LA GRANDE BRETAGNE ET LES LIMITES DE L'INTÉGRATION

Auteur: 
Irnerio Seminatore
Date de publication: 
11/8/2016

LA GRANDE BRETAGNE ET LES LIMITES DE L'INTÉGRATION

Irnerio Seminatore

 

Par ailleurs, la sortie de la Grande-Bretagne de l'UE par référendum ne peut faire oublier que les limites de l'intégration ont été atteintes. En effet, la remise en question de l'élèment unificateur de la coopération internationale et de la matrice théorique de l'intégration européenne – le partage des intérêts exclusifs, met en valeur la force et l'enracinement du concept de « souveraineté ».

Le refus de son partage n'est rien d'autre que la remise en cause philosophique du principe de « raison » et de l'impératif de la « loi morale universelle » de Kant. Les deux référents constituent les fondements de la régulation du système international par la conciliation des interets qui est à la base du principe d'intégration.

En effet, le rejet d'une loi de raison abstraite et en soi radicale, est tout à fait conforme à la tradition coutumière de la Grande-Bretagne, fondée sur le calcul pondéré de l'intérêt national. Elle est aussi contraire à la conception d'un ordre international sans obligations normatives et sans subordination prescriptive, autrement dit à une politique étrangère sans force irresistible de sanction ; une sanction qui demeure aux mains des seules nations souveraines.

Une politique étrangère qui s'inscrit dans le concept de « sécurité collective », où la paix serait assurée par le droit et non par la force et qui laisserait l'interprétation des dangers aux humeurs fluctuantes d'une Assemblée, n'est guère conforme à la tradition du Royaume-Uni.

La conception anglaise de la « légitimité » n'est pas celle, cosmopolite et moderne, de l'adhésion à une technique électorale soit-elle démocratique. Le déficit démocratique n'est rien d'autre que l'exclusion du débat public des thèmes et sujets qui constitueraient autrefois des enjeux de rivalité et qui sont désormais confiés à des autorités administrative ou techniques. La dynamique de l'intégration, fondée sur l'extension progressive des intérêts partagés, et « eo ipso » dépolitisés,ne mobilise pas les sentiments d'appartenance et ne sucite guère l'émergence d'enjeux symboliques, ni la manifestation de « l'intérêt général » des citoyens. Elle n'élimine pas la logique contradictoire des intérêts nationaux concurrents, comme dans le cas du Royaume-Uni, mais érode insensiblement les deux notions d'identité et d'histoire.

Toute forme d'universalisme démocratique et de légitimité, découlant du suffrage, par sa nature variable ne peut remettre en cause une forme de pouvoir et une constitution immanente, non écrite et de type traditionnel qui appartiennent à un ordre immémorable et sacralisé, fondé sur la durée.

La conception anglaise de la «  légitimité » exprime les voeux et les moeurs profonds d'une communauté qui rend logiquement « sceptiques », vis à vis de comportements abstraits, consistants à accepter un transfert du système de décision, loin du bon sens ordinaire qui demeure la base du consentement implicite des« gouvernés ».

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