L'ASIE CENTRALE ENTRE « RÉGIMES PARLEMENTAIRES » ET « REGIMES PRÉSIDENTIELS »

Auteur: 
Irnerio Seminatore
Date de publication: 
21/10/2010

 

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION

Examinons ici des thèmes de réflexion et de débat sensibles pour l'analyse de la démocratisation des structures du pouvoir et pour le développement de formes modernes de parlementarisme.

Des remarques d'ordre général me paraissent indispensables pour situer le problème.

Les thèmes proposés recouvrent, en sciences politiques, au moins trois grands espaces conceptuels :

  • le premier est celui des régimes politiques et des formes d'État, en leurs modèles et abstractions,

  • le deuxième est celui de la pertinence limitée de l'approche formelle, au thème du suffrage et au régime de démocratie parlementaire, moniste ou dualiste,

  • la troisième est celui d'une évaluation des pratiques et des expériences, mises en œuvre par des institutions gouvernementales et publiques, nationales et internationales, pour la promotion d'une culture électorale et d'une législation, reposant sur une base représentative adéquate.

J'ajouterai deux observations préalables :

  • la première est de nature historique et rappelle que la démocratie, dans la tradition philosophique qui remonte à Aristote, ainsi que dans la typologie moderne des régimes politiques, n'est guère un « modèle idéal » mais un simple désidérata éthique.

  • la deuxième observation est que le régime démocratique, à caractère républicain, peut revêtir deux formes politiques, le régime parlementaire et le régime présidentiel. L'existence de l'un ou de l'autre dépend de la constitution et de l'équilibre institutionnel entre les autres pouvoirs d'État,le législatif, l'exécutif, et le judiciaire. Mais il dépend également du contexte historique, géopolitique et culturel.

Dans les deux cas, le système du suffrage peut se fonder à son tour sur deux formes préférentielles, le référendum ou le scrutin proportionnel. Ces deux expressions du suffrage ont pour but d'assurer la stabilité politique, la distribution du pouvoir, le renouvellement de la classe politique et la primauté de l'institution qui a été jugée essentielle, le parlement ou le pouvoir exécutif, pour mieux montrer le caractère relatif et variable des deux formes de régime, qui ont pour référence la démocratie et le suffrage électoral.

LE  « RÉGIME POLITIQUE », UN ESSAI DE DÉFINITION

On entend par « régime politique » un ensemble de règles, d''institutions et de valeurs qui disciplinent la lutte pour le pouvoir et l'exercice de celui-ci, ainsi que les modes de la légitimation et de la participation régulières aux urnes. On ajoutera que le caractère essentiel d'un régime et d'un système politique est sa stabilité et que la poursuite de cet objectif détermine historiquement le choix du régime, parlementaire ou présidentiel.

Or, dans les régimes politiques modernes, la structure des institutions produit une sélection régulière de la classe dirigeante et la structure du régime(parlementaire ou présidentiel) conditionne la formation de la volonté politique et donc le mode du suffrage choisi.

La nature du « régime » implique également des « limites »à la liberté d'action des gouvernements.

Quant à la structure du pouvoir, la typologie des régimes politiques qui remonte à Aristote distingue trois formes de gouvernement: le gouvernement monarchique (gouvernement d'un seul), aristocratique (gouvernement de peu), et démocratique (gouvernement de tous).

La théorie moderne de la classe politique l'intègrera du constat, selon lequel, le pouvoir est toujours dans les mains d'une oligarchie, ce qui engendre la définition des systèmes représentatifs comme régimes oligarchiques ou constitutionnels pluralistes La classification d'Aristote distinguait entre les « formes pures » et les « formes corrompues », la tyrannie, l'oligarchie et la démagogie, en fonction du critère de l'intérêt défendu, dans l'exercice du pouvoir, l'intérêt de ses détenteurs ou celui du bien public. Elle nous permet d'affirmer que le « parlementarisme » et le « présidentialisme » représentent respectivement les formes corrompues du pouvoir parlementaire et du pouvoir présidentiel. En ce qui concerne le « régime d'assemblée », ce dernier engendre de l'instabilité politique, car le principe de corruption qui lui est congénital est de faire glisser le système de gouvernement vers l'ingouvernabilité, typique de la « république des partis » .

Quant aux modalités d'exercice du pouvoir, ce dernier est déterminé d'une part par le rôle des partis et de la compétition électorale, dictée par la composition de l'échiquier politique, et de l'autre par le « principe général » du gouvernement, mis en valeur par Montesquieu. Selon ce dernier le principe inspirateur fondamental qui anime le rassemblement du corps politique et qui façonne l'unité du peuple est la « vertu » en régime républicain, « l'honneur » en régime monarchique et la « peur » dans le régime despotique. Il ajoute également que le nombre des détenteurs du pouvoir influe sur les formes « corrompues » ou « impures » des régimes, au sens ou le principe de la soumission du roi à la loi, dans le régime monarchique (exprimé par la maxime « Rex sub lege ») se transforme en absence totale de la loi ou de la norme, dans le cas du despotisme.

Les structures du pouvoir et le mode d'exercice, permettent ainsi de déterminer la « typologie des régimes », qui conditionne à son tour la formation de la volonté politique et donc la lutte pour le pouvoir , la sélection de la classe politique , les formes du suffrage et l'expression de la légitimité politique.

CADRES HISTORIQUES ET RÉGIMES POLITIQUES À LA RECHERCHE D'UN CRITÈRE EXPLICATIF PERTINENT

L'étude de l'histoire d'une société, celle de sa structure, de sa culture politique et de sa tradition de pouvoir, constituent des facteurs explicatifs essentiels pour typiser les régimes politiques. Cependant un ensemble de facteurs exogènes ont une influence importante sur le fonctionnement réel de ces régimes et concourent non seulement à en expliquer la structure, mais à en influencer le mode d'exercice.

Ce sont les rapports géopolitiques et les facteurs de puissance, bref la structure environnementale des relations de sécurité et donc l'anarchie internationale, qui jouent un rôle constant et décisif. C'est le rôle de l'État dans le système politique international, ou dans les formes complexes de l'interdépendance qu'exerce une fonction prépondérante et centralisatrice.

En effet, la position de chaque nation et de chaque État, continentale ou insulaire, influe simultanément sur la centralisation du pouvoir et sur l'espace des libertés individuelles et des autonomies locales.

Ainsi la complémentarité des critères explicatifs, du droit, de la science politique, de la sociologie et de la géopolitique classique, ou encore et plus spécifiquement, de la « théorie de la Raison d'État » porte à conclure que le caractère partiel de chaque approche contribue à l'esquisse d'une théorie unitaire du processus historique et confirme, dans chaque situation concrète, le principe d'une autonomie relative du pouvoir politique par rapport aux relations internes et extérieures d'une société particulière.

Pour conclure, la structure et la typologie du pouvoir ou les formes de la légitimation politique ne constituent pas une donnée première et ultime d'explication des processus politiques.

C'est la lutte pour le pouvoir, la lutte pour le conquérir ou le maintenir, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, qui influe sur la forme du régime politique et sur la stabilité de son exercice.

Ainsi de celles-ci dépendent les conditions sociales, culturelles et politiques des formes de régime, démocratiques ou autoritaires. Le but de toute recherche sur les différences entre les régimes politiques et les formes d'État, n'est pas de dégager, de manière abstraite et universelle, la recherche du « meilleur régime », identifié à la démocratie représentative de source occidentale, mais de mettre en évidence la quête, commune à tous les régimes, de réponses différentes à des problèmes semblables, autrement dit la satisfaction du « bien commun » ou de l'intérêt général d 'une société.

LA POLITIQUE ET L'ELARGISSEMENT DE LA DÉMOCRATIE

Avant d'aborder les thèmes de l'élargissement de la démocratie parlementaire, deux questions se posent. La première peut être ainsi formulée : « A quelles exigences doit-il satisfaire un régime politique » ? A quel type de gouvernement doit correspondre le déclin relatif du parlement et le renforcement de l'exécutif, autrement dit du gouvernement et de l'administration publiques ?

Si la politique, comme enjeu de la lutte pour le pouvoir, est aussi le champs des conflits dûs à l'inégale distribution des rôles de commandement et de subordination, le mode d'organisation de l'autorité qui est caractéristique de l'ensemble de la communauté, désigne le régime particulier d'une « cité politique ».

Ainsi, le mode d'exercice de l'autorité et le choix des gouvernants de la part du corps électoral, apparaissent à leur tour comme l'essence même de la politique.

L'explication de cette identification du pouvoir et de la communauté, est dû au fait qu'un secteur partiel de la société se déploie sur la collectivité toute entière, en raison du primat que la politique exerce sur le tout. La politique, comme projet d'action collective et le pouvoir, comme organisation du régime expriment, aux yeux de l'analyse historique et sociologique, le « sens » même de l'existence humaine.

Le système représentatif et le suffrage électoral sont en somme les modalités et les moyens grâce auxquels sont choisis ceux qui commandent et ceux qui dictent les méthodes, les principes et les programmes, auxquels devront se conformer les autorités élues.

Les philosophes du passé, à partir d'Aristote, avaient raison de penser que l'organisation de la société et l'organisation de l'autorité, étaient une seule et même chose et qu'elles incarnent aussi l'essence d'une collectivité.

En réalité, et encore aujourd'hui, la liaison profonde entre la légitimité du pouvoir (homme ou office) et le fondement d'une collectivité, est un postulat de base de l'organisation politique. Si, de manière générale, le pouvoir politique se caractérisé par la capacité de prendre des décisions, la fonction politique recouvre l'ensemble du champs public et donc d'un coté l'exécutif et la bureaucratie et de l'autre le législatif et le système électoral.

Entre les deux la pluralité des partis a pour fonction d'assurer la participation à l'exercice du pouvoir, sans l'exercer directement.

Le principe du régime pluraliste est, selon Montesquieu, le respect de la légalité et le sens du compromis, ou, en d'autres termes, l'exigence d'une rationalisation des décisions.

Or, dans un régime constitutionnel pluraliste, la généralité des partis doit se soumettre à la légitimité électorale et celle-ci à la constitutionnalité la plus rigoureuse, dans l'exercice du pouvoir, une fois le suffrage exprimé.

Le premier problème qui se pose dans l'analyse des formes de la représentation politique réside ainsi dans la réponse donnée à la question suivante : « Le régime politique pluraliste est-il la traduction la plus appropriée de l'idée de souveraineté populaire? » Une deuxième question est celle qui s'interroge sur le caractère pertinent ou non pertinent du système oligarchique, par rapport à la stabilité et à l'efficacité politique.

La troisième question, iée à la caractérisation des formes de gouvernement, « pures » ou « corrompues », tient aux forces et faiblesses intrinsèques des régimes politiques.

Quels sont donc les formes de corruption qui engendrent la dérive moderne des oligarchies vers la démagogie ? Sans aucun doute la rivalité et le conflit permanent entre idées, intérêts,groupes et personnes, qui reflète la condition même de la nature humaine, mais encore davantage la profusion des promesses, qui alimentent le caractère pathologique et endémique des attentes sociales et des systèmes électoraux. Et il s'agit là d'un écart insurmontable pour toute capacité du système de dominer sa propre évolution.

Le deuxième type de corruption du principe du « bon gouvernement » est la prépondérance grandissante de « l'esprit partisan », qui occulte et qui masque « l'intérêt général » ou la prise de conscience du « bien commun ». Cet égarement du principe partisan estompe toute radicalité et toute politique résolue, au profit de compromis médiocres.

Or ces difficultés sont aggravées par la manipulation des procédures constitutionnelles qui poussent tantôt à des excès d'oligarchie (et donc de rigidité politique), tantôt à des excès de démagogie (et donc de laxisme généralisé).

LE RÉGIME PARLEMENTAIRE ET LE RÉGIME PRÉSIDENTIEL

De nos jours le « régime parlementaire » est celui dans lequel le Parlement dispose d'une primauté sur l'exécutif et le judiciaire. Il s'agit d'un système caractérisé par la séparation souple des pouvoirs, où le Gouvernement est responsable devant le Parlement et le Parlement dispose d'un pouvoir de censure et peut renverser le Gouvernement. A son tour l'exécutif peut dissoudre l'Assemblée. Le régime parlementaire est moniste ou dualiste. Dans le premier cas, est tenu à une responsabilité vis à vis des seules chambres et, dans le deuxième, à une responsabilité simultanée et parallèle devant les chambres et devant le Chef de l'État.

A l'opposé du régime parlementaire, marqué par une plus grande instabilité, le régime présidentiel est une forme de gouvernement où la clef constitutionnelle est représentée par le Chef de l'État qui exerce la prééminence sur les pouvoirs concurrents du législatif et du judiciaire. Ici la responsabilité politique du gouvernement est soumise au pouvoir du Chef de l'État, qui peut renvoyer le premier ministre, cependant que le législatif ne peut renverser le gouvernement. La caractéristique principale du régime présidentiel repose sur la stricte séparation des pouvoirs, ce qui lui permet d'assurer une stabilité, inconnue au « régime parlementaire ».

Ce dernier doit se conformer en effet à la logique de la collaboration des pouvoirs, source, en cas de désaccords et de rivalités persistantes, d'une forte instabilité politique. La France en fit une expérience sous la Troisième et la Quatrième République. Le « régime d'Assemblée » a été considéré ainsi comme l'archétype du « parlementarisme absolu », ou la forme corrompue du régime parlementaire « pur ».

LE ROLE DES PARTIS ET LES FORMES DE RÉGIMES HYBRIDES

Le rôle des partis et la corruption de « l'esprit de gouvernement » furent-ils des simples facteurs ou des causes profondes de l'instabilité de ces deux Républiques ? Dans le cas du régime parlementaire le mode du scrutin a un rôle important à jouer dans la cooptation et sélection du personnel politique et donc dans le renouvellement de la « classe politique ».

Les positions politiques sont importantes dans l'adoption de la fonction qui est propre à tous les régimes modernes, le choix des gouvernants. Puisque le principe de légitimité moderne n'est plus la représentation traditionnelle, mais le concept « fictif » de la « souveraineté populaire », le principe de légitimité dont se réclament la plupart des régimes politiques dans le monde, est la démocratie ou la souveraineté démocratique. Celle-ci, à travers le système des partis et la « nature » du suffrage, traduit le principe démocratique en institutions représentatives.

LE SUFFRAGE ET LE SYSTÈME ELECTORAL

Or, l'intérêt porté aux modes d'organisation du scrutin acquiert une importance particulière, sur le plan institutionnel et culturel. En effet, le suffrage symbolise et traduit la modalité caractéristique de la « volonté populaire » de s'incarner d'abord dans la revendication de formes de suffrage libres et ensuite dans des institutions représentatives. Ce qui peut arriver à ce sujet, voir le cas de l'Iran, c'est le soupçon d'une fraude massive, qui remet en cause le pouvoir en place et fissure la structure institutionnelle de l'État.

La fraude, comme trahison de la liberté du choix, gangrène la confiance populaire et la légitimité politique des institutions. Dans une pareille situation, ce qui engendre un crise,c'est le rapport entre le système des partis, la légitimité électorale et la constitutionnalité de l'exercice du pouvoir. Ce rapport est dû à la nature particulière du régime, de type autocratique, où coexistent simultanément des formes traditionnelles de pouvoir, théocratiques et pré-démocratiques, des formes de régime autoritaires post-démocratiques, et des régimes pluripartites modernes à base démocratique. Ce type de régime a comme trait de fond, dans l'exercice du pouvoir, le refus de l'essence même des régimes modernes, la constitution. Ainsi la coexistence de formes de régime mixtes induit une confusion, de nature despotique, entre société et État.

Un système électoral est avant tout un mode de désignation des gouvernants et on peut dire que le suffrage assure la représentation populaire et exprime sa volonté. Le corps électoral apparait ainsi comme le corps politique de la nation et l'influence du scrutin se traduit directement à travers la « formule politique » ministérielle et sur sa composition. Le renouvellement du personnel politique implique l'existence d'un système de partis et des formes de participation qui exigent des modes de désignation et de suffrage particulières, majoritaires, proportionnelles ou mixtes.

L'influence jouée par le système électoral sur le système politique est dû non seulement à la nature de la compétition électorale et à ses enjeux, ou à la culture générale et civique des citoyens et du pays, mais également à la capacité de mobilisation des appareils et des médias et, pour terminer, aux contraintes extérieures. Il a été remarqué que tout système électoral est un système de transformation du consensus en structures politiques. Diverses et multiples sont les modes d'expression du corps électoral, et celles-ci traduisent plus ou moins correctement la volonté politique d'un pays. En tant que mécanismes institutionnels, les systèmes électoraux sont à mettre en relation avec les formes d'État et de régimes prédominantes, mais aussi avec les formes classifiées des régimes politiques et encore davantage avec les caractérisations ambivalentes de la démocratie, directe ou indirecte, libérale ou populaire, participative ou représentative.

C'est par un long parcours historique que le vote est apparu tour à tour comme une « fonction » (liée à la disposition vérifiée de moyens ou de capacités) ou comme un « droit » (lié à la condition abstraite d'un statut ou d'une condition). Ce qui est pourtant à souligner est le fait que tout système électoral est jugé, par l'intermédiaire du système politique, à sa capacité d'assurer la sécurité et la stabilité politiques et de garantir le gouvernement démocratique d'une société.

Or, en conclusion, si le suffrage électoral a pour but d'assurer le renouvellement de la « classe politique » et le régime politique, parlementaire ou présidentiel, la stabilité et l'efficacité des formes de gouvernement, quel est, du point de vue sociologique et historique, l'évolution des systèmes politiques, qui puisse instaurer le maximum de liberté et de démocratie, la meilleure représentativité du corps politique et, au fond, la plus grande sécurité d'un pays,elle même indissociable du maximum de prospérité et d'opportunités pour les citoyens et du développement économique et social pour le pays ?

STABILITE ET EFFICACITE DES REGIMES POLITIQUES

La stabilité d'un régime politique se mesure à sa durée, ainsi qu'à la continuité de son action. L 'une des raisons de l'inefficacité d'un gouvernement est la discontinuité et l'instabilité de son action, symptômes sans équivoques de sa faiblesse. En effet, le premier objectif de tout gouvernement est de rester au pouvoir et de durer. Le deuxième objectif est de satisfaire aux exigences de son programme et donc indirectement à l'intérêt général de la société. Les contraintes constitutionnelles de la durée sont multiples et supposent un accord entre le système des parties et le cadre de la constitution.

Or, le cadre constitutionnel tend à la satisfaction des attentes à long terme de la société tandis que le système des partis est l'expression des préférences conjoncturelles de l'économie et des opinions, en matière de bien être et de progrès social. Ainsi la structure des besoins s 'exprime dans une dialectique où l'élément de continuité est représenté par le sommet de l'État et l'exigence d'adaptation par le système des partis. La dualité des pouvoirs et des élites, socio-économiques d'une part et politico-administratifs de l'autre, engendre une relation de coopération que la stabilité du gouvernement, plus aléatoire en régime démocratique, doit assurer en permanence.

La paix apparente dans le domaine social ou les conflits incessants dans l'ordre politique ne sont, ni l'un ni l'autre, propices au bien-être des sociétés et à la « félicité » des citoyens, félicité dans laquelle a cru la philosophie optimiste de la première moitié du XXème siècle.

La stabilité d'un régime de gouvernement est assurée d'abord par l'ordre constitutionnel comme en Grande-Bretagne ou aux États-Unis.

Au Royaume Unis en effet la stabilité de l'exécutif repose sur la majorité parlementaire et la « formule politique » opère de manière stable tant que cette majorité existe. Aux États-Unis, la stabilité de l'exécutif est assurée par la durée quadriennale de la Présidence, et celle-ci n'a de limite que dans la procédure d'« impeachement » du Chef de l'Exécutif. Or, la discipline ou l'indiscipline des partis et le jeu, positif ou funeste des ambitions, dépendent de l'autorité du pouvoir et celle-ci en large partie de sa stabilité. En réalité la stabilité peut être un facteur d'efficacité dans l'action du gouvernement car elle favorise la promotion politique des opposants en atténuant leur virulence et marginalisent les irréductibles qui sont ainsi isolés dans un rôle de dénonciation et dans une impuissance fondée sur la surenchère.

La lutte pour le pouvoir favorise-t-elle l'esprit conservateur ou, au contraire, l'esprit de progrès ?

Une des raisons de l'inefficacité dans l'action des gouvernements repose sur un contraste culturel entre deux types d'élites, les élites administratives, incapables de s'adapter à l'esprit de réforme permanente de la société moderne, et l'esprit des élites manageriales formées à l'ouverture et aux nouvelles règles de la mondialisation, qui coopèrent plus dans une même volonté d'adaptation de la société .

Ainsi à une polyarchie sociale de type dynamique s'oppose une bureaucratie étatique, autocratique et conservatrice, hostile à toute forme de mutation. L'inefficacité et l'inadaptation se situent dans ce cas du coté de l'appareil d'État, si bien qu'une attitude conservatrice, également liée au « status-quo » se retrouve au sein de la société, auprès des bureaucraties d'appareil et des oligopoles sociaux comme les structures syndicales. Ainsi les régimes parlementaires sont traversés, en Occident, par l'action d'hommes, dont les cultures et les styles de pensée et d'action, sont les produits de stratification mentales différentes et dont les conceptions de leur statut et de leur fonctions, reflètent affectivement et intellectuellement deux types d 'historicité différentes et souvent en opposition. Ils vivent en somme deux avenirs, où la partie conservatrice se situe du coté du rêve et d'un imaginaire illusoire.

EFFICACITÉ ET MORALITE EN POLITIQUE

Les recommandations de l'efficacité en politique sont dégagées, depuis Machiavel, de toute référence à un modèle et à un idéal moral. L'efficacité est pour le réaliste le dépouillement total de toute préoccupation éthique, surtout en matière de sécurité. La purification du regard d'un a-priori quelconque est elle la condition préalable pour répondre aux problèmes nouveaux auxquels nous sommes confrontés par la réalité? Le dépassement de l'idéalisme moral apparait, dès lors, comme la première exigence pour une réponse efficace aux incertitudes permanentes de la vie historique. Or, l'idée du bien en politique, pousse souvent à la fuite des responsabilités et à la non réponse, en ce qui concerne la recherche de l'efficacité immédiate. Ainsi l'efficacité de Machiavel n'est guère une recette politique mais plutôt un paradoxe et une exigence apodictique sur lesquels se fonde une interprétation active de la réalité, la quête d'un dessein immanent et la réalisation, grâce à la « virtu », d'une œuvre d'art en politique.