COMPTE-RENDU DE LA QUATRIÈME CONFÉRENCE SUR LA SÉCURITÉ INTERNATIONALE DES 16 ET 17 AVRIL 2015 À MOSCOU

Europe-Russie: rapprochement ou conflit ? Influences politiques et militaires pour assurer la sécurité régionale et globale Éléments de stratégie et de géopolitique théoriques
Auteur: 
Irnerio Seminatore
Date de publication: 
27/4/2015

COMPTE-RENDU

de la Quatrième Conférence sur la Sécurité Internationale

des 16 et 17 Avril 2015 à Moscou

 par

 Irnerio Seminatore

 

S'est tenue à Moscou les 16 et 17 Avril 2015 la Quatrième Conférence sur la Sécurité Internationale avec la participation de représentants de plus de 70 États au niveau des Ministres de la Défense et des Chefs d’État-major Généraux des armées ainsi que d'experts, universitaires et délégués de 6 organisations internationales.

Cette conférence, comportant environ 400 participants, a réuni autour du thème de la Session plénière « Sécurité Globale : opportunités et perspectives » et des deux Panels de discussions sur les sujets « Coopération militaire internationale contre le terrorisme » et « Rôle des instruments politiques et militaires pour assurer la stabilité régionale et mondiale », une audience qualifiée, composée d'experts internationaux, d’observateurs politiques, de directeurs et représentants de think tanks et de médias divers.

Un nouveau paradigme de sécurité, centré sur l'Eurasie comme concept clé et pierre angulaire de la sécurité mondiale était au cœur de la conceptualisation de cette réunion de haut-niveau.

Cette conférence tournée autour des préoccupations russes se veut implicitement une reconfiguration politique des approches occidentales et une formulation prospective de l'ordre multipolaire, davantage attentif aux pays des deux hémisphères n'ayant pas une voix au chapitre dans les instances de sécurité reconnues.

En ce sens, elle préfigure une vision géopolitique, critique et concrète, par rapport aux stratégies de sécurité dominantes. Elle constitue ainsi une forum sécuritaire alternatif aux réunions des puissances établies de Munich et/ou de Berlin.

La signification politique et stratégique de cette Conférence est ainsi destinée à croître.

Il convient de retenir quelques axes et quelques considérations générales communes et partagées, par la presque totalité des intervenants étatiques, gouvernementaux et stratégiques indépendants.

Ces axes et considérations générales peuvent être ainsi retenus :

- Un changement global de la situation internationale et une désintégration progressive de l'ordre mondial.

- Une crise aigüe du système de confiance et une politique de confrontations, comportant une augmentation des tensions régionales et globales.

- Une compartimentation de la sécurité globale qui doit être considérée comme unique et indivisible.

- L'appel au dialogue respectant le principe de la non-intervention.

- La revendication de chaque peuple à l'auto-détermination et à la souveraineté politique.

- L'opposition aux forces extrémistes inter-ethniques et inter-religieuses.

Une série de constats ont été dressés et partagés :

- Le non-respect de la Charte des Nations Unies et les périls qui découlent de nouvelles catégories d'armement.

- Un accroissement des capacités militaires conventionnelles et du potentiel nucléaire de l'Alliance Atlantique.

- Une menace à la sécurité globale par la mise en place du Bouclier Anti-Missiles (BAM) contre la menace supposée de l'Iran qui perd sa raison d'être suite à l'accord sur le nucléaire iranien.

- Une augmentation des activités du bloc de l'OTAN et des pays du Nord de l'Europe quatre fois supérieures à la moyenne antérieure.

- Un changement de la composition des forces contre l'adversaire conventionnel et le caractère offensif des forces de réaction rapides.

- Une propagation de la menace terroriste, supposant l'augmentation du principe de coopération internationale dans la lutte contre l’extrémisme et le radicalisme religieux.

- La dénonciation de la guerre indirecte menée par les États-Unis à travers la cyberwar, le réseau de think tanks et le complexe des médias occidentaux.

- La mention que les dommages apportés à la sécurité et à la stabilité internationale ne seront pas éliminés rapidement.

Au niveau des issues, les recommandations suivantes :

- L'exigence d'une coopération multilatérale invoquée par tous les représentants dans le but d'empêcher la propagation de l'arme nucléaire aux mains du terrorisme international.

- Le barrage à l'extension de la politique de tensions par la création éventuelle de situations de « révolutions de couleurs » en Asie Centrale.

- Des contre-mesures concernant l'identification des menaces aux diverses échelles, nationales, internationales, régionales et globales.

A propos de la crise ukrainienne sont à souligner les observations de l'ancien Ministre français Chevènement selon lequel cette crise aurait pu être évitée et qu'elle comporte une responsabilité partagée. Cette crise a eu pour origines l'absence d'une architecture de sécurité européenne partagée, elle comporte une mise en garde concernant l'incorporation de l'Ukraine dans l'OTAN et trouve son issue dans le respect des Accords de Minsk II de la part de tous les États qui les ont approuvés.

Une conclusion provisoire peut être tirée de cette conférence par la distinction sur la nature des conflits et de la menace entre les préoccupations étatiques, visant la rivalité de puissance et la quête de supériorité et d'hégémonie, qui concerne les États de l'hémisphère Nord et, dans son ensemble, le système multipolaire fondé sur la symétrie de puissance.

D'autre part, sur le phénomène du terrorisme et du radicalisme islamique, dont la diffusion et l'interactivité concernent les États faillis ou les États instables du Proche et Moyen Orient ainsi que de l'Afrique et de l'hémisphère Sud. Un phénomène basé sur l'asymétrie des forces, des combats et de conduites conflictuelles. Les mesures à prendre contre ce deuxième aspect, l'islamisme militant, qui détruit le tissu de la cohésion des sociétés et qui demeure un facteur de déstabilisation mondiale, relèvent d'une responsabilité partagée de la Communauté internationale.

Une remarque éclairante, compte tenu des propos et des interventions générales de l'ensemble du colloque, est la mention d'une absence totale de l'Europe, de son rôle, de ses représentants et de ses politiques dans les exposés présentés, hormis les interventions de l'Ancien Ministre français Chevènement et du Président de l'Institut Européen des Relations Internationales I. Seminatore (dont texte simplifié se trouve ci-après).

Quelques noms des personnalités intervenues :

Nikolay PATRUSHEV : Secrétaire du Conseil de Sécurité de la Fédération de Russie

Sergey SHOYGU : Ministre de la Défense de la Fédération de Russie, Général d'armée

Sergey LAVROV : Ministre des Affaires Étrangères de la Fédération de Russie

Valery GERASIMOV : Chef des États-majors généraux des armées russes, 1er Adjoint du Ministre de la Défense de la Fédération russe, Général d'armée

Ambassadeur Michael MØLLER : Directeur Général de l'office des Nations Unies à Genève

Ambassadeur Marcel PESCO : Directeur de l'office de l'OSCE, Secrétaire Général

CHANG WANQUAN : Ministre de la Défense de la République Populaire de Chine, Général

Panos KAMMENOS : Ministre de la Défense Nationale de la République Hellénique

Hossein DEHGHAN : Ministre de la Défense et des Forces Armées logistiques de la République islamique d'Iran, Brigadier Général

Khawaja Muhammad ASIF : Ministre de la Défense de la République islamique du Pakistan

Andrey RAVKOV : Ministre de la Défense de la République de Biélorussie, Major Général

Nosiviwe Noluthando MAPISA-NQAKULA : Ministre de la Défense et des Vétérans Militaires de la République d'Afrique du Sud

Ryamizard RYACUDU : Ministre de la Défense de la République d'Indonésie

Bratislav GAŠIĆ : Ministre de la Défense de la République de Serbie

Tserendash TSOLMON : Ministre de la Défense de Mongolie

HYON YONG CHOL : Ministre des Forces Armées de la République démocratique populaire de Corée, Général

Voltaire GAZMIN : Secrétaire de la Défense Nationale de la République des Philippines

Rao Inderjit SINGH : Ministre d'Etat de la Défense de la République de l'Inde

Ambassadeur Anatoly ANTONOV : Ministre-adjoint à la Défense de la Fédération de Russie

Igor SERGUN : Chef de la Direction Centrale de l’État-major général des armées russes, Colonel-Général

Ambassadeur Zamir KABULOV : Représentant Spécial du Président de la Fédération de Russie en Afghanistan

Walid SALMAN : Chef d’État-major de l'armée du Liban, Major-Général

Amos GILEAD : Chef de la Direction de la Police militaire et de la sécurité du Ministère de la Défense d'Israël, Major-Général

Mohamed Said ELASSAR : Ministre-adjoint de la Défense pour l'Armement et les Affaires extérieures de la République arabe d’Égypte, Major-Général

Mohammed Hanif ATMAR : Conseiller à la Sécurité Nationale au Président de l'Afghanistan

Richard William WEITZ : Directeur de l'Institut Hudson (USA)

Aleksey ARBATOV : Chef du Centre pour la Sécurité Internationale (IMEMO, Académie des Sciences russes)

Andrey KARTAPOLOV : Chef de la Direction Centrale des Opérations des États-majors Généraux des Forces Armées de la Fédération de Russie, Lieutenant-Général

Jean-Pierre CHEVÈNEMENT : Représentant Spécial du Ministre français des Affaires étrangères

Vo Van TUAN : Chef de l’État-major adjoint des armées populaires du Vietnam, Lieutenant-Général

Alcibiades Perez RIVERO : Chef de la Direction du Renseignement de la République de Cuba , Brigadier-Général

Ambassadeur Andrey KELIN : Représentant Permanent de la Fédération de Russie auprès de l'OSCE

YAO YUNZHU : Directrice du Centre sur les relations sino-américaines de Défense, Major-Général

La conférence a comporté une journée, le 17 Avril, consacrée à un programme de visites au « Centre Yuri Gagarin de Recherche et d'Entraînement des cosmonautes » près de Moscou.

 

EUROPE-RUSSIE : RAPPROCHEMENT OU CONFLIT ?

Influences politiques et militaires

pour assurer la sécurité régionale et globale

Éléments de stratégie et de géopolitique théoriques

Irnerio Seminatore

1. LA POLITIQUE DE LA BALANCE

Europe, États-Unis et Russie

Dans un système international multipolaire, la sauvegarde de la souveraineté et de l’indépendance politique des acteurs repose sur l’équilibre de forces et, pour l'Europe, sur le principe du Balancier entre les États-Unis et la Russie ; en aucune manière sur l'absorption de l'Europe dans un des deux pôles qui puisse détenir le choix entre la paix et la guerre, la liberté surveillée ou la subordination politique.

Nous souhaitons de surcroît le rapprochement de l'Europe et de la Russie et que la politique de la balance devienne la référence - clé de la politique étrangère de l'Union Européenne dans le monde.

C'est la condition même de sa survie. Il s'agit là du principe de base d'une politique dissuasive, qui, à l'échelle planétaire, évite le risque à long terme d'une confrontation entre la coalition asiatico - atlantiste de l'Occident (USA-Corée du Sud-Japon-Australie), et l’Empire du Milieu, les implications belliqueuses des coordinations trilatérales (USA-Japon-Corée du Sud), ou multilatérales (USA-ASEAN), ou encore la subordination complète des États européens à l'Amérique (unipolarisme de retour).

A travers la crise ukrainienne, les États-Unis, par le biais de l'OTAN, ont visé l'affaiblissement conjoint de l'Europe et de la Russie, en se servant d'une double stratégie, de conflit et des sanctions économiques. L’ Amérique a ainsi remplacé l'absence d'unité et de volonté européennes, par une politique de ''containement'', voire de ''roll back'' et a mis en avant son intérêt stratégique pour le contrôle des Balkans occidentaux et orientaux, des Dardanelles, de la Mer Noire et du Proche Orient.

2. INGÉRENCE ET STRATÉGIE D'INFLUENCE EN EUROPE (ACTION INDIRECTE, INTRUSION ET SUBVERSION)

L'approche néolibérale et la valorisation de la ''société civile''

La valorisation de la ''société civile'', dans les pays de l'Est et du Sud-Est européen, suivant l'approche néolibérale des relations internationales, a servi à favoriser une stratégie d'influence de type offensif de la part de la puissance hégémonique. Cette stratégie a joué sur l'effacement de la distinction entre politique intérieure et politique étrangère dans le but d'affaiblir l'acteur rival ex-soviétique.

Exploitant l'opposition latente entre la « société civile » et l’État, cette approche s'est prévalue des trois formes de la rivalité, la persuasion (ou l'influence), l'intrusion et la subversion (ou l'action indirecte). Elle a poussé à l’élaboration de politiques d'antagonisme idéologique et moral, par rapport au gouvernement russe élu, « légal et légitime ». Elle a soutenu la montée des oppositions intérieures, visant le renversement de l'ordre politique en place. A l'action indirecte et à l'usage déstabilisant de la « société civile », contribuent les moyens d'influence transnationaux, comme les Think - Tanks, les sociétés d’idées ou de pensées, les ONG, les médias, les mouvements humanitaires et les revendications minoritaires. Cette utilisation du « Soft Power » opère au nom de l'expression démocratique ou des droits de l'homme. L'objectif de ce « pouvoir d'ingérence » est la subversion, comme exercice d'une action indirecte, fondée sur la doctrine de la dissidence, de l'idée transnationale, du modèle de société ou des régimes politiques étrangers hostiles.

3. D'UN SYSTÈME À L'AUTRE

3.1. De la bipolarité à la multipolarité et de la multipolarité au bipolarisme émergeant

Au niveau du système international, et en moins de trente ans (1991/2015), nous assistons à deux processus contradictoires et paradoxaux:

- Le passage d'un système bipolaire USA/URSS, à l'axe de gravité euro-atlantique, à un système multipolaire (USA, Europe, Russie, Japon, Chine, Inde), à l'axe de gravité Asie-Pacifique.

- Simultanément et lentement, au regroupement du système pluripolaire autour d'un bipolarisme émergeant (USA/Chine/G2) préfigurant une sorte de bi-multipolarité globale à l'échelle planétaire.

3.2. Conjoncture et principes

De la stabilité à la sécurité ou de la parité stratégique à la déstabilisation

D'un point de vue géopolitique, l'effacement de la notion de stabilité qui a caractérisé la parité stratégique et le « statu quo » de la guerre froide, fait place à une déstabilisation générale, élargissant les rivalités et les situations de tension et de crise.

Un nouveau regroupement des alliances et une « autre » distribution de la puissance comportent le déplacement du centre de gravité de la planète, du « Heartland » (Asie centrale) au « Heartsea » (Océan Indien) impliquant un accroissement du rôle de la puissance maritime.

Du point de vue stratégique, l'importance de la stabilité, au lieu de la sécurité, vise à éviter que cette dernière ne soit appuyée sur le seul équilibre de puissance et qu'elle ne soit de ce fait indéfiniment remise en question.

En effet, selon la tendance historique de l’équilibre, la conception de la sécurité glisserait vers une course aux armements, déstabilisante et dangereuse, car les États poursuivent la maximisation de la puissance. Ainsi la recherche de la stabilité, dont les composantes principales sont la modération du comportement, la confiance mutuelle et la symétrie de puissance, s’étend aujourd'hui à des domaines non militaires, psycho - politiques et civils.

3.3. De la symétrie aux conflits asymétriques

D'autre part, la relation d'asymétrie qui s'est instaurée dans cette période, entre unités politiques de type étatique et forces irrégulières et extrémistes, met en cause la « réciprocité du risque » qui constitue le fondement de toute dissuasion, et justifie l'action terroriste.

Du fait de l'asymétrie, le principe du calcul rationnel est brisé, ouvrant sur une ère d'incertitudes, par la dérégulation de trois ordres internationaux qui coexistent aujourd'hui : l'Ordre de Westphalie (1698), l'Ordre de Yalta (1945) et l'Ordre de San Francisco (1947).

4. EUROPE-RUSSIE

RAPPROCHEMENT OU CONFLIT ?

En Ukraine, la rivalité entre les États-Unis et la Fédération de Russie, par personne interposée, est dissimulée derrière une forme asymétrique de conflit, qui oppose sur le terrain, des forces paramilitaires d’extrême droite à l'Ouest, aux forces civiles, aux actions rebelles et aux manœuvres militaires sur les arrières des combats (guerre hybride), au Donbass.

Puisque l'issue de cette guerre a, en soi, une limite, qui consiste à rester locale et donc à devenir un conflit gelé ou d'usure, à défaut de dériver vers une guerre générale, l'issue de ce conflit prend sa signification générale dans le cadre d'une diplomatie eurasienne et planétaire et à partir d'un ''Concerts des Nations'' (partners/ competitors), que les États-Unis et la Chine et pas seulement la Russie et l'Europe auront décidé d'adopter, en Europe et en Extrême Orient.

Une raison de fond pour l'Union Européenne, de remodeler le Partenariat Oriental, à la lumière d'une politique réaliste, en assumant clairement le principe de l'antagonisme, de la rivalité et de l'influence, qui régit l'ordre des nations, en jetant les bases d'un terrain d'entente et d'un rapprochement à long terme entre la Russie et de l'Europe.

(Version anglaise)

EUROPE-RUSSIA : RAPPROCHEMENT OR CONFLICT ?

Political and military influences

to ensure global and regional security

Elements of strategy and geopolitical theories

Irnerio Seminatore

1. POLICY OF BALANCE

Europe, United States and Russia

In an international order based on a multipolar system, the preservation of sovereignty and national independence policy relies on the equilibrium of powers, and regarding Europe, on the principle of « Balancing » between the US and Russia avoiding integration of the European Union with one of the two powers deciding between peace and war.

Moreover, we wish the rapprochement of Europe and Russia based on a policy of Balancing as a reference for European foreign affairs policy.

For the EU, it is a matter of survival in the international order as a basic principle for a dissuasion policy, avoiding long term risk of confrontation between an Asian-atlantist coalition (USA-South Korea-Japan-Australia), and the Middle Kingdom, the belligerent involvement of trilateral or multilateral coalitions (USA-Japan-South Korea),(USA-ASEAN), evading the complete subordination of European states to the United States of America ( new unipolarism).

During the Ukrainian crisis, the United States, through NATO , aimed at weakening both Europe and Russia, pursuing a double face strategy on one side conflict and on the other side economic, financial and political sanctions. The United States in absence of unity and a will of the EU followed a containment policy, even roll back, against Russia and framed to attempt to control the western and eastern Balkans, the Dardanelles, the Black Sea and the Middle East.

2. INTERFERENCE AND STRATEGY OF INFLUENCE IN EUROPE

(indirect action, persuasion, intrusion and subversion)

The neoliberal theory and civil society promotion

The promotion of civil society in eastern and south-eastern European countries, according to neoliberal theory of the international relations, is encouraging an aggressive strategy of influence from the hegemonic power. This strategy aimed to weaken the ex Soviet rival, playing on the difference between Home Affairs and Foreign Affairs policy .

Taking advantage of the latent opposition between civil society and the state, this approach involves persuasion (influence), intrusion and subversion (indirect action). It was clearly a policy using the moral and ideological antagonism against the elected Russian government, « legal and legitimate ». It helped the arising of intern oppositions, aiming for a political overthrow.

Using the indirect action and the destabilizing use civil society through transnational influence, we can mentioned hereafter the Think tanks, the society of ideas and thoughts, NGO's, medias, humanitarian movments and the claims of the minority. The « Soft Power » was used in the name of democratic values and Human Rights. The goal of this « power of interference » is subversion, and issues of indirect action, based on the doctrine of dissidence, on the transnational idea, the model of society and hostile alien political regime. 

3. FROM ONE SYSTEM TO ANOTHER

From bipolarity to multipolarity

From multipolarity towards a new emerging bipolarism

Looking at the international system, and in less than 30 years (1991/2015), we see a serie of contradictory processes:

the transition from a bipolar system (USA/URSS in parallel to the Euroatlantic axis) to a multipolar system (USA, EUROPE, RUSSIA, JAPAN, CHINA, INDIA) with a pivot in the Asia-Pacific area.

At the same time, but slowly, we see a transformation of the pluripolar system in a new bipolarity (USA/CHINA). This is shaping a new global bimultipolarity.

3.2. Context and principles

From stability to security or from strategic parity to destabilization

From a geopolitical point of view, the disappearance of the notion of stability which characterized the status quo and the strategic parity of the cold war, is replaced by a general destabilization thriving rivalries and tensed situations.

A new group of alliances and another distribution of power mean a transfer of the world's gravity center, from the “Heartland” (Eurasia) to the “Heartsea” (around the Indian Ocean) which implies an increase of the maritime power.

From a strategic perspective, the importance of stability, instead of security, aims to avoid that the latter should only be supported by the balance of power, and therefore questioned.

In fact, given the historic trend of the balance, the security conception would move towards a destabilizing and dangerous armament competition, because the States are always looking for the maximization of their power.

Thus, the quest for stability, is based on refraining of behavior, mutual trust and the balance of power, is spreading nowadays to non-military, civilian and psycho-political fields.

3.3 From symmetric to asymmetric warfare

The asymmetric relation that settled down during that period between legitimate and legal governments and extremists powers, is questioning the “risk reciprocity” which is the basis of every dissuasion on the one hand, and justification of the terrorist action on the other hand.

Considering this asymmetry, the principle of the rational calculation is broken, opening an era of uncertainty, following the deregulation of the three international orders that still coexist today: the Westhpalian order (1698), Yalta's order (1945) and San Francisco's order (1947).

4. EUROPE-RUSSIA

Rapprochement or conflict ?

In Ukraine, the rivalry between the United States and the Russian Federation, through interposed person, is dissimulated behind an asymmetric conflict opposing on the ground, far right paramilitary forces in the West, to civilian forces, rebels and military manoeuvres behind the lines (hybrid war), in the Donbass.

For the outcome of the war should remain local and then doomed to become a frozen and a weakening conflict instead of a general war. The outcome of this conflict finds its significant meaning in the framework of an Eurasian and global diplomacy and based on “the Concert of Nations” (partners/ competitors), that the United States, China and not only Russia and Europe will have decided to adopt, in Europe and the Far East.

One of the main reasons for the European Union for restructuring the Eastern Partnership, from a realist policy and taking into account the principle of antagonism, from rivalry to influence, which rules the order of nations, will constitute the basis of a common ground and a rapprochement in the long run between Russia and Europe.

EUROPE-RUSSIE : RAPPROCHEMENT OU CONFLIT ?

INFLUENCES POLITIQUES ET MILITAIRES

POUR ASSURER LA SÉCURITÉ RÉGIONALE ET GLOBALE

Éléments de stratégie et de géopolitique théoriques

Irnerio Seminatore

    1. D'UN SYSTÈME À L'AUTRE

1.1. Premier paradoxe : processus et morphologie

De la bipolarité à la multipolarité et de la multipolarité au bipolarisme émergeant

Au niveau du système international, et en moins de trente ans (1991/2015), nous assistons à une série de tendances contradictoires:

- Du point de vue morphologique, le passage d'un système bipolaire USA/URSS (à l'axe de gravité euro-atlantique) à un système multipolaire ( USA, Europe, Russie, Japon, Chine, Inde) à l'axe de gravité Asie-Pacifique. Puis, lentement, au regroupement du système pluripolaire autour d'un nouveau bipolarisme émergeant (USA/Chine) qui dessine une sorte de bi-multipolarité à l'échelle planétaire.

- Du point de vue de la stabilité, au démenti de l'hypothèse selon laquelle si la multipolarité arrive à limiter la compétition et simultanément la prolifération dans le domaine des armements conventionnels et nucléaires, il est possible d’imaginer des situations dans lesquelles les antagonismes et les rivalités pourraient être résolus dans un cadre coopératif et donc régional.

A titre de rappel, les systèmes bipolaires consentent effectivement un seul antagonisme et comportent le risque d’une guerre générale, tandis que la multipolarité englobe des tensions virtuellement innombrables et comporte une mixité diffuse de coopération et de conflit.

1.2. Deuxième paradoxe : conjoncture et principes
De la stabilité à la sécurité ou de la parité stratégique à la déstabilisation

Le deuxième paradoxe comporte l'effacement de la notion de stabilité qui a caractérisé la parité stratégique et le « statu quo » de la conjoncture de guerre idéologique de la guerre froide et l’émergence d'une phase de déstabilisation générale qui s'approche d'un état chaotique et d'une distribution du pouvoir, élargissant les rivalités et les situations de tension et de crise.

Du point de vue géopolitique, le nouveau regroupement des alliances et une « autre » distribution de la puissance comportent le déplacement du centre de gravité de la planète, du « Heartland » (Asie centrale) au « Heartsea » (Océan Indien), impliquant un accroissement de la puissance maritime.

La loi de l'équilibre qui se réfère à ces diverses constellations diplomatiques s'applique à une série d'acteurs intermédiaires dont le comportement est dicté par le calcul des intérêts propres et dont le principe premier est de ne pas se trouver à la merci du rival de bloc.

Cette loi s'applique également aux relations intérieures des coalitions établies et commande aux rapports de rivalité entre les unités politiques d'une même coalition et encore davantage aux stratégies capacitaires des coalitions adverses.

La répartition inégale des bénéfices d'appartenance à une coalition dépend par ailleurs de la hiérarchie de puissance, des forces immédiatement disponibles et du potentiel de mobilisation.

La théorie des modèles, bipolaire ou multipolaire, ne permet pas de prévoir les options des adversaires, autrement que dans les limites de spéculations ou de calculs sur les positions à prendre quant aux « États-tiers », extérieurs aux coalitions (États du Caucase et de l'Asie Centrale, Afrique et Amérique Latine) ou encore quant aux États secondaires importants, aux pivots géopolitiques (Iran) ou, en dernier, aux pôles de puissance majeurs (Chine/Inde).

Si, au niveau du système, se dessine une configuration multipolaire, nécessairement hétérogène, composée de plusieurs États principaux, la différenciation qui en résulte tant au niveau globale qu'au niveau régional, peut être perçue comme bipolaire aux deux niveaux régionaux, de l'espace planétaire, celui de l'aire Asie-Pacifique (Chine/ USA) et celui de l'aire euro-atlantique (Europe de l'Ouest-Russie).

1.3. Troisième paradoxe : rationalité et conflits
Changement dans la nature de la menace et du risque et
passage de la symétrie aux conflits asymétriques,
du terrorisme à la cyber-guerre et à la « guerre hybride »

Le conflit européen classique reposait sur un principe-clé, la symétrie. Symétrie rationnelle ou de calcul, fondée sur l’espoir de gains politico-stratégiques, symétrie de planification et de conduite, fondée sur un échange entre acteurs politiques de type étatique, symétrie morale ou éthique entre « actants » de la violence légale et légitime, fondée sur des armées de métiers, qui respectaient la règle de la séparation entre le champ de la guerre et le champ de la non-guerre, le temps de la paix ou de la trêve provisoire, et le temps de l’engagement et du combat violent.

2. DE L'APPLICATION DU PREMIER PARADOXE : antinomies stratégiques et systémiques
2.1. condominium géopolitique ou rivalités stratégiques en Asie-Pacifique
entre la Chine et les USA?

Dans cette hypothèse, les perspectives d'un condominium Chine-États-Unis, passeraient par la complexité d'un jeu très ambivalent entre la Chine et la Fédération de Russie.

Pour l'ensemble de ces considérations, la nature de la bipolarité, envisagée à long terme par la Chine avec les États-Unis, serait conçue en terme de « condominium » géopolitique, plutôt que comme rivalité stratégique. Dans cette hypothèse, quelle place la Russie occuperait dans l'équation géopolitique eurasienne ? Ainsi, l'émergence d'une forme de « bipolarisme pur » Chine – États-Unis, qui exclurait les positions intermédiaires, serait porteuse, aux yeux des autres acteurs de l'Eurasie, de risques et de menaces d'affrontement entre coalitions ou blocs, auxquelles ne pourraient se soustraire les acteurs mineurs, selon les modèles théoriques et les expériences historiques du passé.

2.2. Sauvegarde du pluralisme géopolitique en Asie Centrale, en Asie-Pacifique et en Mer de Chine méridionale

Il s'agit là de l'application géopolitique du deuxième paradoxe. En effet, la tendance à la bipolarisation planétaire selon deux clivages géopolitiques et civilisationnels (Chine/Etats-Unis) pousse au rapprochement des intérêts géopolitiques continentaux dans l'hémisphère eurasien Nord, sur l'axe Est-Ouest (Europe-Russie), et au pluralisme géopolitique et pas seulement démocratique en Asie centrale. Le premier vise à garantir la souveraineté et l'indépendance des pays de la région faisant en sorte, selon les recommandations de Halford MacKinder, qu'aucune puissance ne puisse contrôler ni dominer le pivot géographique de l'Histoire.

De facto, les « zones intermédiaires et de voisinage», situées entre les pôles, sont des « zones d'influence disputées » et virtuellement conflictuelles, dont la souveraineté est limitée ou susceptible de l'être.

3. SUR LE DEUXIÈME PARADOXE

Dérégulation des ordres internationaux

L’école néoréaliste des relations internationales fait valoir l'importance de la stabilité, régionale et globale, au lieu de la sécurité, pour éviter que cette dernière ne soit assurée par le seul équilibre de puissance et de ce fait, indéfiniment révocable.

En effet, selon la tendance historique de l’équilibre de puissance, celui-ci glisserait vers une course aux armements, déstabilisante et dangereuse, car les États recherchent, selon J. Mearsheimer, la maximisation de la puissance. Mue par une diplomatie réaliste et par la corruption égoïste et calculatrice du rapport des forces pures, la traduction stratégique de cette remise en cause du « statu quo » assurerait la sécurité et la paix.

Il s'agit d'une position, celle du « réalisme offensif », qui justifie une révision de l’équilibre, au nom d'une « meilleure » paix. Or la course à la recherche de la supériorité n'est ni rationnelle ni raisonnable, car elle est dépourvue d'une définition concrète de la « limite ». En effet, elle ne justifie pas des gains de sécurité, ni pour l'acteur ni pour le système, compte tenu des nouvelles approches visant à appréhender la sécurité élargie des États et donc le poids des parties intéressées à la sécurité sociétale, définie comme « sécurité complexe »1.

La tendance à rompre « l’équilibre du pouvoir » conduit à la création de coalitions qui ont pour but de contre-balancer l’augmentation des ressources, des capacités ou des forces, du rival, de l’ennemi ou de l'adversaire. Ce postulat, appliqué à la crise ukrainienne et à la détérioration des relations Ouest-Est, permet de comprendre la stratégie actuelle de l'OTAN vis à vis de la Russie, considérée comme un acteur déviant, mu par la corruption calculatrice de ses seuls intérêts. Cette stratégie se fonde sur l'importance, pour certains États Membres de l'UE (Pologne et Pays Baltes), qui se sentent plus exposés à l'intimidation, de bénéficier d'une garantie de réassurance sécuritaire par le biais de l'OTAN. Cette option s'appuie également sur une campagne de désinformation orchestrée, quant à la nature du changement en Europe, en ce qui concerne la prétendue violation de la règle internationale sur l'inviolabilité des frontières (par la force) et donc sur le retour (annexion) de la Crimée à la Russie. Consacrée par un référendum populaire, deux questions, concernant la relation entre le droit et le changement, ressortent avec force. Comment éviter que toute rupture du « statu quo » s'opère à l'intérieur du droit international et non par sa violation ? Par quel jugement un Tribunal international pourrait décréter des changements pacifiques sans faire appel à la volonté contradictoire des États, faute de quoi, le droit lui-même est condamné à la sauvegarde du « statut quo » et à une fonction par essence conservatrice ?

Les méthodes et les moyens d'informations jouent un rôle fondamental dans l'orientation des opinions et des systèmes de décisions occidentaux, et en particulier, de l'Union Européenne, qui n'affiche pas un intérêt propre et égoïste en matière de politique étrangère et professe une diplomatie désarmée.

La communication politique est un facteur déstabilisateur, rationnel et calculé, utilisée pour isoler et affaiblir l'adversaire. En ce sens, les bureaucraties civiles et militaires en Europe et aux USA sont orientées, non seulement par l'antagonisme des positions et des principes, mais aussi par un réseau «d’intelligence» (CIA et autres), doué d’intérêts en conflit et situé en dehors de tout contrôle de la part de l’exécutif ou du corps électoral américains.

La recherche de la stabilité, dont les composantes principales sont la modération du comportement, la confiance mutuelle et la symétrie de puissance, s’étend aujourd'hui à des domaines non militaires, psycho-politiques et civils. Il s'agit d'une notion globale, allant de l’équilibre de forces à la géopolitique de l’énergie, de l’environnement à l’économie; de la finance et des infrastructures critiques à la prédominance culturelle et informationnelle.

4. L'APPROCHE NÉOLIBÉRALE ET SES APORIES

4.1. Ingérence et stratégie d'influence en Europe (action indirecte, persuasion, intrusion et subversion)

Par ailleurs, une autre approche théorique, l'approche néolibérale des relations internationales, tend à favoriser une stratégie d'influence de type offensif de la part de la puissance dominante, en jouant sur l'effacement de la distinction classique entre politique intérieure et affaires étrangères et visant à affaiblir l'acteur rival.

Cette approche aboutit à une valorisation de la « société civile » dans ses relations avec l’État et le gouvernement politique et donc à trois formes de la dialectique historique, la persuasion (ou l'influence) , l'intrusion et la subversion (ou action indirecte). Elle pousse à l’élaboration de préférences internes au camp rival, opposées à celles exprimées par le gouvernement « légal et légitime » et vise à favoriser et soutenir la montée des conflits intérieurs, dans le but de déstabiliser le pouvoir en place et de renverser de l'ordre politique en vigueur. A cette action indirecte et à cet usage déstabilisant de la « société civile », contribuent, de manière privilégiée, les moyens d'influence transnationaux qui ne font pas recours à la contrainte ou à la coercition, comme les Think Tanks, les sociétés d’idées ou de pensées, les ONG, les médias, les mouvements humanitaires et les revendications minoritaires et intellectuelles, de type idéologiques ou moralisants. C'est l'utilisation du « Soft Power » qui a pour but le recrutement de partisans au-delà des frontières et au nom d'une doctrine universelle.

Sa finalité consiste à modifier l’environnement interne d'un pays donné, ainsi que les perceptions psycho-politiques du pouvoir. Est aussi mobilisé à cette fin, l'ensemble des moyens, organisés « en réseaux», qui visent à faire partager les valeurs ou les idéaux, qui ne dissimulent pas leur caractère manipulateur et n'occultent pas l'influence de conceptions étrangères.

L'objectif de ce « pouvoir d'ingérence » ou d'intrusion est d'exercer une action indirecte qui n'est pas fondée exclusivement sur l’équilibre des forces ou sur la suprématie militaire, mais sur la doctrine de la dissidence, la séduction de l'idée transnationale, le modèle de société ou les régimes politiques étrangers hostiles.

Le système international actuel n'est guère fondé sur un ordre politique institutionnalisé mais sur la sauvegarde de l'équilibre, comme remède à une anarchie croissante.

Les facteurs de tensions de la scène mondiale sont dictés par la profonde hétérogénéité éthique, philosophique, culturelle et historique qui existe entre les acteurs du système. C'est par le détour du système que nous sommes autorisés à parler des personnes nationales, les personnes majeures de la scène diplomatique constituées par les États-Unis, la Russie, la Chine, le Japon et l'Inde.

Ainsi, l’état mouvant de la conjoncture donnera lieu en perspective à une sécurité mondiale instable, à une violence régionale diffuse et à des conflits locaux intenses, qui verront la coexistence d’une paix de surveillance stratégique entre les acteurs principaux de la scène internationale et d’un désordre chaotique entre les unités politiques et les groupes d’actants d’ordre mineur.

D'autre part, la relation d'asymétrie qui s'est instaurée dans cette période entre unités politiques de type étatique et forces irrégulières et sub-étatiques, met en cause la « réciprocité du risque » qui constitue le fondement de toute dissuasion.

Du fait de l'asymétrie, le principe du calcul rationnel est brisé, ouvrant sur une ère d'incertitudes par la dérégulation de trois ordres internationaux qui coexistent aujourd'hui :

    - de Westphalie (1648) [avec la prédominance des crises internes et des guerres insurrectionnelles comportant l'émergence de nouveaux acteurs infra-étatiques].

    - de Yalta (1945) [par la sortie définitive de l'ordre bipolaire et des sphères d'influence rigides].

    - de San Francisco (1947) [par les déceptions de la « sécurité collective » et les blocages du Conseil de Sécurité des Nations Unies dans la résolution des crises].

De cette dérégulation, il s'ensuit une remise en cause de la plupart des équilibres antérieurs aggravés par la pulvérisation du concept de rationalité, d'où procèdent le calcul et l'espérance de gain politico-stratégique. Ceci engendre et aggrave la précarité consubstantielle de la sécurité et la crise en cours.

Ainsi, une ère d'asymétrie se dessine, comme ère d'accroissement des dangers, qui reflètent une crise d'adaptation des structures politiques et une dynamique accrue des interactions proprement militaires et socio-stratégiques.

4.2. Neighbourhood, Balance, Power Politics

Si, du point de vue abstrait, la politique multipolaire de l'équilibre peut être définie comme le refus de l'Empire universel (unipolarisme) et comme la reconnaissance de la pluralité active des souverainetés et des forces politiques et militaires sub-étatiques et transnationales, les zones d'influence disputées (voisinage), situées entre des pôles rivaux, subissent toutes les contraintes de cette situation précaire. En effet, les rapports de voisinage n'échappent pas à la dialectique historique et de ce fait, au postulat de base de la politique internationale, celle d'être une politique de puissance, soumise au principe de l'antagonisme, de la rivalité et de l'influence. Puisque les États doivent s'en remettre pour exister politiquement soit à eux-mêmes soit à leurs alliés, les « Neighbourhood » appartenant à la sphère des rapports de coopération souscrits dans le cadre de la politique des Partenariats Orientaux2, ne peuvent oublier ni ignorer le caractère contraignant de cette loi.

4.3. Le Partenariat Oriental de l'UE et la sécurité globale

Le problème du voisinage oriental est de savoir si celui-ci représente un rapprochement politique ou bien un voisinage disputé et si l’objet de la dispute est celui d’une chasse gardée du nationalisme slave proche de la culture russe ou des USA et de l'OTAN ? Dès lors, comment l’Europe peut-elle renforcer son engagement en faveur de la démocratie et aux confins de la Russie postimpériale, partagée entre les « nationalistes », les eurasianistes et les derzhavniki (étatistes) ?

Pour ce qui est de l'Europe et compte tenu du caractère indivisible de la sécurité globale, un concept de sécurité à caractère régional ne peut définir des critères de suffisance en matière de capacités militaires de l’Union. De surcroît, un concept de sécurité, adéquat à la résolution des problèmes du XXIe siècle, ne peut être dégagé d’une conception harmonieuse des relations internationales ni d’une organisation mondiale de la coopération qui gomme les antagonismes, les hostilités et les conflits.

5. LA POLITIQUE DE LA BALANCE

5.1. Europe, États-Unis et Russie

L'indépendance de l'Europe est fondée sur le principe de l'équilibre entre les États-Unis et la Russie- et en aucune manière sur son absorption dans un pôle, qui puisse détenir le choix entre la paix et la guerre, la liberté ou la soumission. C'est le principe même de sa survie. Il s'agit là du point clé d'une dialectique historique, qui, à l'échelle mondiale, évite l'absorption de l'Occident (USA-UE-Russie), dans l’Empire du Milieu, ou la subordination complète des États européens à l'Amérique (unipolarisme). Cette indépendance européenne repose davantage sur la géopolitique, la stratégie et l'homogénéité inter-étatique, que sur le principe de légitimité des régimes. Elle repose sur des conceptions sécuritaires inscrites dans des lectures divergentes de l'ordre multipolaire.

Dans la dispute ukrainienne se joue en effet la souveraineté de l'Europe comme balancier mondial en mesure de jouir d'une indépendance de manœuvre diplomatique, en cas de crise, et de préserver le continent en tant que « République libre », par une autonomie stratégique entre l'Est et l'Ouest.

Préserver l'équilibre de la « Balance » signifie éviter le basculement de l'Ukraine vers le camp de Kiev, qui aggraverait ainsi une issue de crise, car, si les Européens feignent d'ignorer la « Balance » mondiale, la cause en sera l'oubli de l'intérêt commun du continent au maintien du système, ce qui engendre la protection et l'intervention de l'Amérique. En effet, il semble évident que les États-Unis par le biais de l'OTAN visent l'affaiblissement conjoint de l'Europe et de la Russie. L’ Amérique a remplacé l'absence de dessein et de volonté européens, par son intérêt au contrôle des Balkans occidentaux et orientaux, des Dardanelles à la Mer Noire, du Moyen et Proche Orient au Golfe. Cette rupture du « statu quo » entre puissances de « premier plan » induit une transformation de cette région, en une zone de conflit avec la Russie et en une occasion inespérée pour le retour du rêve néo-ottoman de la Turquie. Si le sens de la rivalité Est et Ouest domine, le conflit sera inévitable, si la conscience de l'équilibre multipolaire prévaut, un compromis régional s'imposera comme le seul raisonnable.

Plus que jamais l'équilibre multipolaire, hétérogène par position, par histoire, par intérêts et par culture apparaît un compromis entre l’état de nature (anarchie internationale) et le règne de la loi (ordre juridique reconnu), plus que jamais le principe de la Balance apparaît un principe de réalisme susceptible d'éviter une crise mondiale majeure, qui impliquerait les acteurs principaux du système dans une confrontation générale aux issues incertaines. Cette Balance ne peut être limitée au système européen car elle est par sa nature mondiale. De la même manière que le déclin de l'Italie de la Renaissance, après la descente de Charles VIII, fut imputable à l'organisation multipolaire des principautés, la fragmentation du pouvoir entraîna également un repli intellectuel sur le « particulare », (la logique du clocher et ses intrigues partisane), qui prit le pas sur les spéculations supérieures concernant « l'Universale » (intérêt pour le système européen aujourd'hui mondial) ; de la même manière, les excès d'ardeur militante et belliqueuse en Ukraine semblent intéresser davantage l'Amérique, car suscités et encouragés par celle-ci, en raison de sa rivalité avec la Russie et de son rapport de compétition avec l'Europe. Cette dernière demeure prisonnière de la « jalouse émulation » entre les États du continent, comme cela fut le cas entre les anciens grecs, rivalités qui comportèrent la mise en parenthèse de la menace de l'Empire Perse, le danger majeur de l'époque. Après sa défaite de 1945, l'hostilité européenne pour les aventures militaires a fait place au renoncement et à la soumission politique. La décadence de l'Europe commença lorsque l'idée de la paix perpétuelle (E. Kant) pris le pas sur la « Struggle for life », au prix d'une dépolitisation des enjeux mondiaux. Cette corruption s'affirma lorsqu'on voulut croire que les grandes questions du monde se règlent par la démocratie et l'égalité, au lieu de prendre conscience qu'elles se règlent par des paris historiques et par des coups de canons (ou d'artillerie ballistico-militaires).

6. BIPOLARISME-MULTIPOLARISME

6.1. Sur les limites des comparaisons historiques

Les comparaisons que les historiens, Thibaudet et Toynbee, cités par R. Aron, ont établis entre les guerres initialement multipolaires et puis bipolaires des cités grecques et les guerres du XX siècle, sont formelles. En effet, trois éléments semblent les caractériser :

  • la volonté d' « hégémonie », d'Athènes, (ou celle des États-Unis d'aujourd'hui)

  • le principe d'indépendance des cités défendu par Sparte (et aujourd'hui par la Russie dans les provinces de l'Est et de l'Ukraine)

  • et enfin, la force du principe de légitimité invoqué, la menace à la liberté des cités plutôt que celle des individus. Pour terminer, la tyrannie de la puissance thalassocratique la plus capable d'exploiter et de dominer par la force, l'innovation, le chantage, et l'arrogance. (Athènes, USA). 

Ainsi, la guerre du Péloponnèse, rappelle R. Aron, s'acheva par la victoire de Sparte, puissance terrestre, et par celle de la coalition qui voulait sauvegarder les libertés des cités et de ce fait, l'indépendance de celles-ci face à l'hégémonie tyrannique d'Athènes. La tentative hégémonique de l'Allemagne hier, et l'hégémonie des États-Unis aujourd'hui, ont conduit les États européens à la condition malheureuse de la soumission de l'époque de la bipolarité, une soumission au système soviétique à l'Est, dissimulée sous le principe d'égalité et de fraternité et une infériorité et subordination de l'Ouest à l’Empire américain, imposé par la supériorité de la force et des moyens d'action conventionnels et nucléaires.

Or, comme la victoire du camp des libertés étatiques ne suffit guère à préserver le système d'équilibre, la désagrégation de la bipolarité, qui conduisit à l'unité de l'Europe de l'après guerre froide en 1989, est en train de s'intégrer à nouveau autour de deux pôles mondiaux, la Russie et la Chine, qui, en Europe et en Asie, veulent sauvegarder l'autonomie des Nations contre l'érosion de la mondialisation, dissimulée sous les principes de la démocratie, de la « société civile », et de la liberté individuelle.

7. EUROPE-RUSSIE : RAPPROCHEMENT OU CONFLIT ?
7.1. Types de guerres, types de paix

Le rôle des instruments politiques et militaires assurant la stabilité, dépend, de manière prospective, de l'importance accordé par les acteurs étatiques aux types de paix recherchée :

- la paix d'empire

- la paix d’hégémonie

- la paix d’équilibre

En effet, l'impact des moyens politiques et militaires est plus important dans la recherche de la paix d'empire car celle-ci présuppose une pacification interne à l'espace du pouvoir impérial, à obtenir par une série du conflits contre les forces étatiques et sub-étatiques adverses, visant la surpression de toute forme de souveraineté régionale ou locale.

La paix d’hégémonie en revanche est fondée sur la subordination d'autres unités politiques mais préservant leur indépendance et autonomie, obtenue par une suprématie militaire écrasante, souvent de type maritime (contrôle des échanges commerciaux, l'adhésion volontaire à un modèle de société).

La paix d’équilibre est le type de paix déployée en défense de la sécurité et du « statu quo ».Elle a souvent son expression privilégiée, en matière de politique étrangère, dans une alliance qui oppose l'influence à la puissance, surtout lorsque l’hétérogénéité de culture et d'histoire limite ou interdit aux consorts, l'imitation des institutions ou des mœurs du « leader de groupe ». Ce dernier assure, dans l'alliance, la fonction d'équilibrateur mais aussi de stabilisateur extérieur.

Dans ces cas, l'influence du « leader du groupe » est développée par le biais d'une stratégie d'échanges culturels ou d'autres moyens compensatoires (valorisation de l'image, des avancées et des conquêtes de l'acteur concerné).

Les États-guide fixent leur fonction modératrice et stabilisatrice, par une sorte d’auto-limitation institutionnalisée de leur rôle de leader.

La méthode la plus utilisée par les vainqueurs a été celle de l' insertion des vaincus dans l'ordre international, grâce à des institutions supranationales qui ont joué une fonction de garants et de régulateurs. L’élément de cohésion d'une alliance est-il de nature politique, culturel ou économique? Quel est par ailleurs le rôle joué par la menace extérieure? Une puissance dominante peut-elle s’assujettir aux contraintes d'une institution internationale qui limite ses options? 

Les nations dominantes sont dans l'obligation, pour continuer à exercer leur liberté de conception et d'action, de s'affranchir des théories institutionnelles, rationalistes et contractuelles, proposées par le libéralisme et cela au nom d'une stratégie de gestion du pouvoir international, qui a pour modèle le système international et pour référence la « Balance of Power ».

Si l’éventualité d'un conflit armé est l'une des hypothèses permanentes de la conduite diplomatico-stratégique et de la dialectique de l' antagonisme, cette dernière désigne trois modes d'action, la dissuasion, la persuasion et la subvertion. En revanche la coopération, ou l'absence de guerre sont les buts auxquels tendent les collectivités humaines pacifiées. Dans ce cas, la paix n'est rien d'autre que la suspension plus ou moins durable des modalités violentes entre les unités politiques et se définit comme paix d’équilibre, paix d'empire ou paix d'hégémonie.

Dans le système international actuel règne, à des titres divers, et selon les diverses régions du monde, une paix d’équilibre, conjuguée à une paix d’hégémonie et dans des zones de tension et de crises, une paix belliqueuse, plus ou moins liée à une guerre subversive et à une stratégie subreptice ou ouverte de persuasion.

En Ukraine, cette rivalité entre les acteurs majeurs de la conjoncture historique, les États-Unis et la Fédération russe, est l'expression claire de la loi de l'antagonisme dissimulée derrière une forme asymétrique de conflit, un conflit alimenté par un soutien occidental au régime de Kiev, et par une « guerre hybride » à l'Est, dans la région du Donbass qui conjugue dans l'action, des forces civiles, des actions insurrectionnelles rebelles et des manœuvres militaires sur les arrières des combats.

Puisque l'issue de cette guerre a, en soi, une limite qui consiste à rester locale et donc à devenir un conflit d'usure, à défaut de dériver vers une guerre générale, l'issue de ce conflit découlera en sa signification ultime et générale d'une diplomatie planétaire que les États-Unis et la Chine auront décidé d'établir entre eux en Extrême Orient à l’échelle mondiale.

Enjeux de portée historique qui transcendent les crises marginales et locales et qui imposent une politique de réalisme et de pondération identitaire à l'acteur eurasien, la Russie, dont le poids ferait pencher la Balance, en cas de conflit, entre deux empires, l' Empire Américain et l'Empire du Milieu. Un pareil conflit marquerait à coup sûr la fin de l'actuelle configuration multipolaire du système.

Compte tenu de cet enjeu, civilisation et planétaire, jusqu'où pourra-t-elle aller la diplomatie européenne et sa politique étrangère ? Pourra-t-elle faire dissidence des États-Unis, au non d'une indépendance géopolitique retrouvée, ou se résigner à une nouvelle guerre froide et à une désignation acceptée, mais non partagée, de l'ennemi ?

7.2. Persuasion et subversion

On ne peut comprendre l'enjeu de la rivalité que par rapport aux régimes établis, oligarchiques à l'Ouest de l'Ukraine, rebelles et autonomistes au Donbass. On ne peut entamer un dialogue entre les parties aux prises qu'à partir du concept de légitimité retenu par chacune d'entre elles, et en tenant compte de leurs concepts stratégiques ou tactiques.

La propagande et la logique de la justification n'ont pas été de même nature dans les deux camps. Désespérément partisans dans un cas (pro-Maïdan ou pro-putchiste) dans le camp occidental, pro-insurgés et pro-russes dans le camp adverse. L'information est une arme psycho-politique qui limite le droit au mensonge officiel ou à l'interprétation exclusive et univoque des événements . La logique de la persuasion (ou de la désinformation) a été liée à la logique de la subversion (manifestations et violence à la place Maïdan), prônée et conçue par un réseau de « think tanks » soutenant les groupes dissidents dans leurs buts de délégitimer le pouvoir légal à Moscou et par une stratégie de mobilisation visant à renverser le Président en place. La parole et l'image des médias Occidentaux ont départagé le juste et l'injuste, le démocratique et l'anti-démocratique, par une technique de communication qui n'est pas allé toutefois jusqu'à la « guerre subversive ». Celle-ci peut être définie comme un type de conflit qui s'oppose à un gouvernement reconnu par la communauté internationale.

Dans l'absence d'un parti révolutionnaire à l’Est et à l'Ouest, les insurgés de Maïdan ont été remplacés par des troupes mercenaires à la solde des oligarques de Kiev. Si les « guerres subversives » appartiennent à la catégorie des conflits infra-étatiques alimentés de l'extérieur, ces conflits sont également des « guerres civiles », puisqu'elles opposent deux perspectives de pacification, ainsi que deux modèles de société et de pouvoir. Mais elles sont des « guerres subversives atypiques », dépourvues des structures idéologiques et politiques douées d'une perspective de renouveau et de la volonté d'abattre l'appareil militaire et administratif qui demeure aux mains du pouvoir en place. Elles ont une signification conservatrice, voire réactionnaire, car elles structurent un pouvoir chancelant, celui de Kiev au main de l'étranger. En face d'une armée régulière démotivée et impuissante, les rebelles de l’Est disposent du double soutien, des populations locales et de la Fédération de Russie, celle-ci identifiant ses intérêts géopolitiques et stratégiques dans une crise qui a une triple signification :

  • intérieure

  • inter-étatique

  • européenne et multipolaire

 Le conflit ukrainien, de désagrégation nationale, ne se comprend guère par la seule analyse de la technique de persuasion et de désinformation occidentale mais par son objectif, celui de se trouver dans une zone d'influence partagée entre les deux camps, occidental et oriental.

Puisque l'issue de cette guerre a, en soi, une limite, qui consiste à rester locale et donc à devenir un conflit gelé ou d'usure, à défaut de dériver vers une guerre générale, l'issue de ce conflit prend sa signification générale dans le cadre d'une diplomatie eurasienne et planétaire et à partir d'un ''Concerts des Nations'' (partners/ competitors), que les États-Unis et la Chine et pas seulement la Russie et l'Europe auront décidé d'adopter, en Europe et en Extrême Orient.

Une raison de fond pour l'Union Européenne, de remodeler le Partenariat Oriental, à la lumière d'une politique réaliste, en assumant clairement le principe de l'antagonisme, de la rivalité et de l'influence, qui régit l'ordre des nations, en jetant les bases d'un terrain d'entente et d'un rapprochement à long terme entre la Russie et de l'Europe.

  • 1Jean Jacques Roche dans son texte, « Théories des Relations Internationales », souligne que la notion de « security complex » constitue une méthode nouvelle pour appréhender la sécurité élargie des États, une sorte de sécurité sociétale, définie comme la « capacité d’une société à conserver son caractère spécifique, malgré des conceptions changeantes et des menaces réelles ou virtuelles. Plus précisément, elle concerne la permanence de schèmes traditionnels, de langage, de culture, d’association, d’identité et de pratiques nationales ou religieuses ». Cette « security complex », prise en considération non seulement en ses implications militaires, mais également en ses composantes économiques, sociales et environnementales, se rapproche de la « communauté de sécurité » élaborée par un des premiers apôtres des théories de l’intégration politique, Karl Deutsch, à la fin des années cinquante.

2Accord d'association que l'Union européenne (UE) a conclu à Prague le 7 mai 2009 avec l'Arménie, l'Azerbaïdjan, la Géorgie, la Moldavie, l'Ukraine et la Biélorussie.