvège et la Russie. Toutefois, le rôle du Forum de la dimension septentrionale est principalement orienté vers les relations avec la Russie occidentalelxii.

Les trois grandes puissances de ce début de XXIe siècle, Chine, Etats-Unis, Russie, ne ménagent pas leurs efforts pour affirmer leur présence en Arctique.

Toutefois, l’exploitation accrue de ressources naturelles et des routes maritimes nécessite au préalable des campagnes d’exploration laborieuses ainsi que la conception de technologies adaptées et de matériels résistant aux conditions du milieu arctique. Ainsi, l’exploitation commerciale de ces ressources demeure aléatoire et renvoie à un horizon de court ou moyen terme.

A l’aune d’une mondialisation débridée, le réchauffement climatique s’accélère ce qui facilitera d’autant l’accès aux territoires et à l’Océan arctiques. A l’heure actuelle, le nombre de bateaux transitant chaque année par le passage du Nord-Est équivaut encore au trafic journalier du Canal de Suez. Qu’en sera-t-il à l’avenir si le trafic se développe sur les routes maritimes arctiques comme semble l’envisager Pékin pour partie de ses exportations ? Et quelles seront les incidences géopolitiques de cette redistribution des cartes ?

Sans prétendre à l’exhaustivité, l’exploitation des routes maritimes du Nord comme celle des ressources naturelles arctiques laisse entrevoir des situations qui pourraient se révéler lourdes de conséquences :

- une dégradation d’écosystèmes fragiles, terrestres et marins ;

- des problèmes de sécurité en matière de navigation maritime ;

- la contraction de la manne financière des canaux internationaux (Suez, Panama) ;

- les incidences économiques et politiques des précédentes remarques ;

- des tensions militaires dans la course au Haut-Arctique.

S’agissant des routes maritimes du Nord, l’hypothèse basse (plus optimiste ?) réduit leur utilisation au transport des matières premières arctiques vers leurs destinations de traitement ou de raffinage. Cela signifie tout de même une exploitation intense des ressources fossiles arctiques qui implique le maintien de cours mondiaux élevés. Cette même hypothèse laisse planer les risques de dégradation des écosystèmes, et les incidences économiques et politiques d’une réorientation progressive de la dépendance énergétique vers les puissances circumpolaires.

Le meilleur ambassadeur de la cause arctique, celui qui sensibilise les opinions publiques, c’est l’ours polaire. Sur sa banquise réduite à peau de chagrin, il est menacé de disparition. Pour le tourisme, encore réservé à quelques croisiéristes fortunés, il entretient le mythe du grand Nord. Combien de temps encore ?

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i Cf. Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, du 10 décembre 1982, R.T.N.U., vol. 1834, articles 62 à 64.

ii En 2008, la Commission européenne a émis l’idée d’étendre le dispositif de la Convention de 1992 à l’Arctique, mais le refus fut catégorique de la part des Etats riverains qui interprétèrent cette initiative comme une tentative de s’accaparer leurs ressources (COM(2008)763, 20-11-2008).

iii Cf. notamment, Lasserre, Frédéric, Enjeux géopolitiques et environnementaux en Arctique, Université Laval, Québec, Séminaire de géopolitique, 21 novembre 2007, p. 4.

iv Cf. « Forages : il est urgent d’attendre », The Guardian in CI n°1137, 16-22 août 2012.

v Cf. « Arctique : la Chine force le passage », Le Monde, 4-5 mars 2012.

vi Cf. « La fonte des calottes polaires s’accélère », Le Monde, 2-3 décembre 2012.

vii Cf. « Ruée sur les mines du Groenland », Le Monde, 3-4 mars 2013.

viii Cf. « Le grand Nord, eldorado minier », Le Monde, 11-12 novembre 2012.

ix Cf. notamment, Lasserre, Frédéric. « Énergie : la ruée vers l’Arctique ? », Marine. Revue d’information maritime et de défense, n° 218, janvier-mars 2008, pp. 56-59 ; Beauregard-Tellier, Frédéric, « L’Arctique : Les hydrocarbures », InfoSérie, Bibliothèque du Parlement du Canada, Publication PRB 08-07F, 24 octobre 2008.

x Cf. « Forages : il est urgent d’attendre », op. cit.

xi Cf. « La ruée vers le pétrole arctique », Le Monde, 26-27 février 2012.

xii Cf. « Des militants de Greenpeace escaladent une plate-forme de Gazprom dans l’Arctique », Le Monde, 19 septembre 2013.

xiii Cf. « La Chine prépare méthodiquement une extension de ses dessertes maritimes », Le Monde, 25-26 août 2013.

xiv La Chine a également pris pied dans le port de Rajin, en Corée du Nord, donnant un accès direct à la mer du Japon – à des fins commerciales et sans doute militaires. Cf. ibid.

xv Cf. « Le patron de Total opposé aux forages en Arctique », La Libre Belgique, 27 septembre 2012.

xvi Cf. « Forages : il est urgent d’attendre », op. cit.

xvii Cf. « Des investissements massifs dans le Grand Nord », Le Monde, 2-3 décembre 2012.

xviii Total est associé à la partie « gaz liquide » du mégaprojet Yamal LNG.

xix Cf. « Coup de froid sur la ruée vers l’or noir en Alaska », The Independent in CI n°1143, 27-3 octobre 2012.

xx Cf. Lasserre, Frédéric, « Le Passage du Nord-ouest et les changements climatiques : des problématiques politiques interreliées. Essai de définition des multiples paramètres » in Changements climatiques et ouverture de l’Arctique : quels impacts stratégiques pour le Canada ?, Institut québécois des hautes études internationales, Université Laval, Québec, 17 novembre 2006, p. 10.

xxi Cf. Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, op. cit., article 77.

xxii A propos des prétentions étatiques en Arctique, cf. notamment, Védrine, Claire, « Ressources en Arctique et revendications étatiques de souveraineté », R.G.D.I.P., n° 1, 2009, pp. 147-158 ; Borgerson, Scott G., « Arctic Meltdown: The Economic and Security Implications of Global Warming », Foreign Affairs, vol. 87, n° 2, 2008, pp. 63-77 ; Beauchamp, Benoit, et, Huebert, Rob, « Canadian Sovereignty Linked to Energy Development in the Arctic », Arctic, vol. 61, n° 3, 2008, pp. 341-343 ; Heininen, Lassi, et, Heathe N., Nicol, « The Importance of Northern Dimension Foreign Policies in the Geopolitics of the Circumpolar North », Geopolitics, vol. 12, n° 2, 2007, pp. 133-165 ; Besnault, René, « Souverainetés et stratégies dans l'Arctique », Stratégique, vol. 29, n° 1, 1986, pp. 35-80.

xxiii Le Kremlin revendique une extension de la souveraineté russe sur une surface maritime de 1,2 million de kilomètres carrés. A propos de la conception russe de l’espace arctique, cf. notamment, Timtchenko, Leonid, « The Russian Arctic Sectoral Concept: Past and Present », Arctic , vol. 50, n° 1, 1997, pp. 29-35.

xxiv La CLPC, engorgée par l’afflux de requêtes, avait octroyé aux Etats-Unis et au Canada un délai au-delà de la date butoir.

xxv Cf. R.T.N.U., vol. 2167, p. 3.

xxvi Cf. Maré, Cyril, « L’Arctique : eldorado polaire menacé cherche désespérément régime de protection juridique », A.F.R.I., vol. X, 2009, p. 740.

xxvii Cf. ibid., p. 741.

xxviii Cf. Parlement européen, « Gouvernance de l’Arctique dans un environnement mondialisé », Résolution P6 TA (2008)0474, du 9 octobre 2008.

xxix Une proposition, sans doute inacceptable pour plusieurs puissances circumpolaires, plaide en faveur de la création d’une zone exempte d’armes nucléaires en Arctique. Cf. notamment, Jan, Prawitz, « L’Arctique : pour un sommet du monde exempt d’armes nucléaires », Forum du désarmement, UNIDIR, Genève, 2-2011, pp. 29-41 ; Evensen, Jens, « The Establishment of Nuclear Weapon-Free Zones in Europe: Proposal on Treaty Text » in Nuclear Disengagement in Europe, Sverre Lodgaard and Marek Thee (eds.), London, Taylor and Francis (for SIPRI), 1983, pp. 167-189 ; Lodgaard, Sverre, « A Nuclear Weapon Free Zone in the North ? A Reappraisal », Bulletin for Peace Proposals, vol. 11, n°1, 1980, pp. 33-39 ; Newcombe, Hanna, « A Proposal for the Nuclear-Free Zone in the Arctic », Peace Research, vol. 12, n° 4, 1980, pp. 175-181.

xxx Cf. Lasserre, Frédéric, « Le Passage du Nord-ouest et les changements climatiques : des problématiques politiques interreliées. Essai de définition des multiples paramètres », op. cit., p. 8-9.

xxxi Cf. « Le recul de la banquise accroît le trafic maritime par l’Arctique », Le Monde, 25-26 août 2013.

xxxii Cf. ibid.

xxxiii « La Chine prépare méthodiquement une extension de ses dessertes maritimes », op. cit.

xxxiv Cf. « Des investissements massifs dans le Grand Nord », op. cit.

xxxv A cet égard, Moscou a annoncé la réouverture de l’aérodrome de l’île de Kotelnyi (fermé en 1993), dans l’archipel de la Nouvelle-Sibérie. Celui-ci sera doté d’infrastructures légères et sans doute de moyens de guerre électronique (radars, relais spatial, matériels de détection sous-marine). Cf. « Quand Moscou redéploie sa flotte de guerre », Le Monde, 26 septembre 2013.

xxxvi Le président Poutine a inauguré, le 30 juillet 2012, les travaux de construction du sous-marin nucléaire « Prince-Vladimir », de la classe Borei. Toutefois, l’intégration des missiles intercontinentaux Boulava se révèle délicate. En outre, les chantiers connaissent des incidents graves, comme l’incendie qui a détruit le « Tomsk », lanceur de missiles K150, à la mi-septembre 2013, à Zvezda. Cf. ibid.

xxxvii A propos de l’extension du trafic maritime, cf. notamment, Lasserre, Frédéric, « High North Shipping : Myths and Realities ? » in Security Prospects in the High North : Geostrategic Thaw or Freeze?, Sven G. Holtsmark and Brooke A. Smith-Windsor (eds.), Rome, NATO Defence College (Research Division), 2009, pp. 179-199.

xxxviii A propos de la position canadienne, cf. notamment, Lajeunesse, Adam, « The Northwest Passage in Canadian Policy: An Approach for the 21st Century », International Journal, vol. 63, n° 4, 2008, pp. 1037-1052 ; Huebert, Rob, « Canadian Arctic Security Issues: Transformation in the Post-Cold War Era », International Journal , vol. 54, n° 2, 1999, pp. 203-229.

xxxix Cf. Pharand, Donat, « The Arctic Waters and the Northwest Passage: A Final Revisit », Ocean Development and International Law, vol. 38, n°1 et 2, 2007, pp.3-69.

xl A propos de l’article 3 du traité du 16 février 1825, cf. Dufresne, Robert, Revendications controversées du Canada à l’égard des eaux et des zones maritimes arctiques, Rapport du Service d’information et de recherche parlementaires, Bibliothèque du Parlement PRB-07-47F, 10 janvier 2008, p. 11.

xli Cf. Dufresne, Robert, Le Canada et les Etats-Unis : La souveraineté dans l’Arctique, Rapport du Service d’information et de recherche parlementaires, Bibliothèque du Parlement PRB-0834, 10 janvier 2008, p. 2.

xlii L’Union européenne est opposée à la méthode des lignes de base droites tout autour de l’archipel arctique. Cf. notamment, Dufresne, Robert, Revendications controversées du Canada à l’égard des eaux et des zones maritimes arctiques, op. cit., p. 6.

xliii Cf. Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, op. cit., article 8.

xliv Cf. Cour Internationale de Justice, Détroit de Corfou, jugement du 9 avril 1949, Rapports de la CIJ 1949, p. 4.

xlv Cf. Dufresne, Robert, Revendications controversées du Canada à l’égard des eaux et des zones maritimes arctiques, op. cit., p. 6.

xlvi Cf. notamment, Kirton, John, et, Don, Munton, « Protecting the Canadian Arctic : The Manhattan voyages, 1969–1970 » in Canadian Foreign Policy: Selected Cases, Prentice-Hall, Scarborough, Ontario, 1992, pp. 205-226.

xlvii Cf. notamment, Pharand, Donat, « The Arctic Waters and the Northwest Passage », op. cit., p.13 ; Lasserre, Frédéric, « Le Passage du Nord-ouest et les changements climatiques : des problématiques politiques interreliées. Essai de définition des multiples paramètres », op. cit., p. 13.

xlviii Différents options ont été envisagées afin d’affirmer la souveraineté canadienne en Arctique. A ce propos, cf. notamment, Caldwell Jr, Nathaniel F., « La souveraineté du Canada et le programme de sous-marins nucléaires », Défense nationale, vol. 47, n° 3, mars 1991, pp. 83-91.

xlix Cf. notamment, Killaby, Guy, « Smoothing Troubled Waters: The 1988 Canada-United States Arctic Co-operation Agreement », International Journal, vol. 50, n° 2, 1995, pp. 401-426.

l Cf. Dufresne, Robert, Revendications controversées du Canada à l’égard des eaux et des zones maritimes arctiques, op. cit., p. 8.

li Cf. Pharand, Donat, « The Legal regime of the Arctic: Some Outstanding Issues », International Journal, vol. 49, automne 1984, p. 754.

lii A propos des relations entre les Etats-Unis et le Canada relatives au passage du Nord-Ouest, cf. notamment, Frederick, Michel, « La politique arctique des Etats-Unis et le cas de la souveraineté du Canada », Etudes internationales, vol. 19, n° 4, 1988, pp. 673-691 ; Killaby, Guy, « Great Game in a Cold Climate: Canada’s Arctic Sovereignty In Question », Canadian Military Journal , vol. 6, n° 4, 2005, pp. 31-40

liii Le Canada devait déposer ses précisions sur l’extension de son plateau continental courant 2013.

liv Cf. Lasserre, Frédéric, « Le Passage du Nord-ouest et les changements climatiques : des problématiques politiques interreliées. Essai de définition des multiples paramètres », op. cit., p. 5.

lv A ce propos, cf. notamment, Savoie, Donald, « Le Nunavik: vers un gouvernement régional autonome pour les Inuits » in L’état du Québec 2009, Fahmy, Miriam (dir.), Montréal, Fides, 2008, pp. 177-183.

lvi Cf. Williams, Tim, L’Arctique : les acteurs de la coopération circumpolaire, Division de l’industrie, de l’infrastructure et des ressources, Rapport du Service d’information et de recherche parlementaires, Bibliothèque du Parlement, PRB 08-15F, 24 octobre 2008, p. 5-6.

lvii La résolution n° 2332 du 1er novembre 2012 dissout l’association car sa charte, en vigueur depuis 22 ans, contreviendrait à la loi russe sur les « agents de l’étranger », notamment à cause de financements provenant d’ONG occidentales.

lviii Cf. notamment, Bloom, Evan T., « Establishment of the Arctic Council », American Journal of International Law , vol. 93, n° 3, 1999, pp. 712-722.

lix Cf. Maré, Cyril, op. cit., p. 745.

lx En 2013, le Conseil de l’Arctique a octroyé le statut d’observateur à la Chine – cela a été mentionné – ainsi qu’à la Corée du Sud, à l’Inde, à l’Italie, au Japon, à Singapour. Il s’agit d’éviter que ces pays ne créent un « club » concurrent comme cela a été évoqué par Michel Rocard – la France dispose du statut d’observateur – face au manque d’ouverture et de coopération dont font preuve les membres du Conseil. Cf. « La Chine prépare méthodiquement une extension de ses dessertes maritimes », op. cit.

lxi A propos du Conseil de l’Arctique et de ses évolutions, cf. notamment, ibid., p. 743-744 ; Koivurova, Timo, et, Leena, Heinämäki, « The participation of indigenous peoples in international norm-making in the Arctic », Polar Record, vol. 42, n° 2, 2006, pp. 101-109 ; Koivurova, Timo, et Vanderzwaag D.L., « The Arctic Council at 10 Years: Retrospect and Prospects », University of British Columbia Law Review, vol. 40, May 2007.

lxii A propos de la Conférence des parlementaires de la région arctique, du Forum nordique, des conseils régionaux et de la dimension septentrionale de la politique européenne, cf. Williams, Tim, op. cit., pp. 3-5.