LE SYSTÈME INTERNATIONAL DE LA MULTIPOLARITÉ A L'HORIZON 2030.

Les trois phases de la transition vers un système multipolaire accompli. Une esquisse de prospective stratégique.
Auteur: 
Irnerio SEMINATORE
Date de publication: 
16/9/2011

SOMMAIRE

 

LE SYSTÈME MULTIPOLAIRE À L'HORIZON 2030

Le texte qui suit vise à instaurer un débat sur le système multipolaire de demain et la vision géohistorique mondiale, pour en saisir l'ampleur et y exercer une action. En amont de ce débat il souhaite ouvrir un nouveau chapitre théorique sur le niveau analytique des relations internationales. En particulier, sur les acteurs essentiels de la morphologie du système bi-multipolariste sur les discontinuités politiques et le sous-système culturel, la distribution de la puissance et les nouveaux équilibres stratégiques dans un monde aux ressources fines.

Il ambitionne de susciter et des contributions de même importance, pour le monde académique et les décideurs politiques, que celui qui caractérisa la réflexion américaine sur les instruments d'analyse de la politique internationale dans les deux décennies 1950-1960, activant un débat entre les deux écoles des « formalisates scientifiques » d'une part et les historiens, politologues et sociologues classiques d'autre part.

C'est une première pierre pour l'analyse appropriée des changements en cours et la transition du vieux système bipolaire, puis unipolaire incomplet, vers une configuration bi-multipolaire, articulée en sous-système régionaux et soumise à un processus de polarisation globale. Nous exprimons la conviction pour tous les acteurs conscients ou non, qu'il n'y a qu'une politique pour les décisions à long terme,celle de l'anticipation, car ce qui est en jeu est de redéfinir la place de l'Europe dans le monde, un monde d'hostilité et de défis grandissants pour la survie de son modèle de civilisation de même de son message.

LES HYPOTHÈSES DE TRANSITION VERS UN EQUILIBRE DE PUISSANCES RELATIVES1

 Toute anticipation politique à long terme, qui ambitionne les hauteurs d'une réflexion géohistorique aura soin de faire recours à trois problématiques essentielles implicites et simultanées:

  1. Systèmique, géopolitique et hégémonique, saisie dans une perspective historique.
  2. Conjoncturelle et globale, dans le sens d'une forte interaction entre multilatéralisme et multipolarité, avec la dominance de la deuxième et dans une dimension comparative.
  3. Stratégique et tactique, validant ou infirmant les rôles de Leadership et d'autorité, joués comme combinaisons d'alliances circonstancielles et permanentes face aux surprises des événements et à leurs répercussions systémiques.

Ainsi la transition de la configuration actuelle à la constellation diplomatique prévisible à l'horizon 2025-2030 peut être repartie en trois phases.

L'analyse tiendra compte des rapports exclusivement politiques, par leur nature compétitifs et conflictuels et se bornera à esquisser les traits saillants d'un système multipolaire où régnera comme toujours la « main invisible » d'Adam Smith, tenue par un État équilibrateur ou à vocation équilibratrice. En effet tout système international n'a pas de sous-système politique, est surveillé par l'intérêt individuel de chaque État et par la « jealous émulation » de chacun d'entre eux.

Les caractéristiques essentielles de ce type de système sont :

  • L'extension possible des rivalités et des antagonismes à tous les pôles et à tous les acteurs.
  • L'accroissement de la fréquence des conflits.
  • Une ambiance internationale pluraliste comme théâtre de tensions latentes et de crises ouvertes.
  • L'hétérogénéité des valeurs et des principes d'action.

Dans des conditions d'interactions croissantes, le « status quo » relatif ne représente plus la situation préférable pour la satisfaction des besoins de changement.

Parallèlement, la coopération ne suffit plus à produire une tendance au rééquilibage des intérêts en termes d'arrangements ou de compromis. En effet et du point de vue paradigmatique, la coopération est seconde par rapport au conflit, car ce qui est essentiel pour un acteur étatique, la maximisation de son intérêt, peut exiger le recours aux armes et ne pas se satisfaire d'un simple principe de partage et de compromis.

Dans ces conditions, la limitation des conflits régionaux ou locaux comme exutoire des divergences et des tensions est délétère pour le système et pour sa stabilité globale et se révèle impossible.

En cas de modification de la position d'un État, l'exigence d'un rééquilibrage est sensiblement réduite et la prévisibilité des mutations est inférieure aux deux autres modèles, de la bipolarité ou de l'unipolarisme.

LES TROIS PHASES DE LA TRANSITION
VERS UN SYSTÈME MULTIPOLAIRE ACCOMPLI
UNE ESQUISSE DE PROSPECTIVE STRATÉGIQUE

Nous essayerons de décrire la modification du système international à partir du 11/9, dont l'impact est davantage perceptible en termes prospectifs et globaux. La périodisation est brossée en trois phases, marquant la transition vers un système multipolaire accompli et en direction d'un monde de puissances relatives. Le sens de ce passage est dans la fin du statut monopolistique de l'Occident sur le monde, exercé depuis quatre siècles vers un pouvoir partagé et un leadership relatif. Ce partage est venu à maturité en 20 ans avec la montée des puissances émergentes.

Première phase (2001 – 2011) :

Il s'agit de la phase qui correspond à la transition du système unipolaire à intégration hiérarchique incomplète, qui a dominé de 1991 à 2001, vers un système caractérisé par le déclin progressif de l'unipolarisme capacitaire et de l'unilateralisme décisionnel. Cette phase a été marquée par l'apparition d'indécisions géopolitiques à l'Ouest et a comporté une tentative de l'acteur dominant de façonner l'environnent international en fonction de sa conception de l'ordre politique et militaire.

Deuxième phase (2011 – 2015) :

C'est la phase actuelle de la conjoncture, lisible dans l'éclipse temporaire d'Hégémon, la réorganisation du système et de la gouvernance globale. C'est une phase d'hésitation stratégique à long terme des acteurs majeurs de la scène planétaire. L'émergence multilatéraliste des puissances moyennes, à caractère socio-économique et virtuellement politique (BRICs), affecte davantage la sphère des relations d'échange que les rapports proprement stratégiques.

Les traits saillants de cette conjoncture se définissent par :

  • La lente disparition de l'équilibre nucléaire de la bipolarité et la diffusion de formes de prolifération régionales contrastées.
  • La décomposition symbolique du moment unipolaire américain, par l'épuisement de sa volonté de primauté et par la surextension géopolitique et stratégique de ses forces.
  • L'émergence de différenciations institutionnelles au sein des grands ensembles supranationaux (UE, OTAN, ONU, etc).
  • L'influence grandissante des divisions politiques dans les options des camps euro- atlantique et asiatique (Méditerranée, Grand Moyen Orient, Golfe, Afghanistan, Tibet, India), dictés par la diversification régionale des fonctions d'influence et par l'incapacité d'Hégémon d'imposer un ordre planétaire contraignant.
  • La multiplication de conflits asymétriques, des guerres ethniques, culturelles, séparatistes, etc.
  • Le brouillard de la « guerre globale contre le terrorisme » et ses sanctuaires.
  • La dominance culturelle de l'Occident mais métissée et relativisée.

Troisième phase (2015- 2025/30) :

Affirmation d'une ère d'interactions intercontinentales fortes, transatlantiques, trans-eurasiennes et trans-pacifiques, caractérisées par un équilibrage serré de « puissances relatives ».

Il en résultera un nivellement du pouvoir international et un réalignement politique et stratégique général, par des rapprochements capacitaires significatifs et par des diffractions diplomatiques en ce qui concerne les nouvelles affirmations de puissance et la redéfinition, cognitive et opératoire, du pouvoir international (Hard, Smart et Soft Power).

Les traits prévisibles de cette phase seront :

  • L'accomplissement de la transition vers un monde multipolaire influent et l'aiguisement des rivalités qui avivent les luttes pour l'hégémonie au niveau global.
  • L'établissement d'une série d'équilibres de réseaux, centrés sur l'acteur jadis unipolaire qui s'efforcera d'exercer une forme adaptée d'arbitrage du jeu international ou de « Global Leadership », par une politique de « Linkage stratégique » dans les différents systèmes régionaux, au lieu de la « Global dominance » du système du passé.
  • L'organisaiton politico-stratégique des poles autour d'un Leader régional (Brésil, Chine, Russie, etc.)
  • Un système de sécurité collective qui échappera en large partie aux organes existants (ONU, OTAN, autres...) et aux instances de gouvernance actuelles (G8, G20), et cela en raison de variations de la « mix security » dans une planète aux ressources fines.
  • Les ambiguïtés et incertitudes des nouvelles « coalitions multipolaires » dans un contexte de bipolarisme croissant (Chine-USA).
  • Les combinaisons croisées de « Balance of Power » pratiquées par les puissances traditionnelles et de « Balance of Threats » par les puissances montantes (comme mélange de menaces et de vulnérabilités).
  • La démocratisation du fait nucléaire (ADM) et la généralisation multiforme de nuisances et de terrorisme.
  • La dominance offensive de la cyber-guerre et des guerres spatiales, qui induit une modification du rapport de force entre attaquants et défenseurs (avec une prime à l'attaquant).
  • L'apparition d'une « compétition des systèmes de valeurs » qui se superpose à la « compétition économique » (fondée sur le couple confrontation/coopération forcée) et à la « compétition stratégique ».
  • L'affirmation d'une ère de grandes incertitudes et de surprises géopolitiques.

Ainsi, le « Hard Power » et le pouvoir démographique redeviendront décisifs et la rémanence de la domination « informelle » de l'Occident sera panachée par des revendications relativistes et symboliques d'autres modèles civilisationnels, d'expression asiatique et sinique.

Le XXIème siècle aura un modèle civilisationnel hybride et comportera une crise d'orientation morale, puisque chaque civilisation et chaque époque culturelle ont leur propre modèle de civilisation qui coïncide avec le moment le plus élevé de leur irradiation culturelle et de leur puissance existentielle et spirituelle.

Cependant, ce modèle est aussi une idéologie politique à vocation universaliste. Autrement dit, un modèle d'integration.

Le nucléaire jouera une fonction de dissuasion classique pour les États, d'emploi effectif et terroriste pour les groupes sub-étatiques et revendicatifs.

Quant au régime de contrôle, les acteurs étatiques prôneront « l'option zéro » et l'élimination des stocks; les perturbateurs (« Rogue States » et groupes radicaux), choisiront la diffusion des têtes, le développement balistique et les armes sales.

Les institutions universelles, de débat, de prévention et de sécurité collective, comme foyers de médiation, d'élaboration de règles ou de leurs contestations (ONU etc), seront reléguées à des missions de sécurité collective, périphériques et mineures, quant à leur réactivité et à la gestion des tensions, toujours imprévisibles.

La distribution des alliances se fera en fonction d'un choix systémique qui discriminera, entre puissances de conservation (ou de « status  quo » relatif) et puissances perturbatrices (revendicatrices ou de changement), et plus concrètement en fonction des formes de polarisations régionales autours d »un « Leader régional».

Ainsi les conflits pour les ressources et la hiérarchie de puissance adopteront cette forme de polarisation, comme référent décisif d'orientation stratégique.

Les grands conflits ne viseront pas toutefois la disparition d'acteurs essentiels, nécessaires aux équilibres de demain, comme la Russie, le Chine, le Japon, l'Inde, l'Indonésie, etc.

Dans ces cas, des prix et des gages seront donnés aux acteurs dissidents des coalitions adverses, au nom d'ajustements compensatoires traditionnels.

Dans ce jeu de rivalités déclarées ou informelles, ce qui compte sera l'affaiblissement historique de l'adversaire et sa mise hors jeu temporaire. Ce qui convient à la puissance équilibratrice c'est de provoquer l'effet déstabilisant favorable à ses intérêts, par simple prolongement des tendances en cours, ou par adaptation de celles-ci, ou encore par recours à des formes de subversion induites.

En termes de prévision politique, le principe fondamental sera l'identification du facteur déstabilisant et de l'acteur perturbateur, afin de pouvoir agir sur les deux, dans un cadre régional, politique et organisationnel et selon une stratégie indirecte qu'exige désormais un contrôle sur le Web. Cette stratégie va susciter, en tache d'huile, des formes de révolte qui constituent les aspects modernes et subreptices de l'intervention étrangère et de la dissidence interne bref, l'école cosmopolitique de la politique et le parti de l'étranger.

STABILITÉ ET MODÈLES THÉORIQUES
POLARITÉ ET POLARISATION

La composition des pôles et les alliances entre pôles seront la résultante politique:

  • des rivalités et incompatibilités innombrables;
  • de la configuration des forces prêtes à combattre;
  • de leurs ressources, capacités et principes
  • du type d'équilibre qu'ils jugent plus stable et plus sûr pour leurs intérêts et valeurs

En fonction du premier point, un système à 4 pôles continentaux ( Europe, Russie, Chine, Inde) et trois/4 insulaires (USA, Japon, Brésil + Amérique du Sud et Australie) est prédéfini par l'importance de l'Eurasie, comme foyer de rivalités et axe géopolitique du monde et par le maintien d'une communication intercontinentale entre les puissances de la terre et les puissances de la mer dans les trois océans, Indien, Pacifique et Atlantique.

Des conditions de stabilités imposent d'identifier:

  • le nombre des acteurs essentiels et celui des acteurs non essentiels dans le système de demain, éventuellement le rôle de « l'équilibrateur », s'il existe, puis le nombre des alignements plausibles et le type de statut souhaité par les puissances de revendication ainsi que les gains ou l'augmentation de ressources exigés par les «have not»
  • marginalement sont à préciser les ajustements territoriaux revendiqués par des acteurs insatisfaits ou les ambitions des acteurs « pivots » vis à vis des alliés mineurs et des Etats périphériques ou marginaux.

La stabilité d'un système découle essentiellement du type de coopération politique entre les acteurs majeurs mais aussi du marchandage stratégique quant à l'élimination des acteurs mineurs sur l'hôtel de la règle de l'équilibre.

Au nom de cette règle,la stabilité , les alliances doivent être compensées au niveau global ( système) ou dans les différents sous-systèmes régionaux, pour éviter l'émergence de contradictions destabilisantes en mesure d'influer voir de modifier les alignements (Corée du Nord versus Chine; versus Fédération de Russie; Vietnam versus Chine; Afghanistan versus Pakistan).

Le rôle de l'équilibrateur entre pôles ou acteurs majeurs (d'arbitrage ou d'intégration élastique et limitée), ne peut être joué par une puissance continentale essentielle. Dans ce cas changerait le statut de l'acteur de médiation qui deviendrait ainsi un acteur prédominant à intégration hiérarchique, modifiant la configuration du système.

Ainsi l'Allemagne et non la Russie, la Chine et l'Inde ne pourraient entrer dans une alliance dont le poids, régional ou global, serait prépondérant et menaçant pour la stabilité du système dans son ensemble ou pour la hiérarchie de puissance globale, qui résultait d'une pareille coalition. Cette dernière ne serait pas sans effet sur le comportement des autres puissances, suscitant immédiatement un mouvement déstabilisant et une tentative de rééquilibrage aux perspectives incalculables. Ainsi un système multipolaire peut comporter une alliance entre deux acteurs essentiels pour en éliminer un troisième, non essentiel, à condition que le gain géopolitique ne constitue pas une menace importante pour les autres acteurs du tout.

Par le passé les puissances insulaires ont fondé leur pouvoir sur la liberté des mers. Or, la puissance maritime et son pouvoir d'intimidation, de coercition et de dissuasion a profondément changé depuis l'apparition de la guerre verticale et dans les nouvelles conditions d'utilisation de la balistique et de l'atome aux combats océaniques.

Ainsi, c'est la Balance of Power globale qui influence les spéculations sur les alliances et sur les alignements d'aujourd'hui, en permettant des préfigurer le système de l'après-conflit, (unipolaire, unipolaire souple ou élastique, bipolaire rigide, bi-multipolaire, universel ou à blocs instables).

LA MULTIPOLARITÉ
UNE TRANSITION AUX MULTIPLES INCONNUES

La multipolarité représente- t-elle une solution adéquate aux conflits fondamentaux d'un système international qui tend vers cette morphologie générale ?

La longue transition de la bipolarité vers l'unipolarisme à intégration incomplète, puis au système actuel a comporté des situations dissemblables.

Celle d'abord d'un bipolarisme rigide où la violence internationale était contrôlée, puisque, quand il existe seulement deux puissances, il n'y a pas de périphérie et que la permanence de conflits limitées et de confrontations périodiques rend plus stable la logique de l'équilibre.

Des facteurs de stabilisation non négligeables étaient représentés par des manifestations périphériques, de pressions et des crises, ayant pour fonction de confirmer la centralisation de l'équilibre bipolaire.

Dans les conditions de la bipolarité, la puissance prépondérante des deux supergrands ne considera pas la « perte » de la Chine, qui se réalisa en 1949 pour les États-Unis et en 1962 pour l'URSS, comme un élément décisif de l'équilibre général et de la stabilité militaire atteinte.

La « crise » de Cuba et les techniques de contrôle induites ont été considérés comme des facteurs de stabilisation de l'ordre bipolaire, malgré la politique des risques calculés. Les deux puissances et, en particulier les États-Unis,trouvèrent des instruments de compensation interne (innovation, développement économique et programmes d'éducation scientifiques) aux mutations extérieures de l'équilibre international.

Cependant, les mutations de la puissance militaire internes des deux pôles n'arrivèrent jamais à compenser l'importance d'une amputation géopolitique majeure externe comme celle de la Chine dans les années 60 ni celle de l'URSS, de l'Europe et de l'Allemagne, dans les années 90. Il en résulta une exigence de rééquilibrage du système.

La liberté de conception et d'action acquise par les États-Unis suite à l'effondrement d'un pôle a été utilisée dans quatre conflits de grande intensité ( Afghanistan I et II et Irak I et II) qui ont démontré la vulnérabilité à long terme de la puissance dominante et ouvert une période caractérisée par une augmentation considérable des incertitudes.

Le retour de la Russie et l'accroissement de la puissance chinoise, induisant une augmentation des budgets et des efforts de défense d'autres pays asiatiques ( Inde, Japon, ASEAN, Chine, Australie) ont produit un effet compensatoire mais non rééquilibrant aux détriment de la puissance américaine.

Ils ont introduit la notion de « puissance relative » dans un monde projeté vers l'égalisation des pouvoirs. Or, cette relativisation et l'incertitude sur la morphologie générale du système de demain et sur le type de rivalités et de conflits prévisibles, a engendré le syndrome actuel et peu durable « d'hésitation stratégique » des grandes puissances.

MULTIPOLAIRTÉ ET STABILITÉ

En règle générale, le système multipolaire est plus équilibre du système bipolaire, car il attenue l'importance du conflit entre pôles ou groupes de pôles, mais il ne produit pas nécessairement de la stabilité.

Celle-ci résulte d'abord du climat international ambiant et de l'orientation de la diplomatie des pôles vers plus de revendications et de changements ou vers plus de conservation et de prudence et découle d'autre part de la difficulté des calculs et des incertitudes d'un nombre élevé de combinaisons possibles dans les alliances militaires praticables.

Il est acquis, pour les acteurs essentiels du système, que la multipolarité ne peut signifier en aucune raison une diffusion nucléaire partielle ou incomplète.

Les aspects multipolaires de l'ambiance internationale ne favorisent pas, mais feignent de tolérer, des transferts de fidélités politiques (révoltes arabes et nouvelles allégeances politiques). La stabilité d'un système multipolaire est déterminée par la disponibilité d'alliés multiples face à l'hostilité ressentie vis à vis d'un acteur et par la possibilité de donner des réponses différentes à des menaces ou à des défis différents. Les conflits peuvent être limités, partagés ou diffus avec uniformités entre les pôles et, par conséquent, contenus en intensité.

Cependant et c'est une objection fondamentale, un système fondé sur des puissances équivalentes ou sur un ensemble de puissances relatives peut, de ce fait, devenir instable, et conduire à la disparition, en perspective, du système multipolaire lui-même, provoquant une diminution des rivaux effectifs et donc un retour à la bipolarité et plus loin à l'unipolarisme.

Selon d'autres interprétations la régionalisation et particularisation des conjonctures et des situations favorise la diversité des conflits, car le conflit n'est rien d'autre que le produit d'une hétérogénéité d'intérêts et de valeurs, non hiérarchisés par la prédominance d'un leader de bloc.

Dans ces conditions le conflit résulte du particularisme du système et de ses tensions virtuellement innombrables.

Ce particularisme disperse les litiges, les mutations et les alignements mais il accroit considérablement les incertitudes qui en résultent et complique la recherche des compromis et le travail diplomatique relatif.

Il complique en particulier l'élaboration politique, les efforts de convergence stratégique entre les acteurs d'un même sous-système culturel et l'interaction entre une multiplicité incalculable de variables indépendantes. Tous les systèmes comportent une tendance vers la hiérarchie des valeurs et des intérêts et des systèmes peuvent revêtir ainsi une forme démocratique ou autoritaire et façonner différemment un système plus intégré et solidaire (bloc de l'Ouest à époque bipolaire ou l'UE à l'heure actuelle ) ou autoritaire ( bloc de l'Est à l'époque soviétique), autrement dit, deux variantes de la forme de l'Empire (la démocratie impériale des États-Unis ou intégration démocratique soft ou smart de l'UE) et une forme hiérarchique l'Empire Britannique, l'Empire français, la Fédération Yougoslave ou l'Union des Républiques Fédératives et Socialistes (URSS).

CONFLICTUALITÉ ET SYSTÈME MULTIPOLAIRE HYPOTHÈSE DE CONFLITS OUVERTS ENTRE PÔLES

Cette possibilité n'est pas nulle, bien que l'occurrence de conflits régionaux ou locaux soit plus diffuse que dans un système uni ou bipolaire. En effet, les intérêts de la pluralité des acteurs sont supérieurs à ceux des parties belligérantes et la violence peut être ainsi absorbée, court-circuitée et enrayée.

Dans un système multipolaire, les allégeances ou les loyautés seront limitées aux règles et aux principes établis dans les alliances permanentes (plus homogènes) ou dans des « alliances ad hoc » (plus hétérogènes) et ne constitueront pas un choix de camp.

Ainsi les divergences politiques peuvent être interprétées comme des manifestations d'indépendance et comme des divergences d'intérêts essentiels et seront susceptibles de donner lieu comme telles à des interventions de la force militaire et à des manifestations de violence autonomes.

Dans l'hypothèse d'un conflit ouvert et en cas d'affrontement entre pôles, les guerres seront de grandes dimensions, sans fronts, sans frontières et sans limites. Elles seront freinées d'une part, par l'impossibilité de manœuvrer au-delà d'espaces limités, denses et à forte conurbation, et d'autre part, en raison de la prépondérance du contrôle satellitaire et aérien et des fortes capacités de paralysies, provoquées par des pannes et des attaques informatiques de grande envergure, ou par des frappes balistiques et satellitaires.

Les guerres multipolaires seront des guerres eurasiennes et intercontinentales, dans lesquelles un Nouveau Monde ne s'avancera plus pour secourir et libérer l'Ancien, parce qu'il n'y aura plus un ennemi unique et absolu contre lequel faire croisade et par la difficulté du réunir des grandes flottes, devenues extrêmement vulnérables. Ainsi les contingents prépositionnés et les alliés géopolitiques continentaux des Leaders d'alliance ou de bloc ennemis et/ou rivaux, auront pour fonction de combattre les guerres régionales, en terrains favorables aux guerres locales, aux petites guerres et à la guérilla métropolitaine qui engloutit des efforts immenses en hommes et en matériels.

Dans ces conditions, le déplacement des ressources imposés par le défi de l'emporter, sera une occasion de combattre sans limites plutôt que de négocier.

La guerre sur les arrières de l'adversaire sera liée à la transformation du conflit en guerre de mouvement. Elle prendra la forme de guerres subversives, parallèles et psychologiques, de guerres d'embrasement ou de tactiques du «rezzou ». En territoires occupés pèsera sur l'occupant l'esprit de résistance ou la lourde désespérance du peuple. Le contrôle aérien sera décisif pour clouer au sol les adversaires et paralyser son mouvement, mais aussi pour acquérir de la profondeur stratégique niée par la géopolitique.

Globalement il s'agira de combats raillés sur l'ennemi, les lieux, les forces, l'idéologie, ou les motivations. Les variétés de petites guerres et de grandes guerres, grandes alliances et petites alliances mêleront des entreprises guerrières colossales et des petites entreprises isolées.

Les théâtres décisifs seront ceux de l'Extrême Orient, de l'Asie du Sud-Est et du Sub-Continent indien. Des régions entières d'Asie et du Golfe passeront plusieurs fois de main, en raison des variables des intérêts géostratégiques et des alternances des offensives et des défensives.

Cette nouvelle géopolitique du conflit sera dictée par la distinction des camps et des théâtres, Nord-Sud, Est-Ouest, terre et mer, mer et ciel, réel et virtuel, planétaire et local, préhistorique et post-historique.

L'interruption des approvisionnements énergétiques aiguisera la guerre sous-marine et rendra extrêmement couteuse la guerre de position, qui a été pourtant le modèle stratégique des deux derniers conflits, commencés par des Blitzkrieg et par des campagnes de mouvement. Une série de grands événement marquera la « surprise » de la guerre, car chaque belligérant entrera alors dans l'enfer de l'autre.

La guerre entre pôles marquera profondément la composition civilisationnelle et démographique de la planète et représentera un arrêt dans l'évolution de certain pays. Ceci en raison des destructions des grandes infrastructures et de la double écatombe prévisible, des jeunes générations au combat en âge de proliférer, et des populations vieillissantes, abandonnées à elles mêmes au cœur des affrontements. Elle rendra inhabitables de vastes étendues urbaines, en proie aux embrasement des camps adverses. Les génocides et des destructions massives seront, comme toujours, les lots du conflit et les résultats des avancées des lignes de combats et des renversements de front. Plus en général, de régression et de rajeunissement de l'espèce humaine, car prévaudront, dans plusieurs espaces de la planète, les lois de la sélection naturelle et du darwinisme social.

Ainsi s'accélérera le déclin des vieilles civilisations devenues décadentes et la montée d'une barbarie primordiale, plus âpre et plus adaptée pour assumer les reines de la nouvelle ère des relations internationales. En effet, il n'y aura pas demain de guerre déclarée, car le « struggle for life » est permanent et peu compatible avec les protocoles des régimes politiques « discutidores ».

Vaincre, ça sera survivre, ne pas succomber et porter au plus haut niveau la détermination de perdurer dans l'être, avec l'espoir de contredire la fatalité historique et le « tragos » immanent.

Dans la phase intermédiaire (ou actuelle) et au-delà d'une ambiguïté permanente, prévaudra une diplomatie de la coercition (Schelling) sur une diplomatie de l'apaisement, afin d'obtenir un gain ou une satisfaction d'intérêts essentiels, conformément à l'un des principes de Kaplan sur le modèle de l'équilibre. La diplomatie des puissances maritimes ou insulaires devra manœuvrer par lignes internes afin de s'assurer de l'alliance des puissances continentales et de l'appui des têtes du pont péninsulaires (le Rimland mondial). L'effort des puissances terrestres sera en revanche celui de rompre l'encerclement et de vivre en autarcie pour s'assurer l'accès aux océans. Dans ce dernier cas, les puissances terrestres préféront combattre plutôt que négocier. (M. Kaplan)

SCÉNARIOS DE BELLIGERANCE ENTRE PÔLES CONTINENTAUX ET PÔLES INSULAIRES

Cet exercice est totalement hypothétique et décrit des événements possibles (et non improbables). Il ne vise pas à obtenir un accord mais à susciter un débat.

Le scénario de belligérance proposé esquissera les grandes lignes d'un conflit entre pôles, lisible politiquement entre acteurs essentiels du système, sans faire intervenir le déroulement des opérations militaires et l'utilisation des armes nucléaires, qui demeureront éventuellement tactiques, pour l'impossibilité de mesurer les effets de leurs emplois sur les théâtres d'opération civils et militaires et leurs répercussions psychopolitiques et sociales.

Le scénario décrit abstraitement un conflit combattu avec les armes qui existent et avec des cultures et des plans du temps présent. Il invite à réfléchir à l'Histoire, à la stratégie, à l'art de la guerre et à l'interconnexion du politique et du militaire en ce qui concerne les grandes décisions.

Enfin pour prévenir les crises et gagner les épreuves suprêmes il puisse à considérer les alliances et les coalitions en leurs sens existentiel profond, comme des gains ou des défaites, autrement dit comme des piliers de la paix et de la guerre.

Ce scénario a un but euristique, car, exhibant l'hypothèse d'un conflit il exige d'appréhender la situation mondiale dans son ensemble et fait en sorte que l'unité de la conception et les particularités de sa mise en œuvre soient conçues par une même vue prospective et soumises à une même volonté de vaincre.

Enjeux mondiaux

L'origine et l'enjeu du conflit reposent sur la domination de l'Eurasie et sur la transition entravée par les uns et exigée par les autres, du statut monopolistique de la puissance de la part de l'Occident à un statut partagé et à un leadership relatif. Un recul drastique de l'interdépendance conduira à une inversion de tendance de la globalisation et à des replis nationalistes qui raviveront les tensions et les rivalités politiques.

Le retour des États se traduira par un renforcement de la conflictualité et un durcissement et déstabilisation de la relation entre la sphère publique et la sphère privée et une inversion destabilisante entre relations systémiques et alliances régionales.

Fronts -Extrême Orient

             -Asie du Sud Est, Asie Centrale

             -Caucase

             -Asie Mineure

             -Golfe et Méditerranée

 

Espaces

             Terrestre

             Océanique    Mer de Chine

                                   Pacifique

                                   Détroits

                                   Océan Indien

                                   Mer Rouge

                                   Méditerranée

                                   Océan Atlantique

Exo-espace et espace virtuel-

                                   innovation majeure, lieux de surprises stratégiques

 

Buts de guerre/ Dynamiques initiales /Motifs

Des acteurs essentiels réagiront à la modification de la « Balance of Power » et conjointement de la « Balance of Threats ».

Ils répondront à des provocations par des mauvais calculs, par absence de prévisibilité et par surprise.

L'automatisme des réactions et la logique d'entrainement des alliances précipiterons un cumul d'événements et contribuerons à une spiralisation générale des actions et des réactions.

 

Logiques régionales et convergences stratégiques

Le conflit verra une augmentation des tensions, des gesticulations et des tests capacitaires et la convergence de stratégies multiples aux buts de guerre différents.

Chine

(puissance de changement)

Rompant avec sa politique étrangère traditionnelle, de dissuasion, d'interdiction, d'influence et de non-aventurisme, la stratégie chinoise de poussée vers le sud, « Dragon des Océans », visera à conquérir l'accès aux deux espaces maritimes, Pacifique et Indien, à exclure du continent asiatique les États-Unis, à réduire l'Inde, isoler le Japon et établir un aire de coprospérité, un « Mare Nostrum » chinois de la Corée au Philippines et de la péninsule Indochinoise à l'Australie; un espace de déférence à haut niveau de développement et autosuffisant. Elle visera également à contenir toute tentative sécessionniste à caractère islamiste.

La vision stratégique de la Chine, en « peer competitor » mondial est basée sur l'idée que l'Occident est incapable de lancer une contre-offensive militaire décisive et de grande envergure et qu'il ne résistera pas à un grand choc de l'Histoire.

L'accord de « status-quo » avec la Russie ne sera que temporaire.

En effet après le conflit, la Sibérie Orientale deviendra une terre de peuplement des Hans.

L'Inde ne sera jamais un concurrent et le Japon sera réduit à l'impuissance politique et militaire.

La culture et la civilisation chinoise s'imposeront du Nord de l'Asie à l'Australie du sud, après une gigantesque redistribution du pouvoir international.

Russie

(puissance revendicatrice à l'Ouest et conservatrice à l'Est)

La stratégie russe « Ougarkov » visera trois objectifs.

-stopper la pénétration chinoise en Sibérie Orientale avec des concessions balancées au Japon et un aval étas-unien de l'entente germano-russe

-reprendre l'initiative vers l'Ouest et le Caucase, le Biélorussie, la Moldavie et vers le Sud, l'Ukraine et la Syrie, en direction de la mer Noire, de la Méditerranée et du Golfe

-partager son intérêt pour la Baltique avec l'Allemagne, intimider la Pologne et les Pays Baltes et développer sa prospection des eaux territoriales de l'Arctique

Japon

(puissance révisionniste offensive)

La stratégie « Iamamoto » et l'esprit de « reconquista » de l'Archipel dans une conjoncture favorable aux grandes opportunistes, s'exercera sous la liberté surveillée des États Unis.

Inde

(puissance révisionniste instiguée par un impérialisme pauvre et une démocratie de caste)

Le plan offensif « Pandit Nehru » fera de l'Inde un concurrent de la Chine, revendicatif au Nord du sub-continent et dans l'Océan Indien, fortement tenté par la guerre de mouvement mais incapable de l'adopter sur le terrain.

Turquie et Iran

(puissances révisionnistes et revendicatrices)

La polarisation du monde arabe et persan se fait sur un axe modéré (pro-américain) et sur un axe radical (Liban-Palestine-Irak).

La désagrégation du monde arabo-musulman et un début de démocratisation et d'affirmation (aléatoire) d'alternatives politiques, tentera de faire sortir la région méditerranéenne d'une régression autoritaire et anti-moderne.

Les stratégies turco-iraniennes « Sublime Porte » et « Ayatollah Khomeini » de percée vers l'Asie Centrale et le Golfe, en fonction anti-chinoise (se partageant le capital idéologique de l'islamisme politique, comme alternative de gouvernance pour le monde arabe), viseront à prendre des gages et à protéger des intérêts de sécurité vitaux, pour ces deux puissances non arabes.

États-Unis

(status-quo offensif)

Hégémon opérera la transition d'un dessein idéologique de primauté mondiale à un dessein de status-quo offensif et de leadership relatif.

La stratégie Américaine « Serpent de Mer-Général McArthur » visera le retour des États-Unis en Asie, la dislocation de la Chine et l'élimination de son « peer competitor ».

Son mot d'ordre sera « China first », car changera le principe constitutif de la politique étrangère des États-Unis, autrement dit la guerre globale contre le terrorisme, centré sur l'Axe du mal. L'option chinoise tentera de compenser la perte de légitimité encourue et l'essoufflement diplomatique et militaire consécutifs aux aventures afghane et irakienne. La stratégie générale des États-Unis exprimera une revanche des réalistes (modérés) sur les néo-conservateurs au sein des républicains, qui seront de retour sur le long terme au sein de l'opinion.

OTAN/Union Européenne

(status-quo défensif)

La stratégie Otano-européenne « Winston Churchill » sera une stratégie de contrôle intercontinentale et donc de liaison et de soutien logistique et opérationnel Nord-Sud/ Nord-Est.

L'Europe sera traversée par des dissentions profondes et face au conflit se partagera en trois camps:

-les interventionnistes actifs et euro-atlantiques

(Grande Bretagne, France, Belgique, Italie, Espagne, Pays-Bas, Pologne, Roumanie)

-les attentistes multilatéralistes et pro-apeasement, qui pratiqueront une nouvelle Sonderweg de renoncement, de portée planétaire et suicidaire à long terme

(Allemagne, Danemark, Autriche, Europe Centrale, Suède, Finlande, Pays Baltes)

-les neutralistes et non alignés divers de l'aire orthodoxe, byzantine et slave, otages du localisme et d'une vision marginale de l'Histoire

(Grèce, Balkans Occidentaux et Orientaux)

Ces trois camps instaurerons un nouveau concept d'Occident par rapport aux États-Unis au triple statut: moral, géographique et politique. Ils seront unis par les valeurs mais distincts par la géographie, l'intérêt politique et les stratégies.

Le « mot d'ordre » européen « Rebâtir la Paix » , marquera le double volet, civilo-militaire, de leur but systémique, dans l'Atlantique Nord, l'Euroafrique, le Moyen Orient, l'Océan Indien et préfigurera un intêret européen propre face à l'Est et à l'Ouest, maintenant cependant la « Special Relantionship » avec les États-Unis.

Dans le débat euro-atlantique sur le « front principal » et l'approche stratégique les pays européens prôneront une stratégie périphérique, indirecte et défensive, fondée sur la suprématie navale, le blocus continental et les bombardements stratégiques jusqu'à l'inversion du Schwerpunkt.

Cette inversion marquera le passage à la contre-offensive générale et à la reconquête continentale.

Le revirement de situation sera marqué par l'ouverture de deux fronts terrestres, au Nord avec l'entrée en guerre de la Russie, au Sud-Ouest avec une manœuvre enveloppante venant de l'Inde et de la Turquie et une invasion nippo-américaine de la Korée pointant sur Beijing.

Chronologie

Début opérations

Fronts

Extrême Orient et Asie du Sud Est

Provocation de la Corée du Nord en mer de Chine versus Corée du Sud et versus bases des États-Unis au Japon.

Tentative de compromis (Chine + groupe de contact)- infructueuse

Provocations vietnamiennes dans les Îles Spratleys.

Réaction de la Chine vis à vis du Vietnam. La « leçon » de l'Armée populaire de Chine déborde au Laos et au Cambodge.

L'APC lance des centaines de missiles, puis un corps anfibe sur l'île de Taïwan, comme manœuvre d'allègement, de diversion, de linkage, d'ouverture d'un nouveau front.

Résolutions du Conseil de Sécurité de l'ONU.

Progression de l'APC au Laos, Thaïlande, Myanmar, Malaisie versus Indonésie et Australie.

Volontaires chinois en Corée et mobilisation du Japon.

Accord russo-chinois sur l'intangibilité des frontières de l'Armour.

Accord russo-japonais de stabilisation politique sur le retour de Kouriles et le développement conjoint futur de la Sibérie Orientale.

Déclaration russe sur le règlement général du conflit et sur sa non-participation politique aux opérations en Extrème Orient.

Paralysie de l'OCS.

Pression de la Chine sur le Tibet, le Bhoutan, le Cashemire et l'Inde.

Traité de coopération politique et militaire Chino-Pakistanais en cas d'attaque de l'Inde (l'Afghanistan est intégré au Pakistan).

L'Inde, soutenue par la Russie et les États-Unis attaque simultanément au Nord (Chine) et à l'Ouest (Pakistan).

Elle occupe Madagascar et joue un rôle croissant en Tanzanie et en Afrique Centrale.

Alliance militaire entre la Turquie et l'Iran en fonction anti-chinoise.

La Turquie a les mains libres au Kurdistan, dans une partie de l'Iraq et au Turkménistan.

Les deux se reconnaissent réciproquement des droits d'influence en Asie Centrale.

L'Iran a les mains libres au Liban, dans le Golfe et dans les terres de Tamerlan.

Alignement de l'ASEAN sur les États-Unis.

Les États-Unis exercent un pouvoir d'équilibrage et de leadership intercontinental, inter océanique et inter-théâtres, en termes stratégiques, opérationnels et logistiques.

Ils font obstacle à une alliance politique (mais non à la coopération militaire) entre la Fédération de Russie et l'Allemagne.

Ils soutiennent l'ASEAN, l'OTAN et l'UE, le Japon, la Corée du Sud, l'Australie, les Philippines, l'Indonésie, l'Indochine et le Golfe.

Ils exercent les trois pouvoirs (Smart, Hard et Soft).

-Ils prônent (en vain) une stratégie générale intégrée et un commandement unique.

 

Indochine/Asie du Sud Est/Mer de Chine méridionale

 

Dans une situation de remise en cause générale, la poussée de l'APC vers la péninsule indo-chinoise (Myanmar, Laos, Thaïlande, Cambodge, Malaisie) et en direction de l'Indonésie, gagne en profondeur.

La manœuvre se déploie sur trois axes:

-à l'Ouest, en soutien au Pakistan et comme pression sur le nord de l'Inde. La percée conjointe Bhoutan/Myanmar aura pour but de prendre en tanaille l'Inde et de couper en deux l'Union Indienne

-au centre, sur la verticale de Singapour, visant à conquérir l'Indonésie et à menacer d'invasion l'Australie

-à l'Est, d'opérer un Linkage stratégique Djakarta-Taïwan via Manille, en remontant vers les Philippines par le sud et en opérant la jonction Taïwan, Manille, par une grande opération aero-navale.

L'impossibilité de faire face à la Corée du Nord, renforcée par la Chine, conduira, dans un premier moment, à l'isolement du Japon soutenu par les États-Unis.

Confrontée à cette expansion la riposte occidentale s'appuiera sur trois bastions, l'Inde, l'Australie et la Nouvelle Zélande conjointe, et le Japon.

L'espace des rivalités s'étendra et l'expansion de l'Empire du milieu apparaîtra durable et préfigurera une colonisation de peuplement. Se dessineront ainsi des alliances de civilisation à trois figures, Orient, Occident et monde islamique.

Caucase, Front de l'Ouest, Proche Orient

La Fédération de Russie, qui aura stabilisé ses frontières à l'Est, activera ses ressources militaires en Biélorussie, Ukraine, Moldavie, Caucase du sud (Géorgie, Arménie, Azerbaïdjan). Elle intimidera les pays baltes et la Pologne et resserrera ses liens avec le Kazakhstan, l'Ouzbékistan, le Kirghizistan et le Tadjikistan.

Elle soutiendra la Syrie et essayera de percer en Méditerranée, à Chypre et dans le Golfe.

À cause de l'impossibilité d'arriver à la paix et de stabiliser la région, Israël occupera Gaza et le Liban, le Sinaï, jusqu'au Canal de Suez, qu'il tient sous son contrôle, aggravant ses tensions avec la Turquie qui aspire depuis longtemps au leadership régional.

 

Europe Occidentale

Une prise de conscience existentielle quant au nouveau statut de l'Europe, oscillant entre neutralisation et apeasement, accroitra le fossé entre les États-Unis et l'Europe.

En Europe l'Allemagne pratiquera l'appeasement.

Elle appuiera militairement la Russie, gagnera en influence dans les Pays Baltes, les Pays Nordiques et la Baltique et signera le « Pacte de stabilité Nordique », une révision élargie du « Triangle de Weimar ». Des ingénieurs et travailleurs allemands repeupleront la Volga et le Yenissei.

La RFA acquiert un droit de regard et d'influence dans les Balkans Occidentaux et Orientaux jusqu'au Caucase, à Chypre et en Égypte.

S'ouvre ainsi une nouvelle page de coopération de l'Allemagne avec l'Afrique, avec l'emploi d'un minimum de moyens militaires (intégrés dans l'OTAN).

La France, la Grande Bretagne et l'Italie se réconcilient avec le nord de la Méditerranée et son arc permanent d'instabilité, mais aussi avec l'Afrique et domptent avec difficultés le monde arabo-musulman. Ils envoient des corps expéditionnaires dans les différents théâtres pour apporter leurs engagements aux alliés et être présents aux tables de négociations futures. L'Égypte rééquilibre la Turquie, s'étend vers le Soudan et la Libye et menace à nouveau Israël.

L'Espagne devient une plateforme politico-militaire euro-américano-africaine et une importante base logistique arrière, se partageant avec l'Italie et la France le contrôle de la Méditerranée à l'embouchure de l'Atlantique.

L'OTAN et son action extérieure

L'OTAN et l'UE opéreront la conjonction des cinq mers, Caspienne, Mer Noire, Méditerranée, Golfe et l'Océan Indien, en assurant la coordination stratégique et les Sommets navals des pays membres, pour redessiner les cartes océaniques et les voies énergétiques de demain.

L'OTAN et l'UE fonctionneront comme les intermédiaires essentiels entre belligérants et non belligérants, le Nord et le Sud, l'Est et l'Ouest et organiseront la reconstruction de l'après guerre en jetant les bases d'une « gouvernance mondiale » fondée sur le co-developpement durable  p { margin-bottom: 0.08in; }et en projet de reconstruction écologique mondiale.

Les deux Ameriques

Dans le continent Nord-Américain s'ouvrira la page de la démocratie sociale et postimpériale.

Les États-Unis comme « societé-monde », tenteront l'unification des deux Amérique sous l'hégémonie assouplie des WASP, restaurée et éclairée.

En Amérique Centrale et Méridionale le Brésil prendra l'initiative d'une médiation entre les nationalistes bolivaro-castristes et les adeptes néo-libéralistes des pays émergentes, mais l'impasse de cet effort conduit à un conflit inter-américain d'envergure, où ne pourra jouer à plein le pouvoir équilibrateur des États-Unis, dont le gros de l'effort sera porté vers l'Asie, la Méditerranée Orientale et le Golfe.

Une nouvelle géopolitique naîtra ainsi dans les deux Amériques de cette entreprise de stabilisation du monde conduite sous l'égide des États-Unis.

L'absence d'une philosophie intégratrice et universaliste, l'ampleur du mouvement, la multiplicité des intérêts et des ambitions, l'importance de l'effort demandé à la Chine, qui fera figure d'ennemi principal dans la lutte pour l'hégémonie, fera éclater les inégalités économiques, géopolitiques et sociales internes à l'Empire du milieu et conduira à une nouvelle organisation de l'Extreme Orient, de l'Asie du Sud Est et des relations planétaires entre les deux Occidents (États-Unis et Europe) et le reste du monde.

In fine, la multipolarité émergente sera celle des « puissances relatives » et d'une coopération intercontinentale et globale provisoire et plus équilibrée au plan démographique et des ressources.

SUR LE PRINCIPE DE COOPÉRATION

  Le principe de la coopération, au sein d'un système façonné par la rivalité est second, en termes paradigmatiques et conceptuels. En effet, chaque acteur conçoit la coopération comme un accroissement de ressources ou comme une maximisation de l'intérêt, qui peuvent être obtenus par la sphère ordinaire de l'échange ou par d'autres moyens.

   Ainsi, toute option d'accroissement de ressources ne peut exclure à priori un conflit. Dans les six règles essentielles qui constituent pour Morton Kaplan les principes inspirateurs du comportement du système, seulement le premier « Accroitre ses propres ressources mais traiter, plutôt que combattre », subordonne le conflit à la négociation. Les règles sont considérées tantôt comme descriptives, tantôt comme normatives, à condition de respecter le principe fondamental de la stabilité du système.

   Ainsi, le « principe de l'intérêt » comme règle contraignante du comportement étatique conduit, par le biais d'une interprétation « raisonnable » de la politique, à la modération, à la coopération et au compromis. L'interprétation politique modérée ou radicale constitue ainsi la variable d'orientation, tout à fait aléatoire des acteurs, sur fond de déterminismes historiques de type violent et primaire.

   À la lumière de ces considérations les unités politiques oscillent toujours entre, d'une part la prudence, la modération et la retenue, de l'autre l'aventurisme, la perturbation et l'excès violent.

   Quelles sont donc, dans la perspective considérée, les possibilités de la coopération internationale face à la pression de la rivalité et à la récurrence des crises et des conflits, résultant du choix de la modération et de la retenue ?

   L'ordre des changements, influant sur l'équilibre de puissance fait référence à des mutations vitales ou non vitales. Quid des mutations vitales, d'ordre historique et systémique ? Les atteintes à la personne nationale et aux forces vives de la nation, les déséquilibres des forces, le contrôle des tensions, le changement d'alliances, l'importance prospective des incertitudes, l'absence de marges de manœuvre immédiates ? Existe-t-il un sentiment partagé selon lequel les tensions internationales pourraient être contrôlées faisant recours à la force, conventionnelle et/ou nucléaire ?

   Par ailleurs, subsistent-ils des espaces géopolitiques dans lesquels émergeront de nouveaux centres de pouvoir ? Le sous-système européen sera-t-il subordonné au sous-système asiatique ou pourra-t-il coopérer avec lui, indépendamment des États-Unis ou sans eux ? Quel sera-t-il, dans le futur immédiat, le poids, dans les relations internationales, des acteurs d'un sous-système européen, asiatique, ou américain, établissant des rapports bilatéraux privilégiés et déterminants pour l'avenir du monde, avec des acteurs essentiels d'un autre sous-système ?

   Les relations inégalitaires entre l'Europe et l'Asie ou entre les USA et l'Asie, caractéristiques du XIX et XXème siècles, seront-elles destinées à rejaillir, « mutaris mutandis », et quel serait l'aspect hypothétique d'un éventuel renversement de celle-ci, au sein du cadre global ? Le système international est-il un système primitif et à peine policé, semblable aux configurations politiques non étatiques et prémodernes, à cause de l'importance accordée à la violence, au lieu de la coopération internationale, y compris en matière juridique et pénale ?

   L'aspect le plus frappant des relations internationales actuelles est celui de la coopération entre souverainetés juridiques et la persistante dichotomie entre la politique interne et la politique extérieure d'un acteur !

   La communauté internationale, « civile » en son principe, part de l'axiome du consensus et de l'adhésion inconditionnelle de chaque acteur à la règle de droit et à la coopération, comme « première valeur » de la société des États. Et encore, comme acquis de la croyance en un bien commun universel.

   Dans ce contexte, l'acteur étatique, en tant que créateur de communautés politiques supérieures à l'État, est lui même le produit de cette reconnaissance et de cette auto-création collective. Il s'agit d'un acteur dont l'intégration au système est imposée avant tout par sa reconnaissance comme « puissance souveraine » par la communauté des États. Les procédures de coopération entre les États seront, elles mêmes, formalisées ou resteront-elles informelles et temporaires, comme le prouvent les institutions de gouvernance nouvellement créées (G7, G8, G20) pour élargir les bases du consensus ?

   Ici la sphère de la légitimité recouvre un espace de coopération de plus en plus large et à caractère fonctionnel. Cependant, la condition d'efficacité des normes édictées par ces instances de coopération internationales, est soumise au principe théorisé par Hans Kelsen dans sa « Théorie pure du droit », selon lequel « une norme est efficace et valide, à condition que l'ordonnancement juridique auquel elle appartient soit, dans son ensemble, efficace ».

   Dans un monde aux souverainetés multiples, la stabilité de la politique internationale demeure méta-juridique, car elle dépend, comme la coopération internationale sur laquelle elle est fondée :

  • de la structure de pouvoir du monde ;

  • des forces traditionnelles prépondérantes, dans chaque conjoncture régionale, et en chaque moment historique,

  • des forces conservatrices et des constellations diplomatiques complexes et changeantes ;

  • puis encore de la « règle d'or » permanente, selon laquelle le système des acteurs n'accepte que des augmentations limitées des ressources, des pouvoirs et du prestige de la part de l'un des acteurs de l'ensemble.

   Ainsi, dans des conditions de changement, l'accroissement lent et inexorable des ressources, la disparité des régimes et des croyances et l'hétérogénéité profonde des philosophies et des convictions divisent et regroupent les familles d'acteurs, sous forme de coalitions ou d'alliances homogènes, pour imposer une « limite » à l'émergence d'acteurs perçus comme perturbateurs et hétérogènes. Et cela au nom d'une hiérarchie d'intérêts, conjoncturels et/ou historiques.

COOPÉRATION ET STABILITÉ

SYSTÈMES STABLES/SYSTÈMES INSTABLES

Le consensus est le premier fondement d'un système stable et la coopération en est l'expression sociologique évidente. L'absence de consensus, et donc de « légitimité », engendrent un système instable, caractérisé par une incompatibilité entre les différents buts de la coopération.

    Or la fin d'un système « stable », qui est plus institutionnalisé de son équivalent « instable », est déterminée par une série d'ajustements conjoncturels et commence par une détérioration progressive des conditions établies de la coopération, auquel s'ajoute un facteur de blocage et de rupture ou une perturbation soudaine, ayant un impact régional diffus (révoltes arabes en Méditerranée).

   Le facteur additionnel de rupture (intervention étrangère, révolte soudaine, idéologie révolutionnaire, etc) conduit à la fin d'un système d'équilibres instables et aboutit à une guerre générale.

   Dans un monde aux souverainetés multiples et en mutation constante, le système de l'équilibre limite les objectifs des acteurs principaux à des augmentations tenus de pouvoir et de prestige et prévient les alliances idéologiques et religieuses, radicales, perturbatrices ou transnationales, à caractère révolutionnaire.

   Les coalitions sont constituées dans le but d'interdire à un acteur de troubler la stabilité ou les conditions qui garantissent l'adoption des mêmes principes et des mêmes valeurs. Or le « point de rupture », dans les équilibres de pouvoir entre coalitions, se dessine toujours tout au long de la ligne d'hétérogénéité, politique et culturelle, ou de la disparité des régimes et de croyances.

   Le principe de la coopération ne peut s'exercer que dans le cadre d'un système de droit, qui reflète le modèle de pouvoir et de culture politiques des acteurs principaux.

   Le droit est également le moyen principal de l'organisation de la coopération internationale, car il fixe les procédures et indique les institutions pour la solution pacifique des différends plus importants.

   La coopération, qui est ainsi rendue possible dans les périodes de stabilité, est assurée par la hiérarchie d'intérêts, fixés par les acteurs principaux.

LE RETOUR DES ÉTATS 

En ce qui concerne la conjoncture mondiale de la deuxième partie du XXème siècle, à la longue période façonnée par la croyance commune d'une coopération croissante, justifiée par l'affaiblissement du rôle des États (1945/1991), correspond une nouvelle phase des relations internationales, successive à l'effondrement de la Fédération Yougoslave et de l'Empire Soviétique (1991-2001).

   Cette période est marquée par le retour au premier plans des États, dans le règlement des controverses internationales, comme facteurs de stabilisation régionale, comme réducteurs de violence et comme freins aux turbulences chaotiques.

   Ce retour des États au sein de l'Union Européenne est dû pour une part à l'imperfection philosophique et stratégique des Traités et pour l'autre aux hétérogénéités culturelles des politiques de crise, radicalisées par l'accroissement de la puissance du « Land des Mitte » qui bouleverse les jeux d'équilibre institutionnels. La vieille structure de la coopération au sein de l'UE s'avère obsolète dans la nouvelle phase de l'intégration européenne.

   C'est désormais une intégration asymétrique et une coopération inégale, qui s'impose dans l'enceinte communautaire, car la chute du Mur de Berlin a été plus importante, pour l'histoire européenne récente, que « Sédan et Sadowa » réunies pour le système bismarkien, induisant un gain politique plus un gain territorial. Ainsi doivent changer, avec l'équilibre de puissance, l'équilibre institutionnel et de conscience de l'Union et les règles de coopération relatives.

   La forme nouvelle du Leadership (auctoritas et potestas, nec imperium), le type d'entente au sein du couple franco-allemand, celle des accords collectifs, nécessaires à refondre l'avenir de l'Europe sur les nouvelles réalités mondiales, sont ainsi les prix à payer pour cette adaptation de l'Europe au monde multipolaire en devenir. Ce changement a besoin de légitimité, d'adhésion volontaire, d'esprit d'anticipation et de vision du monde.

   En effet, avec le retour des États, c'est le retour des nations qui est à prévoir et avec celles-ci le retour aux fureurs nationales et aux révoltes populaires incontrôlables.

   En termes d'analogie historique, le modèle politique c'est Bismarck «et non» Napoléon III, « non » Guillaume II, « non » Woodrow Wilson, « non » Jean Monnet et AA.VV.

   En guise de conclusions, l'analyse de la coopération internationale par le biais du droit rencontre deux limites théoriques : la nature de l'obligation et le fondement de la souveraineté.

   En fonction de la première toute forme de coopération renvoie à une norme ou à un système de normes et donc à la finalité de l'ordre juridique adopté et à la cohérence de ses objectifs. En fonction de la souveraineté, elle sous-tend un cumul de pouvoirs décisionnels et politiques qui identifient une hiérarchie de status, limitant la liberté d'action de certains acteurs étatiques. La « limite » de la coopération sous ce profil est imposée par le pluralisme des juridictions, la multiplicité des souverainetés militaires et la fragmentation politique de la planète.

   À l'échelle globale, la coopération est organisée essentiellement par le marché, par la diplomatie et par les organes informels de gouvernance multilatérale et elle est soumise, dans ses avancées et ses répercussions concrètes, aux compromis obtenus dans ses instances de négociation, par les coalitions d'intérêts qui se dessinent en cours de négociation . Ces compromis sont la résultante des forces de proposition des puissances majeurs du système, mais aussi du caractère contraignant des obligations. Avec cette distinction aristotélicienne qu'un espace d'incertitude s'insère entre le « délibérare », qui a pour objet la forme juridique susceptible d'être appliquée à la concrète différentiation des intérêts et des situations et « l'agere », qui est constitué par l'ensemble du mesures d'application aux domaines juridictionnels, administratifs et budgétaires les plus divers. Or, puisque l'élément central de toute coopération est la culture et le modèle culturel, « l'agere », comme sphère d'application des « intérêts », est empreint par l'utopie juridique du « délibérare », lui même hybride, qui marquera cette période de transition et de crise vers un nouvel ordre spirituel et vers un modèle existentiel de civilisation marqué par une nouvelle foi. Le diable est dans ces espaces d'ambiguités et d'incertitudes, des « espaces demoniaques », dans lesquels on tache de faire coexister l'utopie du droit , l'idée fidéiste de civilisation et la réalité contradictoire de la politique. La furie des temps ne pourra éclipser notre idée de civilisation, ni notre utopie d'unité.

ÉTATS ET COOPÉRATION INTERNATIONALE

L'UNION EUROPÉENNE ET LA COOPÉRATION ASYMÉTRIQUE

À l'extraordinaire dynamique de développement de la coopération et de l'échange international correspond l'effacement de la distinction entre comportement économique (compétition) et comportement politique (rivalité politique et/ou hostilité stratégique informelle).

Cet effacement est dû :

au coût exorbitant d'une hostilité déclarée (mais sous-jacente) ;

  • à la restriction de la sphère de la souveraineté dans les domaines traditionnels d'autorité et parallèlement à sa dilatation dans la sphère économique, budgétaire et monétaire (sur-endettement des États et amplification de la « dette souveraine » susceptible de transformer la décision économique en décision politique).

  • L'extension à la politique économique de la sphère de la légitimité classique.

Cette dernière prend la forme d'une adhésion des citoyens et des opinions à des choix de développement et d'emploi de la part de l'État. Cette tendance correspond partiellement à la globalisation et à l'interdépendance des structures productives et commerciales, mais également à la démocratisation de la sphère du contrôle politique sur les politiques de croissance, qui reste nationale.

En effet ce contrôle n'est plus un contrôle de légalité des actes et des décisions, ou de constitutionnalité et donc un contrôle de compétence, mais une forme nouvelle de « consensus » ou de censure, dans un domaine qui était exclus autrefois de la « majestas » de l'Ètat, celui de l'adhésion politique à la formule de gouvernement ou à la nature de la décision.

Par ailleurs, la coopération proprement politique se rétrécit à la sphère des relations entre acteurs nationaux et acteurs internationaux :

  • États-Nations et Nations Unies, ou autres organisations de sécurité. (OTAN, OSCE, OCS, ASEAN, etc.) Cette coopération est subordonnée à la résolution de controverses politiques et au recours aux dispositions qui on trait aux conflits, à la violence armée et aux mesures d'auto-défense.

  • États et autres États de la scène planétaire. Elle concerne de plus en plus la sphère diplomatique et stratégique et donc les relations bi-multilatérales. En ligne générale, le coopération politique et diplomatique se distingue de la coopération économique (multilatérale et globale), car cette dernière est largement transnationale et privée et produit de l'interdépendance financière, productive et d'échange. Celle-ci politise les aspects monétaires et régaliens (étatiques), en spécialisant et neutralisant les domaines de la réglementation multilatérale et l'application des conventions établies. Ainsi l'ambiguïté de l'organisation internationale laisse fondamentalement inchangé le système, dont les grandes décisions dépendent toujours des États et de leurs souverainetés militaires.

  • La pluralité des unités politiques dans le monde, environ deux cents, n'ont ni une conception commune de la démocratie, ni de la légitimité et encore moins de l'organisation économique et sociale.

  • Cela est évident au sein de l'organisation des Nations-Unis et dans le cadre des organisations supranationales à caractère régional (Union Européenne inclue). Or la fondement d'un système de droit (interne ou international) demeure l'obligation.

  • Cependant la base de l'obligation commune à tout système de droit ainsi que de toute fonction de coopération, s'appuie sur la conscience de la part des destinataires de la norme (États ou citoyens) que cette obligation de droit est soumise à la réalisation d'un objectif partagé, qui est la communauté de sécurité mondiale dans le cas des Nations Unies ou l'unité politique européenne dans le cas de l'Europe. Dans ce dernier exemple, la simple coordination économique ne suffit plus à uniformiser le comportement des décideurs, des États et de leurs gouvernements. Or le droit est un moyen en vue d'une fin et l'intentionnalité (ou finalité) et l'ordonnancement juridique (pouvoir normateur positif) ne peuvent être séparés selon les auteurs du « jus publicum europaeum » (L. Tuguit, M. Weber, H. Kelsen, C. Schmitt, etc.).

  • Ainsi l'accord entre les membres d'un système doit porter sur la substance (philosophico-politique de la finalité commune) mais aussi sur la cohésion des objectifs poursuivis pour l'atteindre.

  • Apparait ici en toute clarté la divergence des conceptions de philosophie juridique qui commandent à la coopération internationale et qui ont des importantes répercussions politiques :

  • - celle du droit/fin, qui est la conception typique des «utopistes» ou des « théoriciens purs », (dans toutes leurs variantes intermédiaires),

  • - ou celle du droit comme compromis entre forces (nationales) , qui est celle du réalisme réformateur et modéré.

  • En effet, ce dernier identifie la « limite » de la coopération politique dans l'efficacité des règles strictement encadrées dans une sphère restreinte de relations institutionnalisées (les règles du jeu acceptées et souscrites par traité).

  • Il s'agit d'une conception de la coopération politique qui est, elle même, subordonnée aux fluctuations des équilibres de pouvoir internes et internationaux et qui a besoin d'un soutien permanent de tous les sujets agissants (États, opinions, forces transnationales, etc).

  • Ainsi la coopération internationale est loin d'être un pur concept, un comportement volontaire ou un choix unilatéral, car elle dépend sensiblement de l'ambiance internationale, de son organisation politique (bi- ou multi-polarité) et de ses options conjoncturelles (multilatéralisme), qui doivent être subordonnées tactiquement à la logique des pôles.

  • Or, le système de la coopération et du droit international qui en est le réflexe juridique, doit tenir compte du système de l'équilibre de puissance (bipolaire et/ou multipolaire) qu'il est censé réglementer. Il ne peut être en opposition à celui-ci, sous peine de devenir inadapté et obsolète. En d'autres termes, un système de droit, conçu pour une longue période de stabilité ne peut survivre dans une période de changements révolutionnaires, politiques, hiérarchiques et culturelles, concernant les rapports de puissance et vice versa. De plus, la constante mutation de la dialectique entre puissances conservatrices et puissance de revendication fait multiplier les « clauses de réserve » et d'auto-conservation des États (clauses d'exception; opting out, clause «rebus sic stantibus », non intervention sauf humanitaire).

  • On comprendra mieux pourquoi, à la base du droit et de l'organisation de la coopération internationale le vrai problème est celui de la légitimité, autrement dit de la conception commune de l'autorité, du pouvoir de commandement et de décision, bref de la souveraineté.

Puisque toute forme de coopération est un problème d'entente, le visage de la mésentente est le conflit. Il sanctionne l'impossibilité d'un accord possible, celui d'un visage du monde, que l'on contribue à bâtir.