SÉCESSION DU PEUPLE OU SÉCESSION DES ÉLITES

SUR LES ILLUSIONS DE LA DÉMOCRATIE ET LE RENOUVEAU DES ÉLITES
Auteur: 
Irnerio SEMINATORE
Date de publication: 
2/6/2020

Sécession du peuple ou sécession des élites?

Ce sont là les deux extrêmes du débat en cours sur la pratique et les illusions de la démocratie.

L'exemple le plus parlant de la sécession actuelle du peuple est, en France, le mouvement des "Gilets jaunes" et l'expression la plus contestée de la sécession des élites, l'émergence et l'accès au pouvoir de Macron, il "Valentino" de la Cinquième République, le "Borgia" des temps modernes.

La sécession du peuple ou de la plèbe, autrement dit, l'auto-institution d'un sujet sans statut politique en acteur de son destin, réclamant sa participation à la liberté et à la délibération politique, n'est pas d'aujourd'hui.

Mais c' est d'aujourd'hui sa parole publique, sa recherche de "sens" et sa dénonciation de la démocratie, orpheline du débat et de l'écoute du Prince.

D'où la révolte du peuple, semblable à celle des sans culottes parisiens et des jacobins anglais du XVII anglais.

Cependant, qu'on l'appelle sécession ou retrait de la vie publique, la "sécession" est toujours un moment de contestation du pouvoir, à partir de la république romaine et du retrait de l'Aventin (de 494 a.J.C.).

C'est un changement du personnel de gouvernement qui est réclamé, plébéien ou patricien, national ou globaliste!

Ce changement est aujourd'hui en cours en France, en Italie, en Espagne et en Allemagne.

Les plébéiens ou néo-nationalistes contestent les patriciens, élitistes ou globalistes, ou encore, néo-progressistes et ce renouveau se présente, à la surface, comme un changement de la représentation politique et donc comme une crise de la démocratie moderne, tandis qu'il est, en son fond, un bouillonnement anti-système de la société en révolte et une crise de subversion, au relents violents.

Ce changement s'affiche publiquement comme une dénonciation des élites et de leur sécession.

C'est un changement de fond de l'ordre social, porteur d'insubordination et de révolte et il appartient comme tel, à l'histoire discontinue de la liberté politique.

Cependant il se range du côté des mouvances identitaires et des droites néo-conservatrices et souverainistes et il est résolument contre les "divers gauches", cosmopolites et globalistes.

Le renouvellement des élites dirigeantes, qui est en cours partout en Europe,est signalée par le refus de l'égalitarisme et du gauchisme des élites privilégiées et par la révolte contre la subordination atlantiste de la politique nationale et de celle-ci au modèle culturel de l'Amérique.

Dans le cadre de conceptions rénovées, s'affirme ainsi la conscience que les conflits ne naissent plus des idéologies désincarnées, mais de la politique d'affirmation néo-nationale et populaire.

A l'intérieur des pays occidentaux, les régimes démocratiques, laïcisés et ouverts, deviennent dépolitisés, obsolètes et totalitaires, tandis que les régimes anti-systèmes se commuent en perturbateurs ou en révolutionnaires et sont ouvertement combattus, dénigrés et déstabilisés.

La Révolte néo-nationale contre la "Révolte des Élites"

La menace à l'ordre social a été perçue autrefois, comme une des réponses à la "Révolte des masses"(Ortega y Gasset-1930). Cette menace, venant de la social- démocratie, du marxisme théorique et de la révolution russe, fut à la racine d'une réflexion, sur la théorie des élites, représentée, autour des années 1920, par Pareto, Mosca et Michels, en réponse au dysfonctionnement du régime libéral et de son système parlementaire.

Qu'en est il aujourd'hui?

La sécession des élites precède-t-elle et explique-t-elle la "Sécession des masses"de nos jours?

Les mouvements souverainistes et populistes et les droites politiques en Europe s'inspirent elles des mêmes sources et des mêmes objectifs?

Christopher Lasch a analysé, aux États-Unis, au courant des années 1990, les raisons de fond de l'émancipation des "élites" du peuple et a essayé d'expliquer leur sécession, intellectuelle et morale, de l'ordre social existant.

En critique de fond du progressisme et d'une modernité, qui a rompu toute forme de tradition et d’enracinement au profit du "melting pot", C.Lasch tâche de comprendre pourquoi les élites occidentales se sont éloignées du peuple et ont fait sécession de leurs sociétés.

Ces élites, qui ne se limitent pas aux dirigeants politiques,se sont déconnectées de la réalité et méprisent les citoyens et les préoccupations des masses.

Or, la menace à l'ordre social vient désormais des élites globalistes et de leurs objectifs manichéens et guère de la révolte sociale.

La menace vient du rôle des médias,de l'idéologie des universités (le gauchisme), du rapport à la religion, du sexisme,des militants LGBT (la théorie du gendre) et des fausses réponses données aux questions raciales.

"La révolte des Élites" de C.Lasch (1993), marque désormais l'avènement de l'individualisme narcissique et met à nu les illusions de la démocratie.
Ainsi le problème n'est donc plus celui du dysfonctionnement du système politique, mais d'une profonde réforme de la société.

De la "révolte" à la "faillite des élites"

En effet une époque s'achève, celle du rationalisme moderne, matérialiste, technocratique et instrumental, qui avait perdu sa relation au "sens" de la vie et au tragique, la mort, conduisant à la finitude de l'aventure humaine, imbue du destin et des valeurs ancestrales.

Cette fin d'une époque et cette dégénérescence du tragique et de la finitude humaine est bien le sentiment dominant de notre temps de crise ou d'une transition qu'il faudrait définir désormais comme "La faillite des Élites"(M.Maffésoli).

Contre cette faillite les réalités actuelles nous font présager une énième et possible révolte des masses, autrement dit des soulèvements larges et diffus, que les intellectuels et les hommes politiques de droite annoncent et prévoient depuis longtemps.

Dans ce contexte, la perte de confiance dans le progressisme matérialiste et dans le système démocratique se manifeste partout en Europe par la fragmentation des partis politiques traditionnels. On ajoutera que le rejet des élites encourage les mouvements souverainistes et populistes à approfondir leur bataille et que l'insécurité grandissante aggrave la crainte d'une perte d'identité, due à une invasion migratoire massive.

Le triomphe du néo-nationalisme et du néo-conservatisme semble ainsi assuré de succès par la montée en puissance des droites européennes.

Ernst Lohoff, analyse clairement, dans une perspective critique, le ressentiment des citoyens contre l'UE et qualifie ce ressentiment de force historique.

Il rappelle que la gauche allemande surfe contre l'UE, à l'image de Podemos en Espagne et que l'égérie de Die Linke, Sahra Wagenknecht, avant garde du néo-nationalisme de gauche, identifie l'espace démocratique à l’État Nation et prône un globalisme décentralisé, comme base d'une utopie, qui demeure au fond passive et non pro-active.

V. Orban, Salvini, Marine le Pen, Vox et AfD, interprètent collectivement, bien que différemment les sentiments de révolte qui traversent la société européenne selon des clivages ethniques et religieux, d'autant plus intenses et profonds que la société a été forcée à devenir communautaire et tribale et donc multiculturelle, multiconflictuelle et pré-moderne, encouragée et contrainte par des pouvoirs irresponsables.

La dissolution du corps politique est manifeste désormais par le vote "sur la loi d'urgence" en Hongrie, qui représenterait, au yeux de la Commission européenne,une dérive absolue des "valeurs européennes" et de l’État de droit, déjà périmées depuis longtemps.

Le grand abus, égalitariste et mondialiste de la gauche radicale et du djihadisme compassionnel se poursuivra, à l'aide des globalistes occidentaux, par un travail génocidaire et méthodique contre les peuples d'Europe, pour confiner, soumettre, traiter, uniformiser et diffuser le mal du métissage et de l'aliénation.

Restauration du passé historique et affirmations identitaires

Or, le rôle fondamental de la mémoire et des récits historiques représente une tâche politique primordiale, que les droites conduisent en Europe, pour mobiliser les "énergies vitales du passé", menacées par le modèle anglo-saxon, d'empreinte américaine et par une immigration massive, de peuplement et de remplacement.

Le temps présent est par conséquent aux résurgences et aux affirmations identitaires, que seule la pensée néo-nationale poursuit par le refus sacro-saint de l'égalitarisme politique et racial, de la subordination de la politique nationale au globalisme et de la priorité du modèle anglo-saxon sur le modèle européen.

En repensant la politique en termes de siècles et l'espace en termes de continents, la conscience historique des pays européens d'aujourd'hui ne peut occulter une même identité de civilisation et, de ce fait, les origines franques de la nation française, la germanité commune du passé carolingien, ainsi que la Chrétienneté latine de l'Europe occidentale et byzantine, des Balkans, de l'aire slavo-ortodoxe et de l'espace russo-sybérien.

Ces rappels éthno-linguistiques et religieux opposent l'aire européenne à l'aire anglo-saxone. Cette dernière, orientée par la stratégie globale d'Hégémon, exercée en termes de Sea-Power (ou pouvoir de la mer), comme modèle culturel fondé sur l'individualisme et l'échange, contribue au déracinement de nos sociétés, fondées sur les traditions anciennes de la terre et de ses mythes ancestraux.

L'issue de cette opposition entre modèles culturels contrastants, peut conduire tout droit à l'annihilation de l'histoire continentale et à la négation de toute renaissance. Or, le rôle fondamental de la mémoire et des récits nationaux représente une tâche politique primordiale, que les droites conduisent en Europe, pour mobiliser les "énergies vitales du passé", menacées par le modèle anglo-saxon d'empreinte américaine.

Le temps présent est donc aux résurgences, aux affirmations identitaires et à la revendication des pays d'antan du vieux continent, de vouloir dessiner un nouvel avenir du monde, bien ancré, moderne et à nouveau mythique.