ORDRE GEOPOLITIQUE MONDIAL et SOMMET DE L’OTAN A LA HAYE. Tournant majeur dans la hiérarchie de puissance et dans les grandes évolutions du monde.

Equilibre existentiel en Europe, alternance hégémonique au Proche et Moyen Orient, instabilités systémiques dans les cinq continents
Auteur: 
Irnerio Seminatore
Date de publication: 
20/7/2025

Table des matières

Un tournant géopolitique majeur à la Haye

L’Otan, une organisation dépassée ?

Indépendance différenciée et encadrement dans l’Alliance

Le "primat de la force" ou la "paix de satisfaction" 

Le principe de souveraineté et la paix belliqueuse

La paix ou la liberté ?

"Alternance hégémonique" ou équilibre précaire au Proche et Moyen Orient

Alternance hégémonique. Iran ou Israël ?

Hégémonie précaire au niveau régional

Attaque d’Israël à l’Iran et prise de partie de la Chine

Sur les "Accords d'Abraham"

Peut-on éviter une troisième guerre mondiale ?

Les Etats-Unis et les instabilités systémiques dans le monde

Stratégies des acteurs majeurs du système et transfert du "centre de gravité du monde"

Robert Kagan et sa dénonciation de la "stratégie du pivot" 

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Un tournant géopolitique majeur à la Haye

Suivant l’approche comparative et la théorie cyclique de l’histoire (corsi e ricorsi) de Gianbattista Vico, philosophe et historien napolitain du XVIII, antécesseur de Michelet, pouvons-nous rapprocher le tournant du Sommet de la Haye de l’échec diplomatique de Suez ? Le Sommet de la Haye a subordonné la politique étrangère européenne au désengagement des Etats-Unis et au duopole russo-américain de Washington et de Moscou et l’aventure de Suez a mis fin à l’illusion d’empire de la France et de la Grande Bretagne, capitulant face au diktat américano-russe, en pleine opération franco-israélo-britannique d’occupation du canal ? La volte-face des deux grandes puissances victorieuses de la II G.M. qui subordonna en 1956 la sécurité européenne au duopole américano-soviétique, est-il comparable à la politique de bascule de l’Amérique d’aujourd’hui, à la veille du troisième conflit mondial ? Derrière la mise en scène de l’Otan il y a l’échec de l’Ukraine et la fin d’une imposture, celle de la victoire de Kiev, soutenue par Bruxelles, contre Moscou. Ainsi l’objet des délibérations du Sommet n’a pas été la stratégie des moyens, (le ticket du 5%) mais le nouveau "Grand Jeu" des puissances impériales, le découplage de l’Amérique et de l’Europe et le regard de l’Empire Céleste. Le résultat est le même : une nouvelle hiérarchie de puissances, celle des Etats-Unis, de la Russie et de la Chine, se dégage de l’échiquier international, bien plus influente de celle des puissances moyennes relatives (France, Grand Bretagne et Allemagne) et apparaît secondaire à celle, américaine, concernant le Golfe, le Moyen et Proche Orient et l’Indo-Pacifique. Dans cette nouvelle reconfiguration géopolitique du monde, l’Union Européenne, désarmée, n’a plus la couverture philosophique d’une alternative utopique et doit faire face à une perspective stratégique totalement bouleversée, qui comporte trois types d‘équilibre :

-un équilibre existentiel en Europe,

-une alternance hégémonique au Proche et Moyen Orient

-des instabilités systémiques dans le monde

Comment concevoir désormais, dans la nouvelle situation, le "sens" général des transformations géopolitiques en cours ?

L’Otan, une organisation dépassée ?

De l'avis de plusieurs esprits réalistes, le sommet de l’Alliance atlantique de la Haye a mis en scène une Amérique et une Russie déterminées et une Europe inexistante.  Celle-ci a été encore davantage marginalisée de la scène diplomatique après la preuve de force, soudaine et foudroyante, des forces israélo-irano-américaine. Les mots d'unité et de cohésion, affichés par les membres de l'Alliance n'ont été que les slogans d'une volonté hésitante et désunie, car les Européens n'ont eu ni les moyens, ni la volonté de s'engager suffisamment, depuis le début, pour faire pencher la balance militaire du côté de Kiev. ... Ni Bruxelles, ni aucune grande capitale européenne n’a pesé réellement sur le cours des événements. Le sommet de l'Otan a rétabli par contre, les conditions d'un unipolarisme déclaratoire des Etats-Unis comme acteurs prééminents de la conjoncture mondiale. Dans la foulée, le Conseil européen des chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE s'est évertué à confirmer cette réalité. En ce qui a concerné le découplage soupçonné entre l'Amérique et l'Europe (art.5), le sujet a été évoqué mais non approfondi.

Entre temps le décalage existant entre action et délibération, propre à l'ancienne locution romaine “Dum Romae consulitur, Saguntum expugnatur” (pendant qu'à Rome on palabre, Sagonte est conquise), a été confirmé. Pendant que nos démocraties s'engagent de Sommet en Sommet en consultations sans fin, l’Occident est idéologiquement conquis. Conquis par la peur. Parallèlement, la paix, bafouée dans plusieurs zones de conflit, en Ukraine, à Gaza, au Proche et Moyen Orient devient l’expression évidente d’une inadéquation des rapports de forces mondiaux et du système de valeurs et du droit qui en garantissent la stabilité. Et puisque la sécurité exige une refonte globale des rapports d’influence et de pouvoir en Europe, en Eurasie et en Extrême-Orient, celle-ci ne peut plus être assurée par l'Otan. En effet l’Otan, né en 1949 comme instrument de "défense collective" avait comme champ d’action politico-militaire l’Europe, mais la rigidité de la dissuasion nucléaire ne disposant pas d’une dissuasion conventionnelle, ni d’une diplomatie globale en mesure de contenir l’accélération et l’aggravation de la violence armée, a fait de l’organisation atlantique une institution dépassée et en état de "maladie cérébrale" (Macron).

Indépendance différenciée et encadrement dans l’Alliance

Les Etats européens, encadrés dans l’alliance atlantique doivent leur existence et leur sécurité à un acteur extérieur au continent, l’Amérique. C’est l'Amérique qui choisit, au cœur des enjeux mondiaux le centre de gravité de son engagement, en vue d'un retour de son unipolarisme renforcé ou de son exercice impérialLe déclin de la France et la montée en puissance de l'Allemagne font que la version « européenne » d’un compromis de stabilité à établir avec la Russie, cède le pas à la variante britannique, traditionnellement hostile à une stabilisation du continent européen, dont elle a toujours encouragé les divisions. L'augmentation du budget de la défense au 5% du PIB, accepté par les membres de l’Otan, prouve la prééminence de l'ordre impérial sur les disputes des désordres nationaux ainsi que le niveau d'engagement nécessaire à l'affrontement. La politique du bâton et de la carotte (pourcentage du pib + modulations tarifaires), confirme à la fois la fonction du maître et celle des élèves atlantiques et l'impératif de l'ordre et de la discipline collective, comme seul pouvoir capable de s’imposer sur une constellation de grégaires.

Le "primat de la force" ou la "paix de satisfaction"

L’idée du primat de la force avait été oublié en Europe c’est à la force que revient, au bout du compte, le rôle central dans les rapports entre les États. Le principe de fonctionnement du système, qui régit le commerce naturel des corps politiques, est la puissance militaire et non le droit, ni la morale. La dissonance des intérêts se traduit, donc normalement, en opposition des forces.

Ainsi l’hypothèse de recherche adoptée, celle des "paix d'équilibre" est rendue plausible par le fait que le modèle "parfait" de guerre, selon la typologie classique est, depuis Machiavel, la "guerre inter-étatique", qui met aux prises des unités politiques de même nature et de même zone de civilisation, dans le but de préserver l’existence des pays, tandis que les "guerres impériales" visent l’élimination de belligérants et la constitution d’unités politiques supérieures, composées de plusieurs unités hétérogènes (cas de l’Ukraine). La guerre, qui caractérise l’option choisie par la Russie serait, pour ses adversaires européens, le début d’une entreprise sans fin, une confrontation imparfaite et hétérogène qui met aux prises des relations inter-étatiques, trans-nationales et sociétales. Il faut donc la stopper au plus vite et par tous les moyens. Aux yeux des européens il s’agirait d’un type de conflit qui ne peut donner lieu à une « paix de satisfaction », mais à des conflits prolongés, à des armistices précaires et belliqueux, asymétriques, terroristes et hybrides, dus à la coexistence d’intérêts contradictoires, dépourvus d’une perspective commune.

Le principe de souveraineté et la paix belliqueuse

Bien que né de la revendication d’un principe de légitimité, le principe de souveraineté étatique, revendiqué par l’Ukraine, attiserait des rivalités perpétuellement renaissantes dans les pays baltes et ailleurs en Europe et conduirait à une paix belliqueuse et, plus probablement, à un guerre civile européenne permanente. Dans le cas de la crise ukrainienne, dirigée de l’extérieur par les Etats-Unis et en sous-ordre, par les européens, le but de guerre et l’issue finale, changeront-ils "le système international" ou bien produiront-ils une modification des rapports de force "dans" le système ? On pourrait opiner que la "bonne" hypothèse est pour l'Amérique, la deuxième option et donc la préservation de l’hégémonie américaine et qu'elle est, pour Vladimir Poutine, la première, autrement dit qu’elle repose sur le double désir de sécurité et de prestige. Dans le cas d’un changement "du système" changeraient alors les deux éléments qui commandent à tout système international, le rapport de force, qui deviendrait plus favorable aux puissances de la terre (Russie, Chine, Inde, Iran, non-alignés) et le principe de légitimité (oligarchique, autocratique ou despotique).

La paix ou la liberté ?

Du point de vue des régimes politiques et du principe du gouvernement le but de "l’équilibre sécuritaire" en Europe serait d’assurer, selon l’Otan, la pérennité de l’État menacé (Ukraine), car ce qui importe, pour la doctrine occidentale c’est la liberté politique et non la paix, la survie de l’État mais non sa viabilité historique. De même, le but de l’équilibre anti hégémonique est de préserver la pluralité politique du système, c’est-à-dire "le statu-quo" dans l'Europe nord orientale et la liberté apparente de ses membres essentiels, autrement dit, la démocratie formelle, mais vide de substance, et non le changement.

La paix devient elle un instrument, parmi d'autres, de l’équilibre anti hégémonique russe ou ne sert-elle pas à l'abattre, au même titre que la guerre ? 

Dans ce cadre conceptuel, une éventuelle campagne militaire contre la Russie, en fébrile préparation, n'est pas vue comme un échec de la politique d'équilibre sécuritaire, mais comme son accomplissement.

 "Alternance hégémonique" ou équilibre précaire au Proche et Moyen Orient  

La doctrine de l'équilibre au Proche et Moyen Orient diffère de celle recherchée en Europe, car ici elle se bifurque en trois conceptions distinctes

- la doctrine de l'équilibre sécuritaire comme survie (concernant Israël, qui vise une prééminence au niveau conventionnel, dans tout l'environnement géopolitique méditerranéen et moyen oriental)

- la doctrine de l'équilibre de stabilité des régimes autocratiques en place comme contre-partie (Golfe et Proche-Orient, protégés de l'extérieur)

- la doctrine de l’équilibre nucléaire dissuasif - comme situation (interdiction du nucléaire vis à vis de l'Iran et répartition asymétrique des forces conventionnelles entre Israël et ses adversaires)

Dans ce contexte (la fonction de l'équilibre des forces, toujours approximatif, exige en permanence un ajustement hégémonique, par la diplomatie ou par le conflit, d'où l'importance des alliances de protection extérieures, garantes de l'essentiel pour les deux parties.

Alternance hégémonique. Iran ou Israël ?

"Entre la "paix d’équilibre" et la "paix d’empire", s’intercale "la paix d’hégémonie" " dit R. Aron, car, "l’hégémonie est une modalité précaire de l’équilibre", assurée par une volonté marquée d’indépendance. La "paix d’équilibre" de l’Europe du XIXème avait un caractère conjoncturel et se limitait à la "prépondérance" de l’Allemagne de Bismarck, que la Grande Bretagne empêchera de se transformer en hégémonie continentale. Aujourd’hui, en cas de victoire de la Russie poutinienne, les occidentaux pourront-ils l’empêcher la Russie de devenir une puissance hégémonique à l’échelle régionale ? Dans cette hypothèse, le rapport de force, qui deviendrait plus favorable aux puissances de la terre (Russie, Chine, Inde, Iran, Brics), renverserait le cours de l’histoire, qui est allée jusqu’ici de l’Occident vers l’Orient et du nord vers le sud.

Hégémonie précaire au niveau régional

Si l’hégémonie des États-Unis se mesure au niveau global par la supériorité des forces, le modèle culturel et le réalisme offensif, Israël,  après les éclatants succès militaires contre le Hamas, le Hezbollah et l'Iran devient le leader incontesté de la région, disposant d'une capacité d'action hégémonique (et à la limite divergente de celle de son protecteur- les Etats-Unis), en mesure d'instaurer  un équilibre nucléaire dissuasif - comme situation (une répartition inégale des forces entre soi et ses adversaires. En ce qui concerne la dissuasion stratégique, les fondements de la politique de Ben Gourion restent cependant les mêmes et s'appuient sur une division potentielle des adversaires, une capacité à engager tout conflit hors du territoire israélien et une capacité nucléaire "non-déclarée".

La précarité de l’hégémonie régionale est de nature historique, car le pouvoir, toujours convoité, a été marqué dans cette région charnière par des luttes multiples, par les enjeux géopolitiques de la décolonisation, où l’influence extérieure a été toujours déterminante avant et après le colonialisme occidental, depuis la fin de l'empire romain d'Orient, la chute de Constantinople (1453) et l'établissement de l'empire ottoman de la "Sublime Porte". Le processus de décolonisation a aggravé l'emprise des grandes puissances, malgré le mouvement des "Non Alignés" et les principes de la Conférence de Bandung" (1955).

Aujourd'hui les frontières héritées des accords Sykes-Picot et les conflits israélo-arabes ont façonné le paysage politique et les relations entre les États de la région, contribuant à l’établissement d’une l'hégémonie régionale, pour laquelle s'affrontent la Turquie, Israël, l’Iran, l'Irak, l'Arabie Saoudite et d'autres acteurs exotiques et sous-étatique (Hamas, Hezbollah, Houthi).

Les divisions ethniques, religieuses et nationales du Proche et Moyen Orient compliquent encore davantage les dynamiques de pouvoir, créant des tensions et des alliances terroristes et anti-occidentales, qui déstabilisent le système dans son ensemble

Attaque d’Israël à l’Iran et prise de partie de la Chine

Ainsi l'attaque à l'Iran de la part d’Israël du 13 juin 2025 a suscité une réaction très nette de la part de la Chine, car, on précise à Beijing,

"L'Iran s'intègre dans la stratégie chinoise de riposte à l'hégémonie des Etats-Unis et, dans une moindre mesure, à l'expansion de l'Otan", Cette stratégie s'est intensifiée après la chute du gouvernement de Bachar al-Assad en Syrie et l'affaiblissement du Hamas et du Hezbollah, tous soutenus par Téhéran. "Pékin a cherché à empêcher un effondrement total du rôle régional de l'Iran" et le président chinois Xi Jinping avait déjà qualifié en 2023 les relations bilatérales chino-iraniennes de "stratégiques" et affirmé soutenir l'Iran dans sa lutte contre le "harcèlement" nucléaire occidental. Un haut gradé chinois, Liu Qiang, a été encore plus net :  

"La survie de l'Iran relève de la sécurité nationale de la Chine", 

La Chine doit prendre des "mesures proactives" dans le conflit, pour garantir que l'Iran "ne sera pas brisé par la guerre" ou "étranglé par les Etats-Unis et Israël". Pour d’autres analystes, les liens qu'entretient Pékin avec Téhéran visent à contrebalancer l'influence régionale des Etats-Unis, d'Israël et des pays du Golfe.

Sur les "Accords d'Abraham"

Les accords d'Abraham témoignent d'une évolution stratégique des Emirats Arabes-Unis et de Bahreïn, et consistent à avoir signé en 2020 des accords de normalisation pour la reconnaissance d’Israël, après la Jordanie en 1994 l’Egypte en 1979, accentuant ainsi, dans le cadre turbulent et hostile de cette zone-clé, la césure historique entre pays d’obédience sunnite et l’Iran, d’ancienne tradition chiite. Ces accords traduisent la faiblesse des mouvements terroristes du Hamas et du Hezbollah, pour que se concrétise l’objectif à deux Etats, un État israélien et un État palestinien (Cisjordanie, Gaza et Jérusalem Est), objectif combattu par Israël et soutenu à demi-mots par d’autres Etats occidentaux.

Peut-on éviter une troisième guerre mondiale ?

La légitime question de l’espoir, perpétuellement resurgissant, résulte d’un idéalisme à toute épreuve, car il a pour racine l’esprit humain et, en particulier, la peur et l’incertitude. C’est pourquoi il a été défini la "fatalité du hasard", qui, à l’opposé du réel, est le farouche ennemi de l’âme.

Les Etats-Unis et les instabilités systémiques dans le monde

Or la contrainte du réel politique nous dit à présent que le système international actuel, tient pour certitude l’instabilité et qu’il résulte de trois évolutions majeures, productrices de déséquilibres et difficiles à inverser :

- l'épuisement de la stabilité stratégique (de 1991 à 2001)

- le modelage d'une nouvelle géopolitique eurasienne (de 2001 à 2011)

- l'apparition d'une forte hybridation de menaces et de vulnérabilités, étatiques et sub-étatiques (à partir de 2011).

Stratégies des acteurs majeurs du système et transfert du "centre de gravité du monde"

Quant à la stratégie des acteurs majeurs de la scène planétaires elle dictée par la prédominance d'un triangle de puissances de premier plan, les États-Unis, la Russie et la Chine, dont l'influence pèse sur les enjeux régionaux et mondiaux et sur l'instabilité de chaque cadre régional (Asie du Sud-Est, Proche-Moyen Orient et Golfe, Europe Orientale et Sud-Orientale).

Ainsi ces caractéristiques mettent en évidence le transfert du "centre de gravité" du monde de l'Europe vers l'Asie, qui a forcé les États-Unis à opérer un "strategic pivot" du Proche et Moyen Orient en direction de l’Indo-Pacifique.

La Chine y est vue comme une puissance montante, qui tente de se
confronter à la primauté des États-Unis. Elle chercherait à étendre ses intérêts en avançant ses ambitions territoriales en Asie centrale, méridionale et orientale, mais aussi en Afrique et dans le Golfe.

Or ceci pourrait transformer la rivalité sino-américaine en une nouvelle guerre froide, potentiellement plus dangereuse de celle qui opposa les États-Unis à l’Union soviétique. Cette rivalité serait marquée par un nombre plus important de points chauds, tels la péninsule Coréenne, le détroit de Taiwan, la mer de Chine méridionale et de l’Est. En 2011, le président Obama annonça un "pivot stratégique vers l’Asie", pour "maintenir le leadership de la puissance américaine" dans une région au poids économique, politique et militaire croissant et face à un Empire renaissant qui est devenu un "peer competitor", bref un rival systémique à affronter. Du coup on est passé du "pivot asiatique" au "rééquilibrage stratégique dans l’Indo-Pacifique".

Robert Kagan et sa dénonciation de la "stratégie du pivot" 

A la suite de "l’Euro-Maïdan" Robert Kagan s'est interrogé sur la stratégie américaine dans l'instabilité du système, due à l'intersection de deux grandes tendances, l'une qui représente le déclin de la puissance américaine, l'autre, l'activisme de deux puissances révisionnistes classiques et montantes, la Russie et la Chine. Il a rappelé que l'ordre et la stabilité peuvent s'effondrer soudainement dans la violence et que la stabilité est inhérente à un ordre unipolaire dominant. Cependant le système ne dépend pas uniquement de la puissance d'un pôle, mais de la cohérence et de l'unité d'une coalition et de ses alliés, comme il a été souligné dans le Sommet de la Haye. En effet les puissances en pleine ascension s'alimentent de la crise de confiance et d'autorité du pouvoir dominant et de la crainte d'engagements dans la défense de ses intérêts à l'échelle mondiale. Or la remise en question de l'ordre pousse à la tentation de composer avec les puissances antagonistes et rivales. Ainsi l 'accusation d'un leadership faible a pris la forme, dans le plaidoyer de Kagan d'une dénonciation de la stratégie du "pivot", qui a dégarni sans vraie nécessité le Moyen Orient et qui n'aurait guère banni la vraie menace des systèmes autocratiques de pouvoir, un vrai défi porté à l'ordre démocratique et à la légitimité de leur règne. Le regroupement bi-multipolaire des pays d'Orient et d'Occident, du Nord et du Sud, témoigne désormais, d'après Kagan, de l'impossibilité de maintenir la position dominante de l'Amérique unipolariste et vient du constat que les puissances révisionnistes sont à l'offensive et que la troisième guerre mondiale est aux portes. 

On est en effet aux portes d’un système nouveau et celui-ci sera similaire pour nous au voyage de Dante dans l’enfer de "La Divine Comédie" et à l’entrée à travers les portes d’Achéron, où est sculptée l’épitaphe effrayant : "Laissez toute espérance vous qui entrez !"

 

Bruxelles le 15 Juillet 2025