UN DIX-HUIT BRUMAIRE ET UN COUP D’ÉTAT LÉGAL EN ITALIE
Dominus Wernerius von Lothringen
Magister in artibus
Lorsque le Président de la République italienne s'adressa aux partis politiques italiens le 3 février 2021, dans le but de former un gouvernement à majorité parlementaire assurée, faisant appel à Mario Draghi comme Président désigné du Conseil des Ministres, il ne savait pas encore qu'il aurait enclenché un processus de recomposition institutionnelle, conduisant à un Coup d’État légal.
En effet pour le Chef de l’État, la République c'était le Parlement et pas le pays réel, c'était la fiction de la représentation politique et pas l'opinion. Le cap de la boussole historique était la Constitution républicaine et pas le peuple, la légalité et pas sa présomption.
La droite eut beau de faire appel désespérément aux élections, pour mettre en accord légalité et légitimité, représentation et volonté populaire.
La décision du Président de la République affirma légalement le contraire. Légalement mais pas légitimement.
Le Président avait-il prévu que l'interférence continue de la légalité et de la légitimité, aurait favorisé la transformation de la fonction du Président du Conseil désigné, en figure consulaire? L'investiture de ce garant de la dernière chance de la politique italienne était bien et sans nuance celle du Sénat de Rome dans les temps sombres de la république romaine, lorsque tombait l'épée de Damoclès sur la sécurité et la perspective de conflit aux portes: "Caveant Consules ne Respublica détrimenti capiat!". Or le Rubicon avait été franchi et dans le ballet des vas et vient des consultations ils ne manquaient que les toges immaculées des sénateurs!
Dans l'arène affolée des nouveaux convertis à la catéchèse du Salut et à son César, le rôle du procureur des mœurs anciennes, le rôle de Cicéron, était assuré par un femme, Giorgia Meloni, dans la fonction catilinaire de dissidente et de tribun du peuple.
Elle y assurait la voix de l'opposition et de la démocratie, en solitaire, dans un Parlement devenu soudainement docile et servile, mais globalement épaté et hostile.
Une voix patriote, anti-unanimiste et de droite qui sera insultée, invectivée et humiliée par un professeur universitaire de gauche, assurant la profondeur de la haine de classe, dans une institution d'enseignement supérieur, publique, laïque et pluraliste. Cette institution comme les assemblée d'étudiants et la rue en révolte, étaient aux mains, depuis 68, d'une contestation endémique, devenue post-coloniale.
La situation politique grave, d'émergence, anti-politique et insurrectionnelle de l'Italie était semblable à celle d'Espagne, de France ou du Danemark. Guerrilla urbaine, caillassades, incendies, pillages, vols de masse. Une situation avortée, grâce à Dieu d'un révolution improbable.
Il manquait le parti révolutionnaire, les révolutionnaires de profession, la volonté d'en finir avec le système et faisait défaut, en particulier, l'Homme providentiel. Manquait également la haine instinctive du peuple et la résurgence des sentiments et des préjugées des "larges masses" contre l’État.
En fait la défense de l’État était assurée par des mesures de police et guère par l'armée, car les problèmes qui étaient posés étaient ceux de la classe politique et pas du pouvoir institutionnel, de la liberté et de la tyrannie.
Les Black-Blocs n'étaient pas l'expression du peuple de souche, mais de fauteurs de désordre et de chaos, immigrés et déracinées, inintégrables et dangereux. Ils n'avaient rien d'autre à proposer que de la destruction, de la négation et du nihilisme.
La grande nouveauté c'était en revanche la variété de la protestation et l'hétérogénéité de la représentation politique, verbeuse et fragmentée.
Le paradigme du changement n'était plus l'espoir mais le retour à la légalité trahie. C'est pourquoi César et le Chef de l’État incarnaient l'avenir du pays et celui du peuple menu.
Le Thermidor de Draghi n'était pas encore là et Lucien Bonaparte ou Séyès, ne tissaient nullement les ficelles de l'intrigue, derrière le calme apparent de Draghi-Napoléon.
Les petits Bolcheviks de la Ligue et les infimes Menchéviques libéraux-démocrates du feu Mouvement 5 Étoiles ne pouvaient préfigurer une insurrection ni une alternative à César, car les réformes du Conte-Kerenski ne pouvaient aller plus loin des plans de Soros-Bill Gates ou Klaus Swabb de Davos, dans la réinitialisation de l'économie, finalement verte et universelle.
Une économie qui devait correspondre aux prêches de Greta Tumberg et des coalitions sexiste LGBT, transgendres, islamo-gauchistes, des groupes progressifs Rock et des mouvements Stormy Six, Komintern, Univers Zéro, ainsi qu'à une misérable racaille de marginaux et de post-coloniaux divers.
Une solution inédite en somme, national-globaliste, qui avait intégré le souverainisme anti-européiste antérieur, réléguant Mattéo Renzi, créateur de schismes et inventeur d'hérésies à un rôle de comédien, mode Trotzky, condamné à une répétition de sa 'Révolution permanente" et promu à une fuite en avant sans fin, destinée à s'éteindre à Mexico, par la main violente d'un vrai démocrate.
Le parti fantôme de Zingaretti, qui penait à exister, après la "guerre (partisane) de tous contre tous" retarda le Dix-Huit Brumaire de Draghi dans l'attente de l'élection césariste du premier Consul à substitut du Président Mattarella.
D'ici là quelles seraient les "Ides de Mars" et qui en sera le Brutus?
Les tendances, les trois forces et leurs issues
Au delà de l'actualité immédiate, en quoi le "Dix Huit Brumaire" et le "Coup d’État parlementaire" de Mattarella-Draghi ont ils débouchés? Quelles tendances coexistent-elles au sein de la formule politique italienne, susceptible de constituer un modèle inédit? Et, in fine, qui et quelle force politique s'imposeront ils?
On peut, grosso modo, identifier dans le "Gouvernement d'urgence" de Draghi trois grandes forces et trois grandes issues possibles:
- Une formule euro-césariste à la de Gaulle, très longtemps renvoyée, à caractère national-globaliste (réformes+management + démocratie restreinte + unanimisme décisionnel + protagonisme européiste)
- Une modernisation anti-bureaucratique à l'italienne, (modèle de Gëne, décentralisation régionale et recentralisation nationale essentielle)
- Un status-quo amélioré (assistentialisme + destruction créatrice+subordination bruxelloise et globaliste)
La première comporterait un appui de la droite européiste et de la Ligue, en faveur du travail et d'une ré-industrialisation technologique d'avenir, surtout au Nord du pays.
La deuxième un rééquilibrage entre Régions et État et une accalmie des classes moyennes sur-taxées.
La troisième une subordination accrue à l'Union européenne, désagrégée et sans projet, faisant de l'Italie un pays intermédiaire entre les zones développées et le Tiers et Quart-monde; en compagnie de l'Espagne socialiste et de la France déclassée, au sein d'une Union européenne au Leadership solitaire et aggravé de l'Allemagne et des pays du Nord de l'Union.
Le Dix-Huit Brumaire du Premier Consul italien tranchera entre ces tendances et fera un toilettage historique des nouvelles bases du pouvoir, influençant l'éclairage sur les Coups d’États post-modernes, leur technique, leurs modèles et leurs leviers.
Légitimité incertaine contre Légalité. Le nouveau paradigme post-démocratique du "Coup d’État" américain
Ce qui a profondément changé, dans les régimes politiques occidentaux est la dialectique entre légalité et légitimité, pivot de la conquête des opinions, laissées à elles mêmes par la disparition des partis politiques.
La formation du consensus, assurée par des médias partisans ou non indépendants, fait de ces derniers le creuset de débats dévoyés, qui départagent les citoyens des décideurs et restreignent la sphère du pouvoir à la proximité immédiate de la souveraineté décisionnelle. Celle-ci peut-être exigue ou solitaire, mais constitue cependant le vraie siège de la légalité constitutionnelle.
L'altération insidieuse des débats citoyens par les organismes intermédiaires de la société civile (médias et web) et la cooptation des centres privés des pouvoirs globaux, solidaires entre eux par intérêts et idéologie, rend inopérants les Coups d’États militaires classiques, pourvoyeurs de légitimité et créateurs de légalité nouvelle.
Le pouvoir d'Ancien régime en France réunissait en ses symboles, représentations et personnel politique, légalité et légitimité, que la Grande Révolution a brisé.
Trotsky a coupé court à la légitimité de la révolution par le peuple et a désarticulé le pouvoir menchevique de sa logistique et de sa fonctionnalité, mais Mussolini et Hitler ont misé sur la légitimité du pouvoir, comme Franco, Pétain et Chiang Kaï-Shek!
Aujourd'hui le modèle du Coup d'État post-démocratique de Joe Biden repose sur l'inversion de la légitimité démocrate en l'énorme pieuvre de la légalité américaine.
Le Dix-Huit Brumaire du pouvoir décolonial de la Maison Blanche et le Coup d’État légal qui s'en est suivi, inaugurent une ère de la politique globale, racialisée, idéologisée et sanguinaire, qui marquera la fin de la civilisation occidentale et celle de l'homme blanc et vivra le temps d'une réorganisation de la société américaine , en situation d'instabilité et d'incertitude, qui constituent les deux démons et les deux objectifs réparateurs de tout Coup d’État.
Bruxelles le 2 mars 2021